Intervention de Philippe Mouiller

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 octobre 2019 à 8h35
Proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller, rapporteur :

La proposition de loi déposée par le président Alain Milon vise à conforter un bel édifice : la prestation de compensation du handicap (PCH). Le rapport que je vous présente a été nourri par de nombreuses auditions, par les réflexions menées depuis le rapport d'information d'octobre 2018 intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, ainsi que par les travaux de notre collègue député Philippe Berta, qui ont donné lieu à une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 17 mai 2018.

La PCH a été créée par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte important définit précisément le droit des personnes handicapées à la compensation des conséquences de leur handicap. La PCH est le principal dispositif visant à rendre ce droit effectif.

Bel édifice que la PCH, disais-je, car elle se présente sous une forme souple qui épouse les besoins des personnes. Elle peut couvrir en effet les charges résultant d'un besoin d'aide humaine ou technique, celles liées à l'aménagement du logement ou du véhicule, ainsi que les charges spécifiques ou exceptionnelles, comme celles liées à un besoin d'aide animalière.

Les besoins de la personne handicapée et l'aide qui lui est nécessaire sont préalablement évalués par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, de psychologues, d'ergothérapeutes, etc. Les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instances décisionnaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), se prononcent ensuite sur l'attribution de la PCH sur le fondement de cette évaluation.

Ce dispositif souple et ambitieux a rencontré un certain succès, puisqu'il bénéficie à présent à près de 284 000 personnes, mais il suscite de légitimes impatiences : l'accès à la PCH est souvent décrit comme complexe ; les modalités par lesquelles les départements contrôlent son utilisation sont parfois mal comprises par les bénéficiaires ; son articulation avec l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et son utilisation pour couvrir les surcoûts de transport posent aux familles de grandes difficultés ; le handicap psychique est mal pris en compte ; etc.

Le Gouvernement n'ignore pas ces dysfonctionnements, mais les réflexions engagées pour y remédier, depuis la conférence nationale du handicap, n'ont pas encore toutes abouti. Sur deux des points les plus essentiels que j'avais identifiés dans mon rapport d'information d'octobre 2018 - l'accès aux aides techniques et la couverture des frais de transport -, les choses, pour le dire crûment, traînent.

S'agissant des frais de transport en particulier, les dispositions législatives se sont succédé sans souci de la cohérence d'ensemble, de sorte que les familles font les frais d'une sorte de conflit de financeurs entre l'assurance maladie qui finance les trajets pris en charge par certains établissements spécialisés et les départements. Il est même des familles, pour lesquelles les enfants ne peuvent pas prendre le même moyen de transport le matin pour se rendre dans des établissements pourtant voisins, parce qu'ils ne sont pas pris en charge de la même façon...

J'envisageais initialement de compléter la proposition de loi par certaines clarifications qui sont nécessaires et par une expérimentation consistant à confier cette compétence au seul département, moyennant la récupération de la part de PCH du bénéficiaire servant à couvrir les frais de transport, mais le Gouvernement, là encore, m'a assuré que le sujet n'était pas mûr. Il est vrai qu'une telle réforme aurait un coût et que les relations financières entre l'État et les départements font encore l'objet d'un grand nombre de discussions.

Cette proposition de loi ne prétend pas tout reconstruire, mais elle fait deux choses immédiatement utiles : elle facilite l'accès à la prestation pour ceux qui en remplissent les critères et elle améliore ses modalités d'attribution, ce qui profitera autant aux personnes qui la touchent qu'aux départements qui la servent.

Son article 1er supprime une limite d'âge, dont la justification restait difficile à comprendre. La PCH n'est en effet accessible aujourd'hui qu'aux personnes de moins de 60 ans ou aux personnes de moins de 75 ans, dont le handicap s'est déclaré avant 60 ans. Il n'est même pas besoin de démontrer que la population des personnes handicapées vieillit pour convaincre qu'il faut supprimer ce seuil. Il suffit de dire qu'il pénalise ceux qui n'ont pas jugé utile de demander la PCH avant 75 ans, mais qui se retrouvent en difficulté, passé cet âge, en raison d'un changement survenu dans leur environnement, en raison par exemple du vieillissement ou du décès du conjoint qui apportait une aide humaine.

