Intervention de Marie-Thérèse Besson

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 7 novembre 2019 à 9h35
Audition de représentants de courants de pensée

Marie-Thérèse Besson, présidente de la Commission nationale « éthique-bioéthique » de la Grande Loge féminine de France :

Il était important que notre obédience, la Grande Loge féminine de France, strictement féminine donc directement concernée, puisse s'exprimer sur l'ensemble des sujets qui concernent la bioéthique. Notre qualité de franc-maçonne et le travail que nous effectuons dans nos loges nous conduisent à faire preuve de discernement, ce qui est indissociable, pour nous, des notions de justice et d'équité. Les quelque 14 000 femmes de la Grande Loge féminine de France sont représentées dans trois commissions : la commission d'éthique, la commission des droits des femmes et la commission de la laïcité. Elles ne pratiquent pas la pensée unique. Pourtant, nous nous retrouvons toutes sur les valeurs issues du siècle des Lumières, à savoir la liberté, la fraternité, l'égalité, la dignité absolue de tous les êtres humains, et l'usage de la raison, sur laquelle s'est fondée l'autonomie de la conscience.

Nous sommes satisfaites des progrès de cette loi dans son ensemble, malgré quelques réserves et quelques interrogations.

Nous sommes bien entendu favorables à l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Nous souhaitons toutefois attirer votre attention sur le fait qu'il faudra être extrêmement vigilant et apporter une aide soutenue et réelle aux femmes seules, dont la précarité psychique et financière a été très bien documentée, en particulier chez les veuves et les femmes divorcées.

La conservation des gamètes est un réel progrès pour la liberté et l'égalité entre les hommes et les femmes. Jusque-là, on ne pouvait conserver que le sperme, dans le cadre de la convenance personnelle avec un projet parental, la congélation ovocytaire n'étant pas possible sauf pour raisons médicales. Or, pour les femmes, la fertilité naturelle baisse dès 35 ans. Et l'âge de la procréation, eu égard à l'engagement professionnel des femmes, a reculé. Il apparaît toutefois que seules les structures publiques pourront procéder, après autorisation, au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes. Pourquoi ? Cela risque d'allonger encore les délais, qui sont déjà souvent de l'ordre d'une année, voire davantage. Et si les couples vont en Espagne, c'est à cause des délais. N'allons-nous pas organiser la pénurie, en rendant encore plus difficile l'accès au sperme ? Peut-on faire une loi qui serait, dans certains domaines, peut-être inapplicable ? Où est la solidarité, la justice pour tous, dans la prise en charge ? Il suffirait d'encadrer les pratiques, en limitant par exemple le nombre de tentatives remboursées par la sécurité sociale. Il faudrait élargir le diagnostic préimplantatoire à toutes les femmes de plus de 38 ans, en raison des risques causés par les anomalies génétiques liées à l'âge, avec des embryons de moins bonne qualité.

Concernant la filiation pour les couples de femmes, est-il vraiment nécessaire d'indiquer la reconnaissance conjointe dans l'acte de naissance ? Ne risque-t-on pas de créer une stigmatisation de certains enfants ? Interdire à l'enfant, en ce cas précis, de pouvoir établir un jour un lien avec son géniteur, n'est-ce pas le spolier du légitime désir de vouloir se replacer dans une filière que l'on pourrait qualifier de naturelle ? Naître, c'est aussi être mis en face d'une liberté d'être et d'advenir, qui pourrait disparaître pour certains. La loi va modifier complètement la définition de la famille. Il nous semble donc important que le législateur soit attentif aux conséquences des lois sur la filiation et à l'égalité de traitement des femmes et des enfants.

Concernant le don d'organes, à propos du don croisé à quatre paires, nous ne pouvons qu'apprécier cette fraternité au-delà de la famille, véritable valeur maçonnique de solidarité, qui augmentera bien évidemment les chances de réussite des greffes. Mais nous nous interrogeons sur la notion de liberté à propos du don intrafamilial et de l'inévitable pression psychologique qui risque d'exister.

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