Intervention de Annick Girardin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 17 octobre 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Annick Girardin ministre des outre-mer

Annick Girardin, ministre :

Mon action s'inscrit dans la continuité de ce qui est engagé depuis mai 2017, dans la cohérence et la transparence. L'acte II de mon mandat, c'est la Trajectoire 5.0, une dynamique lancée le 8 avril dernier. Cette trajectoire découle de la consultation des citoyens lors des Assises des outre-mer, et des mesures et projets inscrits dans le Livre bleu, la feuille de route du Gouvernement sur le quinquennat. Sur les 333 mesures du Livre bleu, 283 sont désormais engagées, soit 85 %. Ce terme d'« engagées » n'est pas satisfaisant et prête à confusion, car il ne signifie pas que les citoyens peuvent voir dès à présent les résultats de nos politiques sur le terrain. Le ministère dispose d'un tableau de l'avancement des projets régulièrement mis à jour. Nous pourrons vous le transmettre.

Le Livre bleu appelle à mettre en oeuvre une action sociale, avec l'expérimentation de la Conférence territoriale de l'action sociale et familiale (CTASF) en Guadeloupe. Le déploiement d'infrastructures à très haut débit fixe devrait être achevé à la fin de 2019, avec un soutien de près de 145 millions d'euros. Un plan ambitieux pour les équipements sportifs dans tous les territoires bénéficiera de 56 millions d'euros sur 5 ans, financé à parité par le ministère des outre-mer et celui des sports. Le fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (Febecs) sera doublé pour tous les territoires. Pas moins de 100 postes de médecins spécialisés seront ouverts. Les entreprises adaptées recevront une aide de 44 millions d'euros, soit l'équivalent de 2 100 emplois. Enfin, la police de sécurité au quotidien verra ses effectifs augmenter, avec 371 postes supplémentaires. La direction générale des outre-mer (DGOM) et mon cabinet suivent de près toutes les avancées du Livre bleu lors des réunions interministérielles. Le Livre bleu, c'est aussi une méthode. C'est la mise en oeuvre de projets, c'est la co-construction entre l'État, le monde économique et la société civile pour la transformation et le rayonnement des outre-mer. C'est le réflexe outre-mer en action au sein de l'ensemble des ministères. C'est un suivi de nos engagements et des mesures, avec la tenue de comités interministériels des outre-mer (CIOM) réguliers : un premier, le 22 février, et un second, tout récent, le 18 septembre. Un troisième rendez-vous est fixé au premier semestre 2020 par le Président de la République qui l'aborde comme une « réunion de chantier ». Ce sont des moments importants qui, au-delà du suivi technique et administratif des mesures du Livre bleu, me permettent de porter politiquement au plus haut niveau les sujets relatifs aux outre-mer. C'est grâce à ces moments privilégiés que nous pouvons gagner un certain nombre d'arbitrages.

La Trajectoire 5.0 est transversale dans l'ensemble des chapitres du Livre bleu. Cette stratégie de développement durable pour tous les territoires, à l'horizon 2030, a été confortée par l'engagement des collectivités lors de la signature de CCT, le 8 juillet dernier. Ces contrats, qui découlent de la loi pour l'égalité réelle outre-mer, introduisent aussi une nouvelle dynamique. Ils constituent un outil, alimenté par une enveloppe globale de 2,1 milliards d'euros pour les territoires jusqu'en 2022. Il convient d'y ajouter le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), fléché à 110 millions d'euros par an. En 2019, ce fonds était à 70 % orienté vers des projets 5.0. Mon souhait pour 2020 est qu'il le soit à 100 %. Ce sont donc 2,5 milliards d'euros jusqu'en 2022 qui permettront la transformation des outre-mer.

Le 8 juillet, les collectivités signataires des contrats se sont aussi engagées sur la Charte outre-mer 5.0 qui traduit un engagement mutuel entre l'État et les territoires d'outre-mer pour accomplir les cinq objectifs de la Trajectoire 5.0 à l'horizon 2030. Ces cinq objectifs correspondent aux 17 objectifs de développement durable pour les outre-mer. La dynamique 5.0, plus claire que celle des 17 objectifs, a l'avantage de l'efficacité pour montrer que les territoires d'outre-mer sont des territoires de solutions. La déclinaison de la Trajectoire 5.0 a constitué le premier point à l'ordre du jour du CIOM du 18 septembre dernier, qui a réuni 16 ministres sous l'autorité du Premier ministre. Ce comité a permis d'acter des actions très concrètes que nous finançons dans le cadre de la Trajectoire 5.0. La politique « zéro carbone » pour intégrer davantage d'énergies renouvelables dans les territoires se concrétise dans le financement du plan global de transport et de déplacement à Mayotte, pour un coût de 130 millions d'euros. La politique « zéro déchet » pour des sociétés économes, préservatrice des ressources, se traduit dans le développement de l'économie circulaire en Martinique pour 13 millions d'euros. La politique « zéro polluant agricole » pour des populations protégées des substances chimiques dans leur quotidien trouve un aboutissement dans le soutien à la production terrestre primaire à Wallis-et-Futuna, pour 500 000 euros. La politique « zéro exclusion » pour des sociétés qui luttent contre toutes les formes de discrimination et d'inégalité se réalise dans la construction et l'extension de 10 établissements du second degré en Guyane, à hauteur de 91,3 millions d'euros. Enfin, la politique « zéro vulnérabilité » pour des territoires résilients face au changement climatique et aux risques naturels majeurs s'illustre dans la création de la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien (Piroi Center) à La Réunion, pour 2 millions d'euros.