L'article 2 apporte une correction qui devrait faciliter la diminution du reste à charge des bénéficiaires de la PCH. Il s'agit de clarifier la base légale des fonds départementaux de compensation du handicap, créés en 2005 pour que le reste à charge des bénéficiaires n'excède pas 10 % de leurs ressources personnelles. L'actuel article du code de l'action sociale et des familles est en effet si ambigu que les gouvernements successifs n'ont pas su prendre le décret d'application qu'il exige. L'État a d'ailleurs été condamné pour ce motif par le Conseil d'État et paie depuis février 2016 une astreinte quotidienne de 100 euros comme sanction de son inaction.

Je voudrais insister sur ce point pour éviter tout malentendu : préciser que le reste à charge des bénéficiaires ne pourra excéder 10 % de ses ressources personnelles « dans la limite des financements des fonds » n'est pas un recul, mais bel et bien une clarification, car les financements complémentaires apportés par ces fonds ont toujours été contraints ; ils étaient en outre, faute de décret d'application, incertains et inéquitablement distribués. Avec cette nouvelle base légale, le rôle des fonds départementaux pour limiter le reste à charge des personnes handicapées est confirmé et le décret qui sera pris fixera des modalités d'intervention valables sur tout le territoire.

L'article 3 de la proposition de loi apporte plusieurs précisions utiles aux bénéficiaires comme aux départements. D'abord, il homogénéise les durées d'attribution des différents éléments de la prestation hors aides humaines. Les aides techniques sont en effet attribuées pour trois ans, comme les aides animalières, mais cette durée est de cinq ans pour les aides exceptionnelles ou les surcoûts liés au transport, et de dix ans pour l'aide à l'aménagement du logement. La direction générale de la cohésion sociale m'a indiqué que la durée qui serait retenue par voie réglementaire serait la plus avantageuse pour les bénéficiaires, à savoir dix ans. Cela évitera aux personnes de fastidieuses démarches de demandes de renouvellement.

L'article 3 précise, en outre, les modalités de contrôle du président du conseil départemental. D'une part, le contrôle porterait sur une période d'au moins six mois afin d'éviter que les bénéficiaires soient pénalisés par un contrôle strictement mensuel du seul fait, par exemple, qu'ils ont eu un moindre besoin d'aides humaines pendant le mois où ils étaient en vacances. D'autre part, le texte précise que le contrôle du président du conseil départemental ne pourrait porter que sur les sommes qui auront été effectivement utilisées afin d'éviter que les personnes qui n'auraient pas consommé entièrement leur plan d'aide, pour éviter un reste à charge, se voient réclamer des sommes qu'elles n'ont pas consommées.

L'article 3 crée, enfin, un droit à vie à la PCH, lorsque le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, comme c'est déjà le cas depuis presque un an pour la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - il s'agissait d'ailleurs d'une initiative du Sénat - ou l'allocation aux adultes handicapés pour ceux dont le taux d'incapacité permanente est de 80 %. Notez que ce droit à vie n'empêcherait nullement les MDPH de continuer à suivre et orienter ces personnes en fonction de leurs besoins ni celles-ci de demander à ce que leur situation soit réévaluée.

Enfin, l'article 4, faute de pouvoir apporter de lui-même une solution globale au problème des transports des personnes handicapées, propose un cadre institutionnel préalable à la réforme à venir. Il crée auprès du ministre chargé des personnes handicapées un comité stratégique chargé d'élaborer et de proposer des évolutions des modes de transport des personnes handicapées assurant une gestion logistique et financière intégrée. Je ne vois pas d'autre moyen, à ce stade, pour pousser à ce que l'on remette à plat le financement des transports et que l'on désigne un unique détenteur de cette compétence qui me semble devoir être le département, sous réserve qu'on lui donne le financement nécessaire.

Vous le voyez, mes chers collègues, cette proposition de loi a des ambitions modestes, mais réalistes : améliorer immédiatement notre principal outil de compensation du handicap et catalyser la réforme de la prise en charge des transports des personnes handicapées pour rendre notre société toujours plus inclusive.

Je vous proposerai par conséquent de l'adopter, sous la simple réserve d'une correction rédactionnelle à l'article 3.

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