Je reconnais que les documents budgétaires ne sont pas toujours de la plus grande simplicité. Je vous ferai passer à l'issue de cette audition le document synthétique et pédagogique que nous avons réalisé pour présenter l'effort budgétaire en faveur de l'égalité femmes-hommes dans le projet de loi de finances pour 2020, avec sincérité et transparence. Le DPT sera disponible en ligne dès demain. Le ministre du budget et moi-même restons évidemment à votre disposition si vous avez des questions.
Madame Filleul a évoqué l'enjeu central de la prévention. Un groupe de travail avance sur ce sujet. Dans le cadre du Grenelle a par exemple émergé l'idée, que je trouve excellente, de mettre en place un brevet de lutte contre les violences dans le cadre scolaire. Cela permettrait de sensibiliser chaque enfant sur ce sujet, comme on a pu le faire sur la sécurité routière.
Tout est lié : lorsqu'on lutte contre les stéréotypes sexistes à la télévision et que l'on fait des signalements au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour dénoncer le sexisme ou la violence de telle ou telle émission, on fait aussi de la prévention. Il en va de même lorsqu'on valorise les championnes sportives, qui véhiculent une image positive et forte des femmes, et pas seulement l'image de la femme objet de désir...
La prise en charge des victimes est prégnante dans la politique publique d'égalité femmes-hommes, c'est vrai. Mais ce tropisme est lié à l'histoire. La lutte pour les droits des femmes et contre les violences sexuelles et sexistes a longtemps été le fait des associations. Les stratégies de politique publique sont très récentes, ce qui explique l'existence d'angles morts. Parmi eux, j'ai notamment identifié la prise en charge des auteurs de violences. Je me suis récemment rendue à Arras pour visiter l'un des seuls centres de notre pays qui prenne en charge les auteurs de violences, dont Luc Frémiot est l'un des fondateurs, et qui s'avère très efficace pour la prévention de la récidive. Je ne suis pas forcément d'accord avec Luc Frémiot sur tous les sujets, mais il a tout à fait raison de souligner l'aspect crucial que représente la prise en charge des auteurs de violences pour éviter la récidive. J'ai pu m'entretenir avec des hommes auteurs de violences conjugales qui ont été accompagnés dans ce centre et il m'est apparu que cela pouvait porter ses fruits. J'ai également pris conscience qu'un tel centre présente un coût raisonnable, de l'ordre de 200 000 euros par an, budget qui permet d'héberger et d'accompagner de 30 à 40 hommes auteurs de violences en une année.
Autrement dit, si l'on trouve des collectivités partenaires pour cofinancer de tels centres, on pourra dégager des financements afin d'accompagner ces hommes et de faire de la prévention en luttant contre la récidive. Cet aspect sera pour moi un axe de travail important à développer à la suite du Grenelle de lutte contre les violences conjugales.
Vous avez été nombreuses à évoquer une baisse des subventions aux associations locales. Si je regarde les chiffres dont je dispose, je peux vous indiquer qu'en moyenne, les associations ont bénéficié d'une hausse de l'ordre de 21 % de leurs subventions. Certes, les évolutions diffèrent selon les structures : alors que certaines vont profiter d'une augmentation importante (je pense au CFCV, à Excision, parlons-en ! ou encore au Mouvement du Nid, par exemple), d'autres seront affectées par une baisse significative de leurs aides. Mais une baisse de subventions est généralement justifiée par des raisons de fond et non pour des motifs budgétaires. Elle s'appuie en effet souvent sur une évaluation de la déléguée régionale ou départementale aux droits des femmes, qui peut estimer que l'action de l'association n'est pas suffisamment solide. Pour autant, si vous pensez qu'il y a eu des baisses injustifiées touchant des associations locales, nous pouvons en discuter.
Sur l'IVG, je voudrais rappeler qu'il est difficile d'attirer les jeunes médecins vers la spécialité de gynécologue obstétricien, sans compter que les praticiens qui acceptent les IVG sont encore plus rares, notamment dans les zones de déserts médicaux, comme le département de la Sarthe, territoire que je connais bien. Je partage votre constat. La ministre des solidarités et de la santé est pleinement engagée sur ce sujet. Elle a publié une cartographie des professionnels pratiquant les IVG dans toute la France, afin de permettre à toute femme qui souhaite avorter de pouvoir respecter les délais légaux.
En ce qui concerne le congé paternité, je rappellerai qu'une mission de l'IGAS a été diligentée par le Premier ministre sur ce sujet et a proposé plusieurs scénarios d'évolution pour améliorer le dispositif, qui passent essentiellement par un allongement de la durée ou par une meilleure rémunération. Pour ma part, je pense que le « sens de l'histoire » serait d'aller vers un allongement de la durée de ce congé. C'est une démarche que nous initions, mais je ne peux pas prendre d'engagement au nom de l'ensemble du Gouvernement à ce stade. Le Parlement peut aussi nous faire des propositions législatives. La question est de savoir quel scénario on retient, et comment financer l'allongement de la durée.
Nous sommes aujourd'hui le 15 octobre, Journée internationale de la femme rurale, et je voudrais saisir cette occasion de rappeler, pour m'en féliciter, que nos actions conjuguées ont permis d'améliorer le congé maternité des exploitantes agricoles.
Pour répondre à Mme Filleul, je voudrais dire que la place des femmes dans l'innovation est très importante. Je suis très attachée au fait de ne pas limiter la vision des femmes à celle de victimes de violences, même si c'est difficile, tant nous sommes rattrapés par la réalité des faits. C'est pour cela que j'ai salué l'attribution du prix Nobel d'économie à une femme française et que nous nous soutenons la capacité des femmes à créer des entreprises.
Cela dit, vous avez tout à fait raison. La question de l'accès à l'éducation des petites filles partout dans le monde est centrale : le Gouvernement y consacre un effort de 66 millions d'euros. C'est un engagement porté politiquement par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'éducation nationale et je les soutiens pleinement. J'ajoute que nous avons augmenté de manière très significative l'engagement financier de la France en faveur de l'accès à l'éducation des filles dans le cadre des programmes de l'ONU.