Intervention de Annick Billon

Réunion du 30 octobre 2019 à 15h00
Quel avenir pour l'enseignement agricole — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, traiter de l’enseignement agricole, c’est avant tout s’enquérir de l’agriculture de demain.

Avec près de 75 % des apprentis dans 806 établissements scolaires, l’enseignement agricole public et privé, filière d’excellence, tient une place essentielle dans le développement de l’apprentissage.

Or les récentes réformes de l’apprentissage et du baccalauréat sont porteuses de profondes mutations pour ce secteur.

La réforme de l’apprentissage, visée par la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, prévoit ainsi un véritable choc de simplification. Si celui-ci est bienvenu, il pose de nouvelles difficultés, mais c’est le propre de toute réforme.

En effet, alors que les contrats d’apprentissage conclus à compter du 1er janvier 2019 au sein des entreprises de moins de 250 salariés préparant à un diplôme de niveau inférieur ou égal au bac verront leurs aides rassemblées et revalorisées, l’aide pour les diplômes supérieurs a pour sa part été supprimée.

Or aujourd’hui le diplôme le plus recherché de la filière agricole est le BTS Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole, dans la mesure où il permet l’embauche de salariés hautement qualifiés et offre des perspectives de reprise d’installation à terme. Dès lors, la suppression des aides fléchées pour les TPE vers les diplômes post-bac risque de pénaliser une profession qui cherche pourtant à monter en compétence.

Un autre questionnement voit également le jour à la faveur de cette réforme : le développement, certes souhaité, de l’apprentissage conduira les lycées à développer des classes mixtes mêlant apprentis et élèves en voie scolaire.

Si aujourd’hui les enseignants sont ouverts à cette éventualité en dépit de contraintes pédagogiques supplémentaires, de nouvelles difficultés pourraient apparaître dans la mesure où les enseignants ne sont pas habilités statutairement à intervenir auprès d’apprentis.

Il est donc à craindre que dans un avenir proche cette situation ne soulève de nouveaux obstacles qui n’ont pour l’heure pas été pris en compte.

Enfin, je souhaite évoquer la question de la réforme du baccalauréat général. Cette réforme a permis, je le rappelle, de regrouper les filières S, ES et L. Ainsi, les élèves issus de filières générales pourront désormais choisir parmi douze enseignements proposés, trois spécialités en première, puis deux en terminale. Cependant, les lycées agricoles ne peuvent quant à eux proposer que trois de ces douze enseignements : les mathématiques, la physique-chimie, ainsi que la biologie-écologie.

Cette restriction risque encore une fois d’accroître la déperdition d’élèves s’orientant vers les filières agricoles et, à terme, de mettre en danger l’existence même de celles-ci. En effet, de nombreux jeunes, incertains quant à leur orientation – ils représentent 50 % des élèves détenteurs d’un baccalauréat –, préféreront s’orienter vers des filières proposant un plus large choix d’enseignement.

Sans pour autant réclamer le même nombre de choix de disciplines, les lycées agricoles souhaiteraient a minima donner la possibilité à leurs étudiants de suivre des enseignements tels que les sciences économiques et sociales, ou encore le numérique et les sciences informatiques, qui s’inscrivent en totale cohérence avec la révolution technologique du monde agricole et des métiers de l’agriculture de demain.

Rappelons que, contrairement aux idées reçues, l’enseignement agricole n’a pas uniquement pour vocation de former des agriculteurs et des éleveurs.

Au vu de toutes ces interrogations, pouvez-vous m’indiquer, monsieur le ministre, si votre gouvernement a pris en considération ces problématiques, et, le cas échéant, si des ajustements sont prévus ?

Je souhaite également remercier Pierre Ouzoulias d’être à l’origine de ce débat, qui est tout à fait d’actualité. Alors que l’on parle souvent d’agri-bashing, on devrait davantage parler de l’avenir de l’agriculture.

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