Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, plus de 3 200 rave-parties sont organisées en France, majoritairement dans des zones rurales, presque toujours sur des terrains privés, sans qu’aucune autorisation ait été demandée par les organisateurs.
En 2015, lorsque j’étais directeur des études de l’Institut d’études judiciaires, j’avais demandé à la gendarmerie de venir faire de la prévention auprès de mes étudiants. Ainsi, une colonelle est venue présenter les modalités d’une organisation gigantesque, organisée et encadrée à Cambrai, pour le Teknival, sur l’ex-base aérienne 103. Elle avait montré l’importance des matériels nécessaires – poste de commandement de la gendarmerie sur les lieux, voitures avec groupe électrogène, caméras, patrouilles cynophiles… – pour garantir la sécurité des personnes et des biens aux alentours du site, limiter les nuisances pour les riverains et, aussi et surtout, lutter contre la délinquance spécifique à ce type de manifestations, en particulier les trafics de stupéfiants et les atteintes aux personnes.
La gendarmerie devait aussi garantir la fluidité de la circulation en périphérie de la zone, grâce à la présence d’unités de force mobile sur le terrain. La préfecture avait mis en place des supports logistiques pour l’eau, l’électricité, les sanitaires. Une zone de soins avait été installée, avec des lits d’appoint et des tentes. Une clôture avait même été dressée autour de l’emprise de la zone du Teknival pour délimiter la manifestation.
À l’issue de cette présentation, tous mes étudiants ont pris conscience que les fêtes en plein air, si elles devaient bien sûr continuer d’exister, nécessitaient un encadrement professionnel afin de se dérouler dans les meilleures conditions possible. Toutes les rave-parties ne prennent pas une telle ampleur, bien sûr, mais les étudiants ont compris le bien-fondé de la demande d’autorisation stricte et généralisée, compte tenu des risques qui existent à plus ou moins grande échelle.
Notre objectif n’est pas bien sûr d’interdire ces rassemblements. Nous devons simplement prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les lois et l’ordre public. En effet, il n’est pas concevable de ruiner un terrain agricole, de saccager un site naturel ou de provoquer des troubles anormaux du voisinage, tels que ceux qu’ont évoqués mes collègues.
Dans un état de droit, où la liberté reste la règle, les organisateurs doivent simplement prendre leurs responsabilités en trouvant un lieu adéquat, en concertation avec les pouvoirs publics, afin d’occasionner le moins de gêne possible ; en facilitant la mission d’accompagnement, de sécurisation et de maintien de l’ordre public des gendarmes ; en remettant en état le site sur lequel s’est déroulé le rassemblement. Seul un dialogue constructif est en mesure d’apporter les garanties nécessaires.
Aujourd’hui, la loi prévoit que c’est au maire qu’il appartient de gérer ces événements lorsque les rassemblements n’excèdent pas 500 participants. Or, comme je l’ai dit plus tôt, ces rassemblements ayant généralement lieu dans des zones rurales peu habitées, les maires sont trop souvent démunis. Ils disposent de moyens trop faibles pour appréhender ces réunions. C’est donc au Sénat, en tant que représentant des territoires, qu’il revient de fournir aux élus les moyens d’y faire face.
Aussi, je me réjouis que cette proposition de loi prévoie d’abaisser le seuil déclenchant l’obligation de déclarer de telles fêtes au préfet. Il dispose, lui, de moyens plus importants que les maires des petites communes rurales.
L’article 2 accroît les sanctions contre les organisateurs de rave-parties illégales. La commission des lois a exploré la possibilité de mettre en place une charte de l’organisation des rassemblements, qui serait définie, après négociation avec les organisateurs, par les pouvoirs publics. Je salue cette initiative, qui me semble aller dans le bon sens.
Nous ne pouvons pas empêcher toutes les rave-parties de se tenir. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est inciter les organisateurs à rester dans la légalité. C’est l’objectif de cette proposition de loi.
À cet égard, il convient d’ailleurs de préciser que nombre de ces rave-parties se déroulent dans une atmosphère bon enfant. Il est par exemple fréquent que les organisateurs des soirées prévoient, entre deux concerts, des pauses de quelques heures destinées à permettre le ramassage de tous les détritus et la remise en état du site.
La proposition de loi dont nous débattons me paraît équilibrée, car elle encourage les comportements vertueux et s’attaque aux comportements nuisibles, sans toutefois mettre tous les organisateurs dans le même panier. Je la voterai donc sans hésiter.