Intervention de Nathalie Delattre

Réunion du 22 octobre 2019 à 14h30
Renforcement de l'encadrement des rave-parties — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nathalie DelattreNathalie Delattre :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous examinons la proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains visant à mieux encadrer les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, je souhaite rappeler que l’attrait ancestral socioculturel et l’attrait plus contemporain économico-touristique de la fête dans notre société ne sont plus à démontrer. Il n’est pas question aujourd’hui d’interdire des manifestations festives, par définition transgressives ; il s’agit bien plutôt de réfléchir aux moyens de permettre leur déroulement en toute sécurité. C’est le cœur de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.

Dans nos territoires, les festivals, les carnavals et plus particulièrement, dans ma région, les férias rythment l’année. Ces événements festifs, qui peuvent être perçus comme des rassemblements transgressifs à visée cathartique, sont en réalité des faits sociaux, normés et formalisés par la coutume.

Ce que l’on a appelé, à partir des années quatre-vingt-dix, les rave-parties, puis les free-parties, sont par définition des rassemblements exclusivement festifs à caractère musical qui rejettent les normes coutumières de la fête traditionnelle. Ils constituent une part de la scène musicale « underground », une offre culturelle en marge des événements musicaux organisés par des institutions culturelles reconnues et des établissements de fêtes nocturnes. Si elles échappent à toute logique commerciale et se définissent par leur accessibilité et leur spontanéité, les rave-parties se caractérisent aussi par leur organisation anarchique, leur localisation inattendue et, parfois, des commerces illicites.

Pour toute personne attachée comme moi au respect de l’ordre public et à la protection du droit de propriété, la première préoccupation, s’agissant des free-parties, est de s’assurer que leur tenue n’y porte pas atteinte, tout en exigeant qu’elles ne mettent en danger ni les participants ni les riverains.

Les considérations de sécurité, qu’il s’agisse de la consommation de stupéfiants, souvent mélangés à l’alcool, ou des risques d’agressions de tout type, sont donc à prendre en compte.

Ces considérations ont d’ailleurs été à l’origine de l’adoption du dispositif Vaillant, fixant en 2001 un premier régime d’encadrement des rave-parties. Les services de l’État ont la responsabilité de l’encadrement des rassemblements de plus de 500 personnes, seuil défini par décret, les préfets agissant en concertation avec les maires et les organisateurs. D’après le délégué ministériel à la jeunesse, sur 800 rave-parties de plus de 500 personnes organisées en 2018, seulement deux ont été interdites. En règle générale, ces événements ne sont pas interdits lorsqu’ils sont régulièrement déclarés en préfecture. Le dispositif Vaillant pourrait donc fonctionner, s’il était appliqué systématiquement.

Pour les rassemblements regroupant plus de 500 personnes, la préfecture tend à mobiliser les forces de l’ordre pour assurer l’encadrement a priori, avec une certaine tolérance. Toutefois, comme le pointent les auteurs de la proposition de loi, il en va différemment pour les rassemblements festifs de plus faible affluence, la responsabilité de l’encadrement sécuritaire reposant encore essentiellement, dans ce cas, sur les épaules des élus.

Le rapporteur nous a informés qu’il s’agissait d’un phénomène particulièrement présent dans le Sud-Ouest, où se déroulerait la majorité des 3 200 free-parties de moins de 500 personnes dénombrées sur le territoire. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas seulement de rassemblements en zones rurales : les zones semi-urbaines et urbaines sont également touchées. J’ai eu à tenter de gérer des free-parties dans les friches industrielles de la métropole bordelaise…

Pour les maires, chargés de prévenir tout trouble de voisinage sans toutefois endosser la responsabilité des risques liés à ces rassemblements, le régime actuel n’est pas satisfaisant, car il les place en première ligne pour la négociation avec les organisateurs, sans leur conférer de moyens de police suffisants pour empêcher, le cas échéant, la tenue de l’événement.

Si certains maires ne souhaitent pas avoir à gérer ces free-parties, nous devons entendre la position des maires qui, pour protéger les participants à ces fêtes, sont favorables à l’organisation de tels rassemblements festifs sur le territoire de leur commune. Lorsque ces rassemblements ne dérangent personne et ne portent pas atteinte à la propriété d’autrui, pourquoi les interdire ? Henri Cabanel a beaucoup travaillé sur cette problématique et sa contribution à la réflexion a été précieuse.

Free-party signifie fête à la fois libre et gratuite pour de nombreux jeunes ou moins jeunes, le phénomène touchant aujourd’hui toutes les strates d’âge. Pour des personnes souvent confrontées à des difficultés d’insertion ou à la fracture territoriale, vivant à l’écart des grandes métropoles et des institutions culturelles, les free-parties représentent des occasions de loisir et de décompression accessibles à la fois économiquement et géographiquement.

Au cours du travail préparatoire accompli par le groupe RDSE sur ce texte, je me suis efforcée de ne pas adopter de position morale sur l’organisation de ces rassemblements et de me concentrer sur la nécessité d’accompagner les maires, quelle que soit leur position à l’égard de ces événements.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les amendements que je défendrai tout à l’heure. Ils visent respectivement à associer les maires à la rédaction de la charte proposée par le rapporteur, à ne pas mettre à leur charge la confiscation du matériel et à instaurer une coresponsabilité entre les maires et les préfets pour garantir la sécurité autour des rassemblements de moins de 500 personnes. Il s’agit de permettre aux maires d’informer et de mobiliser les préfets lorsqu’ils constatent l’impossibilité pour eux de les encadrer.

Je ne doute pas que ces amendements pragmatiques seront adoptés, ce qui permettra au groupe RDSE de voter en faveur de l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Pascale Bories, bonifiée par l’excellent travail du rapporteur, Henri Leroy.

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