Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Syrie, Sahel, détroit d’Ormuz, Corée du Nord, Algérie, Liban, Chili : les foyers de crise et d’inquiétude sont, ces derniers temps, si nombreux et si complexes sur la scène internationale qu’on en aurait presque tendance à oublier un peu rapidement ceux qui ne font pas quotidiennement les gros titres des journaux.
Cette proposition de résolution, présentée par notre excellent collègue Olivier Cadic, a donc pour mérite de remettre sur le devant de la scène le Venezuela, et l’état catastrophique dans lequel ce pays se trouve depuis maintenant plusieurs mois.
Si le monde s’en était légitimement ému et alerté au plus fort des tensions politiques, l’enlisement de la situation nous a malheureusement presque fait « passer à autre chose ». Or c’est pour cette raison même qu’il n’a jamais été aussi urgent de venir en aide à ce pays et à sa population.
Alors que le Venezuela fut longtemps la nation la plus prospère et la plus développée d’Amérique latine, et Caracas la perle du continent, il est aujourd’hui le théâtre d’une crise humanitaire sans précédent dans un pays ayant atteint un tel niveau de développement.
C’est une triste démonstration de la « malédiction des ressources naturelles » que nous offre ce pays, qui a détruit son économie en la soumettant entièrement aux lois du cours du baril de pétrole.
Alors que crise politique et crise économique se nourrissent l’une l’autre depuis maintenant des années, des vents contradictoires soufflés par la communauté internationale viennent attiser les braises.
Quelle ironie de voir que la crise traversée par le Venezuela a réactivé de vieux clivages stratégiques que l’on croyait disparus depuis les années 1990 !
En effet, alors que Juan Guaidó est reconnu par le Groupe de Lima, les États-Unis et la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, les principaux piliers extérieurs du régime de Maduro ne sont autres que la Chine, la Russie, la Turquie, l’Iran, le Nicaragua et Cuba. Du beau monde en vérité !
Pendant ce temps, dépassé par ces jeux de puissance, le peuple vénézuélien souffre et fuit en masse. Près de 10 % de la population vénézuélienne a en effet émigré vers les pays voisins, ne supportant plus le manque de médicaments, les coupures d’eau et d’électricité, l’inflation à 1 000 000 % et l’insécurité croissante.
Ces migrants se sont majoritairement déplacés vers les pays voisins, au premier rang desquels la Colombie, ce qui fait peser un poids dramatique sur leurs épaules.
La France n’est pas restée inactive, encore moins indifférente, depuis le début des difficultés du régime de Maduro. En effet, alors que la relation franco-vénézuélienne s’était dégradée depuis 2017, dans le contexte d’attaques verbales de Nicolás Maduro, nous avons durci notre position à son égard.
En 2018, la France a apporté son soutien à la demande adressée à la Cour pénale internationale par cinq États latino-américains et le Canada, afin d’ouvrir une enquête sur les accusations de crimes contre l’humanité visant le régime de Nicolás Maduro, demande à laquelle la Cour pénale a répondu favorablement le 8 février 2018. Un examen préliminaire de la situation est en cours, et nous serons bien entendu très attentifs aux conclusions qui en seront tirées.
Enfin, notre pays a reconnu Juan Guaidó comme « président en charge » pour mettre en œuvre un processus électoral dès le 4 février 2019. Par ailleurs, la France a apporté une aide humanitaire importante au Venezuela et aux pays voisins touchés par la crise migratoire.
L’Europe n’a pas non plus gardé les bras croisés, et ce malgré l’absence d’un consensus absolu de ses membres pour la reconnaissance de la légitimité présidentielle de Juan Guaidó. J’en veux pour preuve la conférence internationale qui s’est achevée hier à Bruxelles, sous l’égide du Service européen pour l’action extérieure, le SEAE, et qui a tenté d’apporter des réponses à la crise des réfugiés qui fait rage.
Cette proposition de résolution va résolument dans le bon sens : il apparaît effectivement important d’être vigilant quant aux fonds provenant du Venezuela et de veiller à appliquer les sanctions et les limitations décidées.
Je m’attarderai plus particulièrement sur la dernière de ces recommandations : faire en sorte que l’État français rejoigne les pays signataires du dossier en cours auprès de la Cour pénale internationale et soutienne le procureur, Mme Fatou Bensouda, pour que les responsables des violations des droits humains soient condamnés.
Signe, s’il en fallait un, de la gravité de la situation, ce sont pour la première fois des États, et non des individus, qui formulent contre un autre État une plainte auprès de la Cour pénale internationale de La Haye. Si la France a déclaré soutenir cette initiative, elle n’a pas pour autant rejoint les six pays signataires de la plainte. Pourquoi donc, madame la secrétaire d’État ?
Bien sûr, nous soutiendrons cette proposition de résolution, que nous avons cosignée, en espérant que l’ensemble des sénateurs feront de même. Surtout, nous espérons que le Gouvernement saura nous entendre et répondre à cet appel !