Intervention de Didier Mandelli

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 octobre 2019 à 9h30
Projet de loi modifié par l'assemblée nationale en nouvelle lecture d'orientation des mobilités — Examen en nouvelle lecture du rapport et du texte de la commission

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli, rapporteur :

Nous examinons en nouvelle lecture le projet de LOM à la suite de l'échec de la CMP le 10 juillet dernier.

Je rappelle l'important travail que nous avons réalisé, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour améliorer le projet de loi initial sur de nombreux volets. Plus de 35 ans après la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), la LOM était très attendue tant par les acteurs du secteur que par nos citoyens, en particulier ceux vivant dans des territoires dépourvus d'une offre de mobilité - en témoignent les manifestations depuis un an...

Nous avons abordé ce texte dans un état d'esprit constructif, en partageant son objectif de mettre fin aux « zones blanches de mobilité » et de développer les mobilités propres et partagées pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Au Sénat, plus de 450 amendements ont été adoptés, la moitié en commission et l'autre moitié en séance. L'implication sur ce texte des différents groupes politiques a permis d'intégrer des propositions de tous bords, dans une logique transpartisane.

À l'issue de cet examen, le projet de loi était substantiellement amélioré par rapport à sa version initiale, ce qui a été salué par de très nombreux acteurs.

Nos collègues députés ont adopté, à leur tour, de nombreuses modifications qui, pour certaines, précisent et complètent utilement celles adoptées par le Sénat. Ils ont conservé un grand nombre des ajouts du Sénat, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Parmi ces apports, je citerai la sanctuarisation des ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), la pérennisation du Conseil d'orientation des infrastructures et des contrats opérationnels de mobilité, et l'allongement du délai pour la prise de compétence « mobilité » par les communautés de communes ou la possibilité pour les présidents de département d'adapter la vitesse maximale autorisée sur les routes dont ils ont la gestion, qui était un marqueur fort du Sénat à la suite des travaux du groupe de travail sur la sécurité routière dont notre collègue Michèle Vullien était corapporteure. On peut y ajouter les nombreuses dispositions visant à favoriser le développement des véhicules à faibles émissions - je pense, par exemple, à l'inscription d'une obligation de verdissement des flottes de véhicules des entreprises, sur l'initiative de M. Dantec -, à encourager les mobilités partagées et actives, avec la mise en place d'obligation de systèmes d'emport de vélos dans les trains et les bus sur l'initiative de Mme Assassi, ou encore à renforcer la sécurité et la sûreté dans les transports.

Toutefois, et c'est normal, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale comprend aussi un certain nombre de dispositions avec lesquelles nous sommes en désaccord.

Je citerai en particulier la suppression du troisième cas de réversibilité du transfert de la compétence « mobilité » fondé sur un commun accord entre la région et une communauté de communes, qui donnait pourtant de la souplesse aux collectivités, notamment en cas de changement de contexte ou de projet par les élus ; la suppression de la possibilité offerte aux préfets de relever les vitesses maximales autorisées sur les voies dont ils ont la gestion à 90 kilomètres par heure; le rétablissement de l'article 20 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mobilité, qui ne permet pas de définir un véritable statut pour les travailleurs indépendants de ces plateformes et qui conserve la possibilité pour celles-ci de mettre en place des chartes sociales facultatives à la portée juridique sans doute limitée ; la suppression de l'article visant à flécher davantage les certificats d'économies d'énergie en faveur de la mobilité propre ; l'obligation pour certaines personnes publiques et privées de publier les taux de verdissement de leurs flottes renouvelées tous les ans, qui pourrait conduire à une forme de « name and shame » ; ou encore les dispositions permettant d'inclure dans le périmètre des concessions autoroutières des sections à gabarit routier.

Les échanges que nous avons eus avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale en vue de préparer la commission mixte paritaire ont permis de trouver des rédactions de compromis sur la quasi-totalité des sujets qui restaient en discussion. J'indique que 110 propositions de rédaction ont été cosignées par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et moi-même, ce qui témoigne d'un important travail de concertation.

Ne subsistait en réalité qu'une seule question en suspens, mais une question de taille : celle du financement des intercommunalités qui se saisiront de la compétence d'organisation des mobilités.

Vous le savez, le projet de loi prévoit que les communes devront délibérer avant le 31 décembre 2020 pour transférer, à compter du 1er juillet 2021, cette compétence aux communautés de communes dont elles sont membres. Il s'agit, selon la promesse du Gouvernement, de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité ».

Ce transfert pose la question des ressources dont disposeront ces intercommunalités pour développer une offre de mobilité, étant donné que la plupart d'entre elles ne mettront pas en place de services réguliers de transport, compte tenu du coût de tels services, et qu'elles ne bénéficieront donc pas des recettes du versement mobilité.

Nous avions à cette fin intégré au Sénat un dispositif de financement permettant à ces intercommunalités d'instaurer un versement mobilité à taux minoré, à hauteur de 0,3 %, même en l'absence de services réguliers de transport, et de bénéficier d'une part du produit de la taxe carbone en complément lorsque les ressources perçues sont insuffisantes pour développer une offre de mobilité satisfaisante.

Les députés ont supprimé ces dispositions, renvoyant, comme le Gouvernement, le règlement de cette question au prochain projet de loi de finances. Nous étions prêts à accepter cette suppression en contrepartie d'un engagement formel du Gouvernement à prendre, dans ce projet de loi de finances, les mesures appropriées.

Ce n'est que deux jours avant la commission mixte paritaire que le Gouvernement nous a indiqué, par courrier, que pour financer leur compétence « mobilité » les intercommunalités pourraient compter sur le dynamisme de la part de la TVA qui leur serait attribuée pour compenser la suppression de la taxe d'habitation.

Cette réponse ne nous a absolument pas paru à la hauteur des enjeux, pour deux raisons.

D'une part, rien ne dit que ce supplément de recettes de TVA sera suffisant et stable dans le temps, ce qui pose problème lorsque l'on souhaite organiser des services de mobilité sur un temps long nécessitant des investissements importants.

D'autre part, ces ressources ne seront pas liées à l'exercice de la compétence « mobilité », ce qui n'incitera pas les intercommunalités à se saisir de cette compétence, d'autant que celles-ci pourraient être amenées à les utiliser pour financer d'autres priorités budgétaires.

Le projet de loi de finances pour 2020 entérine ce choix et ne prévoit aucune autre mesure permettant d'assurer un financement pérenne de la compétence « mobilité ». Pire, au lieu d'attribuer aux autorités organisatrices de la mobilité des moyens supplémentaires, il les prive en réalité d'une partie de leurs ressources, puisqu'il prévoit d'amputer de 45 millions d'euros la compensation que l'État leur verse à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

Dans ces conditions, la promesse du Gouvernement de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » risque fort de rester lettre morte, au détriment des habitants de ces territoires, qui n'ont pourtant cessé de rappeler au cours des derniers mois à quel point il était urgent de répondre à leurs besoins de mobilité.

Je le regrette, car je crains que cette loi ne crée au final beaucoup de déception au regard des attentes de ceux qui habitent dans ces territoires dépourvus d'alternatives à la voiture individuelle.

C'est pourquoi je considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les discussions sur ce texte, et vous propose d'adopter une motion tendant à lui opposer la question préalable.

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