Intervention de Henri Leroy

Réunion du 22 octobre 2019 à 14h30
Renforcement de l'encadrement des rave-parties — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Henri LeroyHenri Leroy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Mme Pascale Bories et plusieurs membres du groupe Les Républicains tend à résoudre un problème récurrent auquel les élus nationaux et les maires demandent, de longue date, une solution.

Il s’agit, la réponse de l’État étant insuffisante, de mieux encadrer l’organisation de rassemblements festifs, généralement connus sous le nom de rave-parties, hors des lieux spécialement aménagés à cet effet, voire sans autorisation. Ces rassemblements appellent de la part des pouvoirs publics une attention particulière, du fait des troubles qu’ils peuvent susciter pour le voisinage, l’environnement et des dangers qu’ils comportent pour les participants.

En l’état, le régime d’encadrement mis en place en 2002 ne fonctionne pas. Ce régime spécifique a transféré aux préfets les pouvoirs de police pour ce que les organisateurs appellent non plus des rave-parties mais des free-parties ou fêtes libres, qui sont qualifiées de « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical » par l’article L. 211-5 de code de la sécurité intérieure.

Ce régime, juridiquement très particulier, se présente comme un régime de déclaration, mais s’apparente en fait à un régime d’autorisation. Le préfet peut refuser de délivrer un récépissé et même interdire le rassemblement sur le fondement de l’article L. 211-7 du code de la sécurité intérieure. À l’inverse, le préfet doit engager une concertation avec les organisateurs si leur projet n’offre pas de garanties suffisantes. Cela peut le conduire à trouver un lieu pour l’organisation du rassemblement et à devenir en pratique coorganisateur de l’événement.

Du fait de ce régime ambigu, il n’est pas étonnant que l’attitude de l’État ait oscillé entre des périodes d’appui aux organisateurs et des périodes de répression, pour se stabiliser aujourd’hui sur la base d’une tolérance de l’illégalité.

En effet, de nombreux événements soumis à déclaration se tiennent alors même qu’ils n’ont pas été déclarés aux préfets ou qu’ils n’ont pas reçu de récépissé. Les rassemblements devant regrouper moins de 500 participants se tiennent souvent sans autorisation du propriétaire privé ou public du site, qu’il s’agisse d’un terrain agricole ou d’une friche industrielle.

Au regard de cette situation, le nombre des condamnations est relativement faible, pour ne pas dire très faible… Certains l’expliquent par le fait que la majeure partie des fêtes libres se passent bien, sans mise en danger des personnes et de l’environnement. Incontestablement, il y a, chez certains organisateurs et participants, un sens des responsabilités tout à fait louable. Toutefois, ces rassemblements restent de fait – parfois involontairement, souvent volontairement – hors la loi ; cette situation n’est pas tenable pour la sécurité des personnes et pour les maires qui en ont la charge au niveau des communes.

En effet, paradoxalement, cet arsenal législatif et réglementaire comporte un angle mort. Pour concentrer les ressources des préfectures sur les rassemblements les plus importants, le régime d’encadrement actuel ne se déclenche qu’au-delà d’un seuil fixé par décret, qui est actuellement de 500 participants prévus. En deçà de ce seuil, c’est le maire seul qui doit gérer l’événement, mais comme aucune disposition spécifique n’est prévue, les fêtes libres de moins de 500 participants ne relèvent d’aucune police particulière et sont donc assimilées à de simples réunions. Il suffit donc de l’autorisation du propriétaire du terrain pour qu’elles puissent se tenir. Cela est d’autant plus paradoxal que, contrairement aux fêtes libres, le moindre spectacle amateur doit être déclaré au maire. Or plus de 3 200 fêtes libres se tiennent chaque année, principalement, mais pas uniquement, dans la France de l’Ouest, et très majoritairement en zone rurale.

Au regard de cette situation, la présente proposition de loi, dans sa version initiale, abaissait le seuil qui déclenche l’obligation de déclaration au préfet ; elle renforçait également les sanctions possibles, en doublant la durée de saisie administrative du matériel et en transformant l’infraction de non-déclaration ou d’organisation malgré l’interdiction –actuellement une contravention de cinquième classe – en un délit.

La commission des lois partage l’objectif des auteurs de la proposition de loi. Elle a cependant jugé qu’il n’était pas sûr, étant donné la réticence des services préfectoraux à mettre en œuvre le dispositif actuel, qu’augmenter le nombre d’événements leur incombant ait une efficacité quelconque pour les maires.

Elle a donc choisi de remédier à l’angle mort que constituent actuellement les rassemblements de moins de 500 participants, en prévoyant qu’ils devront obligatoirement faire l’objet d’une déclaration au maire. Cela lui permettra d’être informé et d’agir à temps, par la concertation ou, si nécessaire, par l’interdiction. En cas de non-déclaration ou d’interdiction, il sera possible de saisir le matériel ; ce n’est pas possible à l’heure actuelle pour les rassemblements de moins de 500 participants. Il s’agit là d’un régime de déclaration simple qui n’impose pas de nouvelles obligations aux maires. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion des amendements.

S’agissant du renforcement des sanctions, la commission a considéré que la transformation de la contravention actuelle en un délit est une réponse adéquate et proportionnée au trouble que causent les rassemblements illégaux. La qualification en délit permettra désormais à la police judiciaire – gendarmerie ou police nationale – de conduire des enquêtes en flagrance, des interrogatoires, des perquisitions et des gardes à vue, ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle.

L’intention des auteurs de la proposition de loi est claire. Il s’agit non pas d’interdire les fêtes libres de musique techno parce qu’elles auraient une mauvaise image ou que ce genre de musique serait déplaisant, mais d’inciter les organisateurs à respecter le cadre légal, pour la sécurité des participants et le respect de l’ordre public, des populations et de l’environnement.

Dès lors, plutôt qu’une peine de prison, qui ne serait de toute façon guère appliquée, la commission a prévu, comme c’est le cas pour les dégradations visées à l’article L. 322-1 du code pénal, que la peine encourue pour le nouveau délit soit une amende de 3 750 euros et des travaux d’intérêt général dont la durée maximale serait de 400 heures, soit 53 jours de travail effectif, contre 120 heures au plus à l’heure actuelle. La rédaction de l’article relatif à la requalification en délit a également été précisée par la commission afin d’être pleinement conforme au principe de légalité des délits et des peines et de permettre la confiscation des biens saisis.

Par ailleurs, la commission n’a pas retenu le doublement de la période de saisie administrative envisagé dans la version initiale de la proposition de loi, car cette mesure serait disproportionnée.

La commission a enfin souhaité que l’on puisse fournir un appui au maire dans son dialogue avec les organisateurs et, si possible, sortir de la situation actuelle de blocage au niveau de l’État, qui aboutit à la tolérance de l’illégalité. Afin de relancer le dialogue entre les pouvoirs publics et les organisateurs, qui disent vouloir entrer dans la légalité et démontrer leur sérieux, la commission souhaite qu’une charte de l’organisation de ces rassemblements soit définie par les pouvoirs publics après négociation avec les organisateurs. Ceux qui y adhéreront feront la preuve de leur engagement à respecter la loi, ce qui facilitera leur dialogue avec les maires et les préfets.

Le régime des fêtes libres a vocation à se fondre dans le régime général des spectacles, festivals et événements culturels, mais les organisateurs de ces rassemblements restent aux marges du droit. Il s’agit de permettre à ceux qui souhaitent rentrer dans la légalité de le faire, de sanctionner les autres et, surtout, de redonner aux maires les moyens d’agir pour la sécurité des personnes, la tranquillité et l’ordre publics et la protection de l’environnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion