Intervention de Vincent Eblé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 octobre 2019 à 9h30
Compte rendu de la conférence interparlementaire sur la stabilité la coordination économique et la gouvernance au sein de l'union européenne et de la semaine parlementaire du semestre européen

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, président :

Les 30 septembre et 1er octobre derniers, une délégation de la commission des finances du Sénat s'est rendue à Helsinki pour assister à la conférence interparlementaire semestrielle dite « article 13 ». L'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance pose en effet le principe d'une conférence réunissant le « Parlement européen et les commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires ». Il est donc naturel que ce soit la commission des finances qui y représente le Sénat, comme elle le fait depuis plusieurs années. La délégation était composée de Sylvie Vermeillet et de moi-même, nombre restreint par la tenue le même jour de l'hommage national à l'ancien président de la République Jacques Chirac.

Le parlement finlandais, qui assurait l'organisation des échanges, avait prévu quatre sessions sur les thèmes suivants : la gouvernance économique dans l'Union économique et monétaire ; l'avenir de la stratégie pour la croissance et l'emploi ; la stimulation des investissements publics et privés dans l'Union européenne ; et le soutien aux innovations en faveur d'une croissance durable. Nous n'avons pas pu assister à cette dernière discussion afin de rentrer à temps pour l'audition des ministres sur le projet de loi de finances.

De façon générale, le contenu des conférences a pâti d'un contexte très spécifique : le Parlement européen était récemment constitué, et le 30 septembre s'ouvraient les auditions des personnalités proposées par le Conseil pour former le futur collège des commissaires. Aucun parlementaire européen français n'était présent. En revanche, quelques députés de l'Assemblée nationale étaient là, dont le rapporteur général de la commission des finances du Sénat. La composition des différents panels s'en est également ressentie : il est regrettable qu'aucune personnalité politique de premier rang n'ait figuré parmi les intervenants.

Les discussions ont avant tout conduit à dresser un bilan des réalisations dans les domaines abordés, puis de constater les divergences entre États membres sur les sujets qui demeurent à traiter.

La première session a porté sur l'Union économique et monétaire. Une étape importante a été franchie au sommet de la zone euro du 21 juin dernier. La réforme du traité sur le mécanisme européen de stabilité (MES) est en bonne voie : son principe réunit un large soutien des États membres. Les caractéristiques essentielles du filet de sécurité au sein du mécanisme ont été agréées, permettant sa mise en oeuvre effective au plus tard en 2024. Pour mémoire, ce filet de sécurité doit intervenir à titre subsidiaire, après le fonds de résolution unique. Il s'agit d'un élément essentiel de l'union bancaire, que la France a fortement soutenu. L'objectif est désormais de transcrire l'accord politique en une révision du traité sur le MES, ce qui pourrait intervenir dès le mois de décembre prochain. Nous serons ensuite amenés à examiner le texte dans le cadre du processus de ratification. Cependant, cette dernière étape de ratification pourrait prendre du temps : lors des discussions, nous avons pu une nouvelle fois constater les divergences de points de vue entre États membres. Un représentant de la délégation du Bundestag a ainsi rappelé la nécessité de restaurer la confiance mutuelle au sein de la zone euro avant d'avancer plus loin dans une gestion mutualisée des risques.

L'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité, dit budget de la zone euro, a également été abordé. Rappelons que la conférence s'est tenue avant que l'Eurogroupe n'envisage, le 9 octobre dernier, les conditions d'un accord sur la gouvernance et le financement de cet instrument. Les échanges sont restés très généraux, car, en réalité, une question essentielle demeure à propos de l'articulation de cet instrument avec le prochain cadre financier pluriannuel. Alors que la France préfère restreindre cette ligne budgétaire à la zone euro, les États membres les plus réticents défendent son intégration au budget de l'Union européenne. C'est au cours des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel que ce point devra être arbitré.

La seconde session a essentiellement abordé la façon de qualifier et de mesurer le bien-être, dans le cadre plus général de la stratégie européenne pour la croissance et l'emploi durables. Alors que la stratégie « Europe 2020 » arrive à son terme et que ses résultats sont, de l'aveu de la Commission européenne, plutôt mitigés, la discussion a porté sur les objectifs et indicateurs à retenir pour la stratégie qui prendra le relais. Cette session a été l'occasion de prendre connaissance des récents travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur le sujet, qui a élaboré un cadre global pour mesurer le bien-être, articulé autour de trois domaines : les conditions matérielles, la qualité de vie et la durabilité. Après des échanges initiaux marqués par une forte dimension économique, les intervenants ont essentiellement insisté sur les facteurs non économiques du bien-être.

La troisième session a dressé un bilan du plan d'investissement pour l'Europe, dit plan Juncker. Notre commission a travaillé à plusieurs reprises sur ce sujet, en particulier le rapporteur général lors de la résolution du Sénat sur le premier bilan de la mise en oeuvre du plan Juncker il y a plus de deux ans. C'est un enjeu de taille pour répondre au déficit d'investissement dans les infrastructures, la recherche et l'innovation ou encore les petites et moyennes entreprises. Le mécanisme joue sur l'effet de levier offert par la garantie de la Banque européenne d'investissement et du budget de l'Union européenne pour inciter les investissements privés. Le plan Juncker, prolongé en 2017 pour trois années, arrive à son terme en 2020. En parallèle du prochain cadre financier pluriannuel, la Commission européenne a proposé de le remplacer par le programme Invest EU. La concrétisation de l'union des marchés de capitaux constitue un autre moyen d'accroître les capacités de financement au sein de l'Union européenne. Jyrki Katainen, ancien commissaire européen en charge de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité, a défendu le bilan de la commission sortante en la matière. D'importants progrès restent toutefois à accomplir pour assurer un véritable marché unique des capitaux au sein de l'Union européenne, susceptible de réduire la dépendance au financement bancaire de nos entreprises.

Pour conclure, il est dommage que ces conférences prennent essentiellement la forme d'un symposium où des interventions diverses se succèdent sans réel échange. Pour reprendre le mot maladroit d'un directeur général de la Commission européenne, il s'agit avant tout d'un « passage obligé », ce qui s'est ressenti dans les interventions. Les avancées techniques espérées resteront vaines sans une réelle association des Parlements nationaux. Il n'en demeure pas moins qu'il est essentiel que notre commission poursuive son action au niveau européen en représentant le Sénat aux deux conférences annuelles de l'article 13, qui traitent des domaines de notre compétence.

La réunion est close à 11 h 20.

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