Sous des dehors techniques, cette ordonnance soulève quelques questions politiques. La collectivité de Saint-Martin se caractérise par l'importance de l'habitat diffus et informel, et les infractions aux règles de l'urbanisme et de la construction y sont nombreuses, en dépit des efforts de l'État et des autorités locales pour y remédier.
Ce projet de loi vise à ratifier une ordonnance en lui donnant valeur législative afin que les règles de l'urbanisme s'y appliquent comme en métropole. Il s'agit de transposer les dispositions pénales prévues dans le code de l'urbanisme. Toutefois, j'ai saisi cette occasion pour faire le point sur la situation à la suite de l'ouragan Irma qui a touché Saint-Martin et Saint-Barthélemy en 2017. Vous vous en souvenez, les dégâts ont été considérables. Onze personnes sont décédées ; environ 11 000 personnes ont quitté les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy pour trouver refuge en Guadeloupe, en Martinique ou en métropole.
Notre collègue Guillaume Arnell ainsi que les représentants du ministère des outre-mer, que j'ai rencontrés, ont souligné que le non-respect de la réglementation avait accru la vulnérabilité de certaines constructions : l'habitat précaire est très fragile ; des bâtiments ont été construits sans permis, parfois dans des zones côtières où le risque de submersion est élevé. D'ailleurs, 20 % des bâtiments ont été totalement détruits ou sévèrement endommagés à Saint-Martin à la suite de ce cyclone. Ce fut moins le cas à Saint-Barthélemy où les règles d'urbanisme sont davantage respectées. Les compagnies d'assurance ont enregistré 17 110 sinistres à Saint-Martin et 16 740 dossiers ont été traités.
Toutefois, on a recommencé à reconstruire de manière informelle, sans respecter les règles en vigueur. C'est une situation que l'on ne peut accepter, alors que le phénomène cyclonique est malheureusement appelé à se répéter.
C'est pourquoi je formulerai trois recommandations.
Première recommandation : adopter d'ici à la fin de l'année un plan de prévention des risques naturels (PPRN) définitif et soutenir les efforts des services de l'État pour le faire appliquer avec rigueur sur le terrain. Il s'agit là d'une responsabilité politique. J'indique que Mme la préfète a pris la décision - heureuse et particulièrement responsable - d'appliquer ce PPRN par anticipation, en dépit des réserves de la collectivité territoriale.
Deuxième recommandation : mener à son terme l'élaboration d'un plan local d'urbanisme (PLU) mis en cohérence avec les prescriptions du PPRN et dont le respect doit être contrôlé conjointement par les agents de l'État et les agents de la collectivité qui travailleront de manière coordonnée. Le plan d'occupation des sols (POS), qui date de 2003, n'est absolument pas en phase avec le projet de PPRN.
Troisième et dernière recommandation : oeuvrer à une résolution du différend territorial entre Saint-Martin et Sint Maarten afin d'ouvrir la voie à un approfondissement de la coopération entre les deux parties de l'île. En effet, depuis le partage de l'île, la France et les Pays-Bas n'ont pas réussi à trouver un accord sur le tracé de la frontière au niveau de l'étang d'Oyster Pond, à l'est de l'île, qui abrite une importante marina. La partie néerlandaise considère que la mer appartient à Sint Maarten et la terre à Saint-Martin, la frontière passant au niveau du littoral, tandis que la France estime que la frontière passe au milieu de l'étang, conformément aux règles du droit maritime international. Dans ce contexte, la gendarmerie ne peut pas agir en toute sécurité juridique.