Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 octobre 2019 à 9h30
Proposition de loi tendant à renforcer l'effectivité du droit au changement d'assurance-emprunteur — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur :

Comme vient de le rappeler la présidente, notre exercice s'inscrit dans le cadre du gentlemen's agreement. Les amendements qui vous seront proposés ont tous reçu l'accord de l'auteur de la proposition de loi.

Nos travaux s'inscrivent dans la lignée de ceux effectués ces dernières années par nos collègues Daniel Gremillet et Martial Bourquin. Le texte que nous étudions aujourd'hui, dont l'auteur est M. Bourquin, vise à mettre la touche finale à une aventure démarrée il y a près de dix ans, et dont le but est de permettre concrètement au consommateur de résilier son assurance-emprunteur. Nous avons eu des échanges fructueux, qui nous ont permis d'avancer dans une direction que je crois favorable au consommateur, souvent désigné à juste titre comme la partie faible du contrat.

Avant d'examiner les solutions proposées par le texte pour renforcer l'effectivité du droit de résiliation, je voudrais préciser de quoi l'on parle et rappeler quelques chiffres.

L'assurance-emprunteur est une question importante, au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens, puisqu'elle conditionne, dans la majorité des cas, l'obtention d'un prêt immobilier. Elle facilite l'accès au crédit de tous les segments de la population. Environ un million de crédits immobiliers ont été signés en 2018, et à peu près autant de nouveaux contrats d'assurance-emprunteur. Les cotisations de cette assurance représentent environ 9 milliards d'euros par an. En moyenne, l'assurance-emprunteur représente entre 6 et 15 % du montant du prêt pour un ménage, selon son profil de risques. Ne pas être entravé lorsqu'on souhaite faire usage de son droit à résiliation est donc une question non seulement d'égalité et de légalité, mais aussi de pouvoir d'achat.

Depuis 2010, le législateur est intervenu à quatre reprises afin d'ouvrir puis d'élargir progressivement le droit à la résiliation de cette assurance, augmentant ainsi la concurrence sur ce marché. De fait, l'objectif d'une baisse des tarifs au profit du consommateur a été rempli, d'après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En ciblant spécifiquement les profils les moins risqués, les assureurs alternatifs ont proposé des tarifs plus bas et permis de diminuer les prix moyens, forçant les bancassureurs à s'aligner et à diminuer à leur tour les prix afin de conserver leur clientèle. C'est la raison pour laquelle les parts de marché n'ont que peu évolué : si les bancassureurs détiennent toujours 87 % du marché, c'est avant tout parce qu'ils se sont adaptés à la concurrence. En tout état de cause, le ratio entre cotisations d'assurance-emprunteur et total des encours immobiliers est passé de 0,77 % à 0,69 % en dix ans, ce qui s'est traduit par plusieurs milliers d'euros d'économie pour les assurés qui ont changé d'assureur.

Pour autant, les intentions du législateur ne sont pas toujours respectées sur le terrain, soit en raison d'incertitudes juridiques, soit à cause de manoeuvres dilatoires de certains prêteurs visant à entretenir la confusion du consommateur.

Une partie de ces manquements tirerait son origine du flou juridique entourant la notion de « date d'échéance » du contrat d'assurance-emprunteur. Certains contrats n'en disposent pas, car ils ont été signés avant le droit à résiliation en 2014, puis 2017 ; d'autres présentent au contraire plusieurs dates, qui peuvent toutes en même temps prétendre à ce qualificatif. C'est ce flou qui est parfois exploité par certains prêteurs pour indiquer au consommateur qu'il n'a pas respecté la bonne date et qu'il ne peut donc pas partir à la concurrence.

Pour répondre à ce problème, M. Martial Bourquin propose deux solutions. La première, à l'article 1er, précise que la date d'échéance est la date anniversaire de la signature du prêt par l'emprunteur. Cela reprend un avis rendu à l'unanimité en novembre 2018 par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui réunit les banques, les assurances et les consommateurs. Cette réalisation est suffisamment rare pour être soulignée, et c'est pourquoi je vous proposerai d'aller au bout de la démarche en transcrivant également la partie de l'avis du CCSF qui offre la possibilité à l'assuré de choisir une autre date d'échéance prévue dans son contrat s'il le souhaite. Ainsi, celui-ci garde véritablement la main sur la période de résiliation qui lui convient le mieux, ce qui est un facteur de clarté et de bonne appropriation de ce droit.

Il me semble également utile de prévoir que, sur la notice que le prêteur remet à l'emprunteur lorsqu'il lui propose une assurance et qui énumère les risques garantis, doive figurer cette nouvelle définition de la date d'échéance. Nous avons par ailleurs constaté qu'en cas de perte par l'assuré de sa fiche standardisée d'information (FSI), qui retrace les garanties que le prêteur juge nécessaires pour accepter une demande de substitution, celui-ci est dans l'impossibilité de comparer les offres sur le marché. Or, certaines demandes d'envoi d'une nouvelle FSI restent lettre morte.

