Intervention de Patrice Joly

Réunion du 30 octobre 2019 à 15h00
Quel avenir pour l'enseignement agricole — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel avenir pour l’enseignement agricole ? Il s’agit là d’un sujet important, comme les précédents orateurs l’ont souligné, pour les territoires ruraux, mais aussi pour l’ensemble du pays, au regard des enjeux auxquels nous sommes confrontés comme des perspectives que nous offre l’’agriculture urbaine.

Nous parlons de 200 000 élèves à la rentrée scolaire dernière, accueillis au sein de 800 établissements publics et privés dispensant des formations initiales, des formations permanentes et des formations par alternance. Il s’agit du second secteur éducatif français accueillant collégiens, lycéens, étudiants et apprentis.

Important, ce sujet est pourtant rarement dans le débat public. Je remercie donc ceux de nos collègues qui l’ont inscrit à notre ordre du jour.

Il s’agit d’un secteur éducatif en forte évolution, sous différents rapports. Je pense aux fortes transformations actuelles et futures des métiers agricoles et, plus généralement, des métiers des territoires. Je pense aussi à la mixité, voire à la parité désormais atteinte : près de 50 % des élèves accueillis sont de sexe féminin. Quant au recrutement au sein des familles agricoles, qui représentait quatre élèves sur dix dans les années quatre-vingt, il n’en représente plus aujourd’hui qu’un sur dix.

Quels sont les enjeux de cet enseignement ?

S’agissant des métiers liés à l’activité agricole, les formations doivent permettre de favoriser la reprise des exploitations, qui constitue un des enjeux majeurs, en accueillant notamment des néo-agriculteurs.

Elles doivent permettre de faire face à l’adaptation nécessaire des systèmes de production du fait de l’évolution des attentes de la société. Celle-ci demande aux professionnels d’améliorer la qualité des produits plutôt que d’accroître leur quantité pour garantir une alimentation saine et de qualité, de s’appuyer sur l’agronomie plus que sur la chimie et de participer à l’invention d’un nouveau modèle alimentaire.

Les formations doivent permettre d’accompagner les nouvelles formes de commercialisation des productions favorisant l’économie circulaire, d’intégrer les attentes de nos concitoyens en matière de prise en compte du bien-être animal, de prendre en considération la multifonctionnalité de l’agriculture en intégrant les enjeux environnementaux dans les pratiques agricoles, notamment la biodiversité, l’eau, les paysages, et de mettre ainsi en œuvre le nouveau paradigme de l’agroécologie.

Il s’agit également de s’adapter aux évolutions climatiques et de saisir les opportunités en matière d’énergies renouvelables à partir de la biomasse.

À cela s’ajoute le développement de la numérisation, de l’automatisation, mais également de l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Pour ce qui concerne les métiers des territoires ruraux, de manière plus large, les établissements d’enseignement constituent très clairement des outils de développement local au travers non seulement des compétences qu’ils dispensent, mais aussi de leur capacité à participer à la conception et à la mise en œuvre des projets territoriaux.

Au-delà de l’agriculture, il est donc nécessaire que ces établissements adaptent les formations aux caractéristiques de leur territoire, afin de favoriser la mise en œuvre de leur potentiel.

Ces établissements offrent par ailleurs des formations nécessaires pour répondre aux besoins croissants des territoires en matière de services à la personne, d’aménagement de l’espace ou de développement économique, notamment touristique.

Sur un autre plan, il faut noter que dans les territoires éloignés des centres universitaires, les établissements d’enseignement agricole favorisent l’accessibilité des formations universitaires à certaines catégories sociales. Ils participent ainsi à la réduction des fractures sociale et territoriale.

Au-delà, on peut même considérer que l’enseignement agricole offre des voies de promotion sociale et d’insertion professionnelle. Il faut rappeler que plus de huit élèves sur dix trouvent rapidement un travail à l’issue des formations qu’il dispense.

Quels challenges doit relever l’enseignement agricole pour qu’il tienne les promesses faites ?

Il doit continuer à s’adapter aux évolutions des savoirs nécessaires et renforcer ses capacités à expérimenter. Il faut promouvoir les formations proposées et faire connaître les gisements d’emplois importants qui existent dans le domaine agricole et dans les métiers des campagnes.

Pour ce faire, l’enseignement agricole doit disposer de moyens budgétaires suffisants. Or à cet égard, il faut bien reconnaître que les crédits qui lui ont été accordés au cours de ces dernières années sont en réduction – c’est encore le cas des crédits figurant dans le projet de budget pour 2020.

De ce fait, aujourd’hui, les établissements sont confrontés à de réelles difficultés financières, alors même que de nombreuses exploitations tenues par ces établissements ont besoin de réorganisation et de recapitalisation. Les dotations globales horaires qui ont diminué ont été compensées par le relèvement des effets de seuil, ce qui ne peut qu’avoir des effets négatifs sur la qualité de l’enseignement dispensé.

Les perspectives ne sont pas encourageantes, puisqu’il semblerait qu’une poursuite de ces réductions soit envisagée, à raison de 2 % par an jusqu’en 2022.

De plus, la réforme de l’apprentissage, avec une large ouverture au privé, est de nature à renforcer les difficultés financières des établissements publics qui accueillent 75 % des apprentis ; à cet égard, les centres de formation d’apprentis, ou CFA, situés dans les zones rurales se trouvent particulièrement fragilisés. Il y a un risque d’abandon des territoires.

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