Intervention de Christian Cambon

Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne — Réunion du 12 juin 2019 à 17h08
Entretien avec une délégation de la chambre des lords

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Mesdames, messieurs, mes chers collègues, Nous sommes très heureux de recevoir une délégation de la Chambre des Lords, pour parler de l'après-Brexit, car j'imagine que vous aurez du mal à nous parler, c'est un peu tôt, du choix de votre futur premier ministre !

Nous continuons de penser que le Brexit est un non-sens, dans l'environnement géopolitique et géoéconomique actuel. Les conséquences seront difficiles pour le Royaume-Uni, pour la France et pour l'Union européenne. Mais nous respectons ce choix du peuple Britannique. L'heure n'est plus aux regrets ni aux prédictions de court terme qui se sont révélées hasardeuses.

Un nouvel exécutif européen va être mis en place ; le gouvernement britannique va lui aussi changer, à l'issue du processus engagé de sélection d'un nouveau Premier ministre. Quels qu'ils soient, ces futurs gouvernants seront confrontés à un certain nombre de défis que nous avons en commun.

En tant que président de la commission des affaires étrangères et de la défense, j'insisterai sur trois points. Tout d'abord, la très grande proximité de nos intérêts stratégiques face au durcissement des menaces et aux nouvelles formes de conflictualité et de tensions : la menace terroriste, dont nos deux pays ont été victimes, l'affirmation de la puissance russe, et notamment l'affaire Skripal sur le territoire britannique, les ambitions mondiales de la Chine. Mais aussi la tentation protectionniste américaine, et les représailles chinoises, qui font peser une menace sur l'économie mondiale à l'heure où le projet des nouvelles Routes de la soie et les ambitions technologiques de la Chine soulèvent des interrogations dans nos deux pays, pour le déploiement de la 5G par exemple.

Ce contexte rend nécessaire un futur partenariat de sécurité et de défense à établir avec le Royaume-Uni. Sur le plan multilatéral, il faudra réfléchir aux moyens d'associer le Royaume-Uni à la défense de l'Europe, peut-être aux dispositifs de l'Union européenne (coopération structurée et permanente, fonds européen de défense) ; ou hors Union européenne, comme l'Initiative européenne d'intervention. Il faudra éviter autant que possible les projets capacitaires concurrents pour permettre l'émergence d'une base industrielle et technologique de défense européenne.

Sur le plan bilatéral, ce sera bientôt le 10e anniversaire des accords de Lancaster House. Nous attachons un très grand prix à la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense car nos deux pays sont les plus proches en Europe, du point de vue de la culture stratégique mais aussi car chacun d'eux est une puissance nucléaire, siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies, disposant d'une capacité de projection propre en dehors de ses frontières. Nos coopérations sont exemplaires, et je redis ici la formidable aide apportée par le prêt de trois hélicoptères Chinooks britanniques à nos forces armées au Mali. La France et le Royaume-Uni ont eu de nombreuses occasions d'assurer la sécurité de leurs voisins bien au-delà de leurs frontières.

Nous souhaitons vous interroger sur le noeud gordien de l'Irlande : c'est une des questions clefs du Brexit, qui fut malheureusement la grande oubliée de la campagne du référendum de 2016. Une délégation de notre groupe de suivi s'est rendue à Belfast en 2018. Les tensions restent vives, comme on l'a vu encore récemment. Bien que les négociations entre partis politiques aient récemment repris, l'Irlande du nord reste privée de gouvernement autonome depuis deux ans.

Dans ce contexte, nous sommes inquiets des conséquences d'un éventuel Brexit sans accord au 31 octobre. L'accord négocié avec l'Union européenne offrait une solution de repli, le fameux « backstop » si contesté au Royaume-Uni. Le retour d'une frontière avec la République d'Irlande est tout simplement inenvisageable. Mais dans l'éventualité d'un no deal, on voit mal comment établir une frontière complètement virtuelle et protéger l'intégrité du marché intérieur européen, qui est le grand acquis de la construction communautaire.

Nous sommes très heureux de ce dialogue avec vous sur des sujets essentiels à l'avenir de l'Europe. À vous la parole !

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