Je vous proposerai donc, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, un amendement qui, pour plus de clarté, reprend dans son entièreté la conclusion du CCSF, et qui prévoit que cette nouvelle définition de la date d'échéance figure sur la notice, et que l'assuré puisse se voir communiquer, à sa demande, la FSI tout au long de la durée du crédit.

J'en arrive à la deuxième solution proposée par ce texte : il s'agit de créer pour les assureurs une obligation d'informer l'assuré trois mois avant la date d'échéance de son droit à résiliation. L'assuré pourrait résilier son assurance à tout moment si l'assureur manque à cette obligation. Bien entendu, je partage l'objectif de bien informer le consommateur : ce n'est qu'ainsi qu'il connaîtra ses droits et pourra faire jouer la concurrence. Toutefois, les auditions ont permis de mettre en exergue un nombre important de difficultés pratiques, pour ne pas dire d'impossibilités.

En effet, tous les assureurs ne connaissent pas la date de signature de l'offre de prêt, puisqu'elle relève des relations contractuelles entre un prêteur et l'emprunteur. Par conséquent, et notamment pour les contrats en cours, les assureurs seraient contraints de calculer une période d'envoi de l'information à partir d'une date qui leur est inconnue. Ils seraient ainsi placés involontairement dans l'illégalité, et cette obligation serait source d'un contentieux de masse. Il faudrait alors qu'ils demandent aux différents prêteurs, contrat par contrat, la date personnalisée de signature de chacun de leurs millions de contrats.

Néanmoins, cette difficulté matérielle ne doit pas nous empêcher d'avancer sur l'information du consommateur. Il y va de la bonne application de la loi. C'est pourquoi il me semble préférable de créer une obligation pour l'assureur d'informer chaque année l'assuré de son droit général à résiliation, et des délais et procédures qu'il doit respecter s'il souhaite en faire usage. Ainsi, chaque assuré saurait qu'il peut résilier, et serait informé de la démarche à accomplir, charge à lui bien sûr de connaître sa date de signature, ce qui est normalement le cas de toute personne ayant contracté un tel prêt.

Avec les propositions formulées à l'article 1er, je tiens à rappeler que l'assuré pourra en outre, si vous l'acceptez, choisir une autre date d'échéance qui lui convienne, si par exemple elle figure sur son contrat d'assurance. Non seulement le consommateur aura la main sur la date de résiliation qu'il préfère, mais il en sera informé chaque année.

Cependant, la possibilité de résilier à tout moment en cas de manquement, si elle constitue une forme de sanction utile, pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Par exemple, elle pose un risque en matière de couverture du prêt, si un assuré résiliait sans avoir trouvé au préalable une autre assurance. Mais une obligation sans sanction risque de rester un voeu pieux. C'est pourquoi je propose un renforcement conséquent des sanctions administratives dans les cas où les prêteurs et assureurs tentent d'induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre, de le faire hors délai, bref de le tromper avec mauvaise foi.

Ces sanctions viendraient punir le manquement à l'obligation d'information annuelle que je vous propose d'adopter. Aujourd'hui, les sanctions pénales sont de 3 000 euros environ : non seulement leur montant est trop faible, mais elles sont peu appliquées dans la pratique, car une erreur matérielle dans la loi les fait relever à la fois du régime des contraventions et de celui des sanctions pénales. Je vous propose donc de clarifier les différentes sanctions existantes et de les dépénaliser, afin que la DGCCRF et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), soient en charge de les appliquer.

Cela aurait un avantage décisif : contrairement à la procédure judiciaire, rarement déclenchée en raison de la contradiction de la loi, les sanctions administratives peuvent être appliquées très rapidement, et pour chacun des manquements. Leur montant s'élèverait jusqu'à 15 000 euros par infraction pour une personne morale, soit cinq fois plus qu'aujourd'hui ! Si nous voulons frapper vite et fort, elles sont le véhicule idéal.

Enfin, la proposition de loi prévoit un affichage public des décisions de la juridiction en la matière : or, la loi offre déjà à la DGCCRF et à l'ACPR cette possibilité. Si nous leur confions le contrôle et la répression de ces infractions, elles pourront donc en faire usage. Dans ce cas, l'article 3 est pleinement satisfait par les modifications que je vous propose d'apporter à l'article 2, et je vous proposerai donc un amendement de suppression.

Comme prévu par le vade-mecum sur l'application de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer qu'entrent dans le champ des dispositions présentant un lien direct ou indirect avec le texte les mesures suivantes, qui reprennent logiquement les différents points du texte : la définition de ce que recouvre la notion de date d'échéance ; les moyens de faire connaître efficacement cette date d'échéance à l'assuré ; le renforcement des dispositifs qui permettent à l'assuré de comparer les offres d'assurance-emprunteur sur le marché ; et le régime de sanctions applicable aux manquements aux différentes obligations des prêteurs et assureurs en matière de facilitation du droit à substitution d'assurance.

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