Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 30 octobre 2019 à 15h00
Quel avenir pour l'enseignement agricole — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement agricole dans notre pays est exemplaire, et pourtant nous n’en parlons presque jamais. Celles et ceux qui le font ont du mal à être audibles, et cet enseignement est trop souvent le grand oublié des réflexions sur l’éducation.

Je me réjouis donc que nous ayons ce débat – j’en remercie le groupe CRCE –, et j’espère que nos échanges auront un écho important en dehors de cet hémicycle, car les enjeux sont immenses.

L’enseignement agricole permet une rencontre comme il n’en existe nulle part ailleurs entre enseignements général, technologique et professionnel, apprentissage, formation continue et même enseignement supérieur.

Ses effectifs réduits permettent un apprentissage dans les meilleures conditions. Il est un lieu de prédilection pour le développement de pédagogies innovantes qui font la fierté de ce modèle français. Enfin, il offre un excellent taux d’insertion professionnelle.

Aujourd’hui, l’enseignement agricole est à la croisée des chemins. Il est en première ligne face aux grands défis que notre agriculture doit relever : réussir la transition agroécologique et assurer la relève de toute une génération.

Je crois que nous en sommes désormais toutes et tous convaincus : la transition agroécologique doit avoir lieu. Nous devons réussir à réinventer notre modèle agricole pour répondre aux besoins de la nécessaire transition écologique et envisager un modèle économique et alimentaire viable en accompagnant et en soutenant pleinement nos agricultrices et nos agriculteurs.

Dire cela, c’est bien ; mais dire cela sans se pencher en profondeur sur l’enseignement agricole dans notre pays, sur la formation et sur les innovations qui naissent dans ces filières n’aurait aucun sens. Nous savons que les actrices et les acteurs qui le font vivre sont préparés à relever ce défi. Donnons-leur les moyens de le faire.

Comme dans de nombreux autres secteurs, c’est grâce à l’école que les grandes batailles se gagnent. Alors, ne ratons pas le coche !

Et ce n’est pas le seul défi important à relever. Au cours de la décennie à venir, le monde agricole connaîtra un grand nombre de départs à la retraite, puisqu’un tiers des exploitants partira avant 2030. Nous sommes à un moment charnière. Il faut mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la relève, susciter l’envie, former les paysannes et paysans de demain, et garantir à celles et ceux qui s’en vont la possibilité de transmettre sereinement leurs exploitations.

Nous ne pourrons pas relever ces défis sans un enseignement agricole de qualité. Aujourd’hui, cette qualité existe. Mais pour combien de temps ?

Monsieur le ministre, vous avez affiché de grandes ambitions pour l’enseignement agricole, ce que je salue, mais elles ne se réaliseront pas sans des moyens significatifs.

De nombreuses voix s’élèvent, car l’avenir de l’enseignement agricole suscite des inquiétudes.

La baisse du budget en euros constants, la suppression de postes – les quelques créations de postes en 2020 ne compensent pas les 50 suppressions en 2019 –, la baisse de la dotation globale horaire, ou encore la hausse du seuil de dédoublement des classes ne sont pas des signes encourageants et augurent de conditions de travail dégradées pour les enseignants comme pour les élèves.

Mais, surtout, l’enseignement agricole, parce qu’il est pluriel, est frappé de plein fouet par toutes les dernières réformes de l’éducation : celles du baccalauréat, du lycée professionnel, de l’apprentissage, de la formation continue. Ces réformes, prises individuellement, ont suscité de vives inquiétudes. Certes, elles ne proviennent pas du ministère de l’agriculture, mais elles ne prennent pas en compte la spécificité de l’enseignement agricole. De plus, appliquées simultanément, elles sont en train de le déstabiliser en profondeur.

Prenons, par exemple, la réforme de l’apprentissage. Celle-ci transfère le rôle de régulation de l’apprentissage aux branches professionnelles qui n’ont pourtant pas la connaissance des besoins locaux qu’ont les régions : la mise en adéquation des effectifs avec les emplois effectivement disponibles sur le terrain n’en est que plus compliquée. En outre, la réforme s’accompagne d’une évolution du mode de financement des formations, qui repose désormais avant tout sur le nombre de contrats signés, et plus sur le financement des « heures groupes » ni sur les subventions d’équilibre accordées par les régions.

Ce changement encourage une concurrence entre le public et le privé, qui n’est pourtant pas souhaitable. Le modèle économique des petits CFA s’en trouve ébranlé : beaucoup sont menacés de fermeture, alors qu’ils sont souvent ancrés au cœur de la vie de nos territoires ruraux. Même les finances des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles, les EPLEFPA, plus importants, sont fragilisées, voire déséquilibrées.

L’enseignement agricole est à un moment clé de son histoire. Sur le terrain, il est défendu avec passion par des personnes qui y croient et qui veulent voir ce modèle perdurer, mais elles n’y parviendront pas sans nous !

Reconnaissons la spécificité de l’enseignement agricole, rendons-le plus visible, donnons-nous les moyens de le préserver et de l’aider à relever les défis qui se profilent à l’horizon. En tant que parlementaires, nous devons porter la réflexion sur cette question cruciale.

Ce soir, nous ne pourrons qu’effleurer le sujet, mais nous devons aller plus loin. C’est pourquoi je propose la mise en place d’un groupe de travail qui aura pour mission de produire un rapport parlementaire sur l’enseignement agricole dans notre pays.

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