La Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) prévoyait un déficit pour la Cnav en 2019 de 0,7 milliard d'euros. In fine, d'après le PLFSS pour 2020, le déficit s'élèverait à 2,1 milliards. La situation s'est donc aggravée de 1,4 milliard d'euros.
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. La loi portant mesures d'urgence économiques et sociales (MUES) a prévu des exonérations de cotisations qui ne seront pas compensées. Avec l'accélération du calendrier d'exonération des heures supplémentaires, cela représente une perte nette pour la Cnav de 1,2 milliard. Par ailleurs, avec la fin de la réforme Sarkozy de 2010, nous avons renoué en 2018 avec un rythme soutenu des départs en retraite : 6 % de plus qu'en 2017. La Commission des comptes de la sécurité sociale a également enregistré en 2019 une plus faible évolution de la masse salariale, notamment sous plafond. Le RSI sera définitivement intégré au régime général, au 1er janvier prochain, mais les comptes sont, eux, d'ores et déjà intégrés. Or la masse soumise à cotisations des travailleurs indépendants a évolué moins vite que la masse salariale. L'ensemble de ces mesures explique très largement l'aggravation du déficit de la branche vieillesse.
La situation prévisionnelle continue de se dégrader. Les déficits cumulés s'élèveraient à 15,8 milliards, ce qui n'est pas négligeable. Parallèlement, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) bénéficie de l'amélioration régulière de l'emploi et des rentrées soutenues de la contribution sociale généralisée (CSG).
Le conseil d'administration de la Cnav a été saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale et a émis le 3 octobre dernier un avis négatif par quatorze voix contre, douze prises d'acte et quatre abstentions. Vous remarquerez qu'il n'y a pas eu un seul avis positif. Sans parler de la condamnation forte et très largement partagée de la fin des compensations systématiques des exonérations de cotisations. La délégation employeur critique fermement cette mesure.
La fiscalisation croissante du financement de la sécurité sociale insécurise également les recettes. La loi de programmation des finances publiques de 2018 a instauré le « chacun chez soi », ce que Bercy a traduit par le « chacun chez moi » c'est-à-dire je compense ce que je veux, quand je veux ! Cette tendance pourrait prendre une tournure particulièrement grave et dangereuse pour la pérennité du système de sécurité sociale et de retraite.
Les exonérations générales et ciblées ont progressé de 80 % entre 2017 et 2020, notamment avec la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Nous sommes passés de 39 milliards d'euros en 2017 à 71 milliards d'euros en 2020. Le financement de la branche vieillesse, dans le même temps, a vu sa part fiscale augmenter de 18 %.
S'agissant des revalorisations différenciées, le conseil d'administration condamne très largement cette initiative. C'est évidemment une perte de pouvoir d'achat, mais aussi une rupture du pacte intergénérationnel. Il ne me paraît pas judicieux de stigmatiser la population des retraités en les présentant aux jeunes générations comme des nantis et des privilégiés !
Enfin, vous avez évoqué la réforme systémique annoncée. Grâce au système universel mis en place après 2025, la valeur du point serait désormais indexée sur l'évolution du revenu moyen par tête (RMPT) alors qu'on n'est pas fichu aujourd'hui de respecter la loi et d'appliquer la stricte inflation !