Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation dans laquelle est plongé le Venezuela s’apparente à une descente aux enfers, et cette dernière semble sans fin. Ce débat nous donne l’occasion d’évoquer la situation dramatique de millions de Vénézuéliens ; l’impasse semble aujourd’hui totale.
La crise humanitaire est aiguë. La quasi-totalité de la population de ce pays, autrefois si riche, vit aujourd’hui dans la pauvreté, voire dans l’extrême pauvreté. Les pénuries de nourriture, les difficultés d’accès aux soins et aux médicaments, les coupures d’électricité, le délabrement des infrastructures publiques rendent la vie insupportable. Il ne s’agit d’ailleurs plus de vivre, mais de survivre.
Au total, 7 millions de Vénézuéliens ont besoin d’aide humanitaire et, dans le pays, près d’un quart des enfants souffrent de malnutrition.
On le sait : cette situation est d’abord le résultat d’une gestion catastrophique du pays, d’un manque d’investissements et d’une corruption aggravée qui durent depuis des années.
Dans ce contexte épouvantable, les habitants – c’est bien compréhensible – fuient massivement le pays : 10 % de la population a déjà pris le chemin de l’exil, et les départs continuent malgré la fermeture de la frontière par le Gouvernement. Ainsi, 4 millions de Vénézuéliens, peut-être bientôt 5 millions selon les prévisions du HCR, vivent en dehors de leur pays.
Cet exode sans précédent fait courir de nombreux dangers aux personnes qui prennent la route – parfois des mineurs isolés –, livrées aux passeurs, victimes des réseaux de traite, condamnées à vivre dans la rue, dans les villes où elles atterrissent.
En outre, cet afflux massif de réfugiés vers les pays voisins fait courir un risque de déstabilisation régionale. Ainsi, près de 1, 5 million de Vénézuéliens ont trouvé refuge en Colombie, premier pays d’accueil. Mais, dans le même temps, cet État est confronté à des difficultés économiques et doit mener à bien son fragile processus de paix.
Face à ce drame, l’Union européenne et, singulièrement, la France ne restent pas inactives : via le HCR, nous apportons des soutiens aux réfugiés ; à travers des associations humanitaires comme la Croix-Rouge ou Médecins du monde, nous aidons la population vénézuélienne. Mais le régime fait tout pour entraver les secours.
En effet, cette grave crise a évidemment un volet politique. Depuis 2018, le Parlement démocratiquement élu est privé de ses pouvoirs, les médias sont entravés et les contre-pouvoirs démantelés.
En plus des privations qu’ils supportent au quotidien, les Vénézuéliens subissent une féroce répression de la part du régime, qui veut étouffer tout mouvement de protestation : les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, la torture sont couramment pratiquées, y compris sur des représentants du peuple démocratiquement élus. Selon le gouvernement chaviste lui-même, plus de 1 500 personnes auraient été tuées lors d’opérations de sécurité durant les six premiers mois de l’année 2019.
Près de 800 personnes seraient détenues arbitrairement ; on ne compte plus les rapports qui témoignent des graves violations des droits de l’homme et des atteintes à l’État de droit commises dans ce pays. Ainsi, la commission des affaires étrangères a recueilli le bouleversant témoignage de Lorent Saleh, opposant, prix Sakharov, emprisonné et torturé.
Dans un tel contexte, comment admettre l’entrée du Venezuela au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il y a deux semaines ?
La solution à la crise ne peut qu’être politique. Malheureusement, nous ne voyons aucun signe d’espoir. Les tentatives de médiation entre le régime et l’opposition, que ce soit celle d’Oslo ou celle menée dans le cadre du groupe international de contact, le GIC, sont au point mort. Le régime Maduro se borne à un simulacre de dialogue avec l’opposition minoritaire. La « feuille de route » prévoit la tenue d’élections législatives, mais le calendrier reste plus qu’incertain.
Pour sortir de l’impasse politique actuelle, c’est une élection présidentielle libre et transparente, dans le cadre d’une transition négociée, qui serait nécessaire. Il s’agit là d’une condition au rétablissement de la démocratie et de l’État de droit au Venezuela.
Cet objectif est soutenu par la France et par l’Union européenne, dont vingt-quatre États membres reconnaissent le président de l’Assemblée nationale, Juan Guaidó, président par intérim, mais il est refusé par le régime chaviste. L’impasse politique ne peut que pousser la population désespérée à reprendre le chemin de la rue.
Dans ce contexte, il faut soutenir les initiatives récentes prises à l’échelle européenne pour renforcer les mesures restrictives à l’encontre du régime chaviste. Ainsi, le 25 septembre dernier, des sanctions individuelles ont été imposées contre 7 membres des forces de sécurité accusés de torture. Cette décision porte à 25 le nombre de responsables vénézuéliens visés par des interdictions de visas et des gels d’avoirs dans l’Union européenne.
Les auteurs de cette proposition de résolution appellent nos autorités à une application stricte de ces sanctions ainsi qu’à une vigilance particulière à l’égard des fonds provenant du Venezuela : leur origine peut être douteuse compte tenu des organisations criminelles qui prospèrent dans le pays. En outre, ils invitent la France à rejoindre les pays ayant engagé une procédure auprès de la Cour pénale internationale sur les accusations de crime contre l’humanité prononcées contre le régime de Nicolás Maduro Moros.
Pour l’heure, notre pays ne fait que soutenir la demande formulée par d’autres États, à savoir cinq pays latino-américains et le Canada. Certes, une procédure devant la CPI est nécessairement longue. Mais, plus que le résultat, c’est ici le message qui compte : cette procédure signifie d’abord la reconnaissance, par la communauté internationale, du drame vécu par des millions de Vénézuéliens, et elle marque la fin de l’impunité pour les crimes commis. Le fait que la France, pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, s’y associe serait donc un acte particulièrement fort.
Le président vénézuélien continue d’opprimer son peuple. Il ne manifeste aucun signe de faiblesse : au contraire, il se mêle d’apporter son soutien aux mouvements de contestation qui secouent actuellement l’Équateur et le Chili. Il est donc opportun d’appeler le Gouvernement à davantage de fermeté et d’implication dans le règlement de cette crise. Bien entendu, les élus du groupe Les Républicains voteront cette proposition de résolution !