Intervention de Éric Gold

Réunion du 24 octobre 2019 à 10h30
Pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Éric GoldÉric Gold :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la réforme constitutionnelle, qui doit consacrer le droit à la différenciation territoriale, peine à voir le jour, le Sénat est réuni ce matin pour affirmer sa position sur le pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets.

Dans un pays historiquement centralisé tel que le nôtre, les normes ont toujours été conçues pour garantir une égalité de traitement entre les citoyens et les territoires, avec de surcroît des attentes très élevées envers les politiques publiques.

Le constat est connu, ancien et unanime : chacun déplore l’inflation normative, législative comme réglementaire. Nous aussi, législateurs, devons prendre notre part de blâme. Je me souviens ainsi du travail considérable effectué par la mission Bureau d’annulation des lois anciennes et inutiles, ou Balai. Celle-ci a conduit à l’adoption d’une proposition de loi de notre collègue Vincent Delahaye tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation des lois obsolètes illisibles, que nous avons été très nombreux à cosigner. Le groupe RDSE y a pris sa part, avec le rapport de notre collègue Nathalie Delattre.

La présente proposition de résolution constitue une nouvelle pierre à cet édifice titanesque. Mon groupe valide bien entendu sans réserve le rapport sur lequel elle s’appuie. Par son attachement aux territoires et à leur diversité, comme vous tous, il souscrit pleinement à l’objectif d’allégement des démarches administratives et d’accélération des procédures.

Au-delà de la différenciation territoriale, le Gouvernement a reconnu que la réduction du stock des normes applicables aux collectivités figurait parmi les enseignements du grand débat. Ce n’est pas nouveau. Je pense aussi au travail important fourni par nos anciens collègues Alain Lambert et Jean-Claude Boulard dans leur rapport.

Les élus nous le disent tous les jours : le poids des normes et des obligations alourdit leur charge de travail et ralentit la progression des réformes. L’inflation normative – je parle ici des flux, et non du stock – est un obstacle aux initiatives locales. Elle paralyse l’action publique, là où nos concitoyens attendent beaucoup des collectivités. Et elle alimente encore la crise des vocations chez les élus locaux.

Bien entendu, les gouvernements successifs ont tenté ces dernières années de maîtriser cette inflation normative en réduisant non pas le flux de nouvelles normes ou le stock de normes anciennes, mais le poids des normes, grâce à une interprétation facilitatrice de la part de l’État et à une expérimentation offrant un pouvoir de dérogation aux préfets.

L’interprétation facilitatrice étant soumise à un engagement concret des préfets, les auteurs de la proposition de résolution lui préfèrent le pouvoir de dérogation aux normes, qui s’appuie sur une base juridique plus solide et plus objective.

Toutefois, cette expérimentation n’est pas exploitée à son maximum, puisqu’elle est mal connue et très encadrée. De plus, nous l’avons compris, elle arrive à son terme au mois de décembre prochain.

À travers cette proposition de résolution, le Gouvernement est ainsi invité à prendre des mesures pour étendre le dispositif, qui serait alors assorti de mécanismes d’information et de formation. La différenciation territoriale pouvant être source d’insécurité juridique et de complexité, elle doit en effet être encadrée, pour être mieux conciliée avec le principe d’égalité des territoires.

Toutefois, avant toute révision constitutionnelle, le groupe RDSE se joint à la délégation aux collectivités territoriales pour solliciter de l’État un indispensable desserrement des contraintes pesant sur les collectivités. Comment pourraient agir efficacement les petites collectivités face aux 1 600 décrets et 8 000 arrêtés ministériels produits chaque année alors que le contrôle de légalité des préfectures est de moins en moins protecteur ?

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