Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1850, à Nancy, une statue fut érigée à la mémoire de Mathieu de Dombasle, et la place sur laquelle elle se trouve porte désormais le nom de ce Lorrain considéré comme le père de l’enseignement agricole.
Animé par l’envie de transmettre sa passion, cet agronome avait bien compris que l’enseignement agricole ne visait pas seulement à améliorer les techniques et à augmenter la productivité ; il avait compris que le travail de la terre donne à l’homme une activité noble, par laquelle tout un chacun peut s’élever.
C’est dans cet esprit que l’enseignement agricole s’est développé en France pendant plus de deux siècles.
Cet enseignement connaît aujourd’hui des formes diverses, du secteur public au secteur privé en passant par les maisons familiales rurales et l’apprentissage en alternance. Ces formes constituent un ensemble riche et complémentaire, dont la diversité fonde l’excellence de la filière.
Je traiterai plus spécifiquement de l’enseignement professionnel public, plus directement dépendant de votre action, monsieur le ministre.
La loi attribue à cet enseignement différentes missions, qui vont bien au-delà de la seule formation scolaire et professionnelle. Il doit également contribuer à l’animation du territoire, à la coopération internationale, à l’expérimentation et à l’insertion. C’est dire l’importance que la puissance publique lui confère et surtout la responsabilité qui incombe aux acteurs de terrain qui le font vivre au quotidien dans nos territoires.
La France, en tant que première agriculture européenne, doit savoir évoluer pour conserver sa place sur les marchés internationaux, alors que d’autres modes de consommation et d’autres types de besoins émergent.
L’évolution de l’agriculture face à celle du climat, aux impasses techniques et technologiques et aux limites de l’efficacité de la chimie, et avec le développement du bio, de l’agroécologie et des marchés de proximité, oblige tous les acteurs agricoles à adapter leurs savoirs et leurs pratiques pour se préparer au monde de demain. Ces évolutions, déterminantes pour le secteur, imposent de nouvelles exigences en matière d’innovations techniques et d’adaptation technologique, donc aussi en matière pédagogique.
Nouveaux besoins, nouveaux publics, nouveaux savoirs : l’enseignement professionnel agricole, à l’image du secteur, devra nécessairement évoluer pour perdurer et maintenir son attractivité et son excellence.
Si une grande partie du travail échoit directement aux professionnels, les pouvoirs publics ont évidemment un rôle important à jouer. À mes yeux, ils doivent prioritairement travailler dans deux directions.
D’abord, il convient de développer de nouvelles formations en faisant preuve d’une souplesse et d’une réactivité plus grandes pour s’adapter plus rapidement aux évolutions du marché et aux besoins des acteurs économiques. Ainsi, pour prendre un exemple sur mon territoire, l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricoles de la Meuse a développé une formation en méthanisation en partenariat avec l’École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires de Nancy. Cette belle construction partenariale était attendue, car elle est nécessaire pour les territoires comme pour les professionnels. Cette agilité est une spécificité importante de l’enseignement agricole.
Ensuite, il importe de renforcer les moyens consacrés à l’enseignement agricole. Cet accompagnement est une contrepartie indispensable aux mutations de notre agriculture, à sa diversification et à sa quête de valeur ajoutée ; surtout, il est nécessaire pour assurer le renouvellement des générations, enjeu essentiel, car un agriculteur sur deux a plus de 55 ans. L’accueil du public hors cadre familial est donc indispensable pour assurer l’avenir de notre agriculture.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, investir dans l’enseignement professionnel agricole, c’est investir tout à la fois dans notre souveraineté alimentaire, dans la transition écologique et dans la cohésion de nos territoires.
Au début du XXIe siècle, alors que l’humanité fait face à de nouveaux défis, il est essentiel de nous souvenir du message de Mathieu de Dombasle : l’enseignement agricole est avant tout un enjeu de transmission, dans lequel l’humain joue un rôle central. Dans cette perspective, l’enseignement professionnel agricole doit contribuer à ce que notre société renoue un lien apaisé avec son agriculture, qui en a bien besoin !