Intervention de Joëlle Mounier

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 7 novembre 2019 à 9h35
Audition de représentants de courants de pensée

Joëlle Mounier, membre de la Commission nationale « éthique-bioéthique » de la Grande Loge féminine de France :

En ce qui concerne les manipulations génétiques, il y a un enjeu éthique dans la modification des cellules germinales et de ce qui toucherait au patrimoine de la descendance. On ne connaît pas les conséquences exactes, mais il pourrait y avoir des mutations inattendues. Jusqu'où peut-on aller dans la modification du génome humain ? Sommes-nous au seuil de l'invraisemblable et du moralement non souhaitable ? Il nous paraît essentiel de ne pas autoriser ces modifications et, par conséquent, d'interdire les manipulations sur les cellules germinales humaines, car la tentation sera de dériver vers l'eugénisme.

À la suite de tests prescrits lors d'un conseil génétique, des maladies non recherchées, dites incidentes, peuvent être découvertes. La loi permet l'information de la personne concernée et de sa famille. Faut-il révéler ces anomalies génétiques découvertes fortuitement, ou bien les cacher ? Ce serait vraiment une avancée que de donner cette liberté de choix et de connaissance médicale aux membres de la famille.

En ce qui concerne les tests génétiques dits récréatifs, les résultats sont vraiment difficiles à interpréter pour des personnes qui n'ont aucune connaissance scientifique et médicale, ce qui peut apporter confusion et inquiétudes. Ces tests donnent l'illusion de comprendre son profil génétique. La loi les interdit, mais comment la faire respecter ? Le débat porte aussi sur la confidentialité des informations récoltées : en donnant son ADN à une société commerciale, on communique aussi des informations génétiques qui concernent celui de ses parents et de sa famille, qui n'ont pas forcément donné leur accord pour communiquer ces renseignements. La réflexion doit se poursuivre sur l'impact de toutes ces technologies, dont l'utilisation de l'intelligence artificielle, qui va bouleverser nos vies.

La recherche sur les cellules souches embryonnaires pourrait être soumise uniquement à une déclaration obligatoire auprès de l'Agence de biomédecine. Cela faciliterait certainement beaucoup les conditions de manipulations et d'échanges dans les collaborations internationales. Il faudrait poursuivre les recherches sur l'embryon, mais uniquement dans le cas d'embryons venant d'un abandon de projet parental, avec le consentement éclairé du couple - comme c'est déjà la procédure actuelle -, mais non pour des embryons qui seraient conçus à cet effet, ce qui serait de la manipulation génétique sur l'embryon. Il nous paraît totalement justifié de poursuivre la recherche sur l'embryon, en la conditionnant à une autorisation encadrée - très encadrée - de l'Agence de la biomédecine. Le régime juridique serait donc distinct pour les deux types de recherche, les enjeux éthiques étant différents. Il faudrait sans doute inscrire dans la loi les deux prérequis à la recherche sur l'embryon que sont la finalité médicale et l'absence d'alternative.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion