Ensuite, nous sommes un certain nombre à penser que poursuivre le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne n’a tout simplement aucun sens. Il aurait dû être mis fin aux pourparlers. Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de vous faire notre porte-parole auprès des instances de l’Union européenne. Qui peut penser aujourd’hui que l’avenir de la Turquie est en Europe ?
En ce qui concerne l’action à court terme, il faut que notre diplomatie travaille à obtenir l’arrêt de cette offensive et le retrait des troupes turques, pour que nos frères kurdes puissent se réinstaller. Nous devons aussi garantir un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire à toutes les populations, sans aucune distinction.
Pour l’avenir, je fais trois propositions.
La première concerne la coalition : le moment est venu pour elle d’actualiser sa stratégie. Où voulons-nous aller ? Par quels moyens voulons-nous poursuivre l’éradication de Daech, qui n’est toujours pas réalisée ?
La deuxième proposition concerne la France. Depuis le précédent quinquennat, notre pays s’est totalement aligné sur la stratégie américaine. Nous devons retrouver notre chemin de crête gaullien, afin que la France puisse parler à tout le monde, redevenir une puissance d’équilibre, une puissance de dialogue au service de la paix.
Il nous faut bien évidemment parler avec la Russie et M. Poutine. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, nous avons commis une erreur grave en cessant tout contact avec la Syrie. Personne ici ne justifie les menées du régime syrien, évidemment, mais nous voyons bien que la marginalisation de la France dans cette région est le produit de nos erreurs diplomatiques. Nous avons abandonné notre diplomatie traditionnelle et nous nous sommes fourvoyés. Il est temps pour la France de retrouver une diplomatie conforme à ce qu’elle est.
Enfin, si elle ne veut pas quitter la scène de l’histoire, l’Union européenne doit comprendre qu’il lui faut rompre de manière très volontariste avec sa culture de l’impuissance, de l’alignement. Nous savons que les États-Unis regardent vers le Pacifique depuis la présidence de M. Obama et que le président Trump, qui pourrait être réélu dans quelque temps, n’est pas un partenaire fiable.
Au-delà, nos intérêts sont devenus divergents de ceux des États-Unis : nous devons en prendre acte. L’Amérique que nous avons aimée, qui a libéré la France en 1944 n’est plus le partenaire fiable sur lequel nous pouvons fonder notre avenir. Elle n’est plus la réassurance pour l’Europe ni même pour l’Occident. Nous devons en tirer les conclusions ; c’est ce que je vous invite à faire, monsieur le secrétaire d’État.