Ce CIOM a aussi été l'occasion d'évoquer plusieurs priorités stratégiques du Gouvernement pour les outre-mer dans les prochains mois, telles la prise en compte des risques majeurs outre-mer, la situation des finances locales et l'accompagnement des collectivités, la lutte contre la vie chère, le soutien à l'agriculture, la recherche et l'innovation, ou encore le Plan logement outre-mer. À périmètre constant, le budget de la mission outre-mer pour 2020 s'établit à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits sont orientés autour de quatre objectifs prioritaires. Le FEI a été intégralement préservé, avec 110 millions d'euros par an, au service des projets quotidiens des ultramarins. Nous maintenons également 90 millions d'euros de soutien aux constructions scolaires outre-mer, en plus de l'effort fourni par le ministère de l'éducation nationale. Parce que le soutien à l'ingénierie est fondamental, avec la révision des critères de péréquation entre collectivités territoriales, il représentera 85 millions d'euros supplémentaires d'ici 5 ans et 17 millions d'euros dès 2020, destinés à l'appui des collectivités. J'ai aussi décidé d'augmenter de 3 millions d'euros les crédits confiés à l'Agence française de développement (AFD) et dédiés à l'ingénierie et à l'assistance à maîtrise d'ouvrage, qui passent ainsi de 4 à 7 millions d'euros.

Les conclusions des travaux de la Conférence logement devraient vous être présentées d'ici 15 jours. L'État s'est engagé à maintenir les autorisations d'engagement (AE) de la ligne budgétaire unique (LBU) au-delà de 200 millions d'euros annuels sur 2020, 2021 et 2022. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit le rétablissement pour les seuls outre-mer d'une allocation pour l'accession à la propriété et la rénovation. Sans oublier le plan d'investissement volontaire porté par Action logement qui prévoit un volet spécifique pour les outre-mer de 1,5 milliard d'euros.

En 2020, pas moins de 24 millions d'euros seront dédiés aux outils spécifiques d'aide aux entreprises : micro-crédit, appels à projets, élargissement des conditions d'accès au prêt de développement outre-mer. Au-delà des volontés, les financements sont là.

C'est une attente forte de nos concitoyens ultramarins que de voir leur place mieux connue et reconnue dans notre communauté nationale. Il s'agit de sortir des images et des clichés souvent trompeurs, pour valoriser l'excellence de nos territoires dans les domaines culturel, intellectuel, sportif, économique... Nous avons signé, en juillet 2019, avec le ministre de la culture et la présidente de France Télévisions un pacte sur la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public. C'est un pas considérable. Le pacte, ce sont des objectifs, des indicateurs et des mécanismes pour atteindre les objectifs de représentation des outre-mer. Je souhaite inscrire cette question de la visibilité au coeur de l'organisation de mon ministère.

Vous le savez, le délégué interministériel à l'égalité des chances des Français des outre-mer, Jean-Marc Mormeck, a décidé de rejoindre le conseil régional d'Ile-de-France pour travailler en faveur du développement des quartiers populaires. Je profite de cette occasion pour le remercier du travail accompli durant les trois dernières années, notamment dans le domaine de l'emploi. Il sera très prochainement remplacé. Je souhaite donner à son successeur un périmètre d'action élargi qui couvrira le champ de l'égalité des chances, et qui prendra aussi en charge la promotion de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public, mais aussi au-delà. Je pense notamment à la promotion des artistes et talents. Nous devons structurer notre travail d'appui à la diffusion des oeuvres des artistes ultramarins, dans le cadre de nos dispositifs de soutien à la mobilité et de nos relations avec l'Office national de diffusion artistique (ONDA), opérateur du ministère de la culture, et l'Institut français, opérateur du ministère des affaires étrangères. Notre ambition, c'est de faire rayonner les outre-mer dans l'hexagone et à l'international, notamment dans les bassins régionaux. Dans les prochaines semaines, je proposerai au Premier ministre de faire évoluer la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer (Diecfom) pour en faire une « délégation interministérielle pour la visibilité des outre-mer et l'égalité des chances des Français des outre-mer ». Et je souhaite que cette délégation soit directement rattachée à mon ministère, pour favoriser la synergie entre les acteurs.

Quant à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), j'ai rencontré ses salariés à la fin du premier semestre 2019. J'ai également eu de nombreux échanges avec les parlementaires sur les questions de la continuité territoriale, de la mobilité étudiante, et de la formation professionnelle en mobilité. Je rencontrerai prochainement les présidents des collectivités territoriales et régionales, les parlementaires ultramarins et les cadres de Ladom, pour étudier les pistes d'évolution envisageables sur ces différents secteurs.

Comme l'a proposé la Cour des comptes, dans son récent rapport, il est indispensable de recentrer Ladom sur son coeur de métier, et de la rapprocher de Pôle Emploi.

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