Même si le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait fait le constat que le don d'organes était à la fois fiable et nécessaire, il s'avère que le don croisé d'organes, légalisé par la loi de bioéthique de 2011, ne va peut-être pas assez loin, parce que les donneurs sont trop peu nombreux, et que les dispositions à prendre sont insuffisamment connues. Le principe de non-opposition au prélèvement post mortem, qui vient d'être évoqué s'agissant des gamètes, réaffirmé par la loi de janvier 2016 de modernisation du système de santé, ne va pas non plus assez loin. Il faut adopter une véritable politique si l'on veut favoriser le don d'organes, qui est une nécessité pour traiter un certain nombre de situations pathologiques, acquises ou innées.
L'article qui permet un examen génétique d'une personne hors d'état d'y consentir devrait à cet égard être adopté, dans l'intérêt des membres de sa famille qui sont potentiellement concernés. Les réponses aux questions de la gratuité et de l'anonymat du don sont encore imprécises. Il faudrait les clarifier, expliquer et élargir le cadre actuel, tout en préservant la notion d'équité, qui vient d'être évoquée au travers de cet héritage philosophique dont nous nous inspirons.
Il faut bien voir la différence de nature qui existe entre le don d'organes ou de tissus, d'une part, et la création d'un embryon humain qui possède les mêmes droits naturels et imprescriptibles que tout individu d'autre part. Favoriser les progrès scientifiques ou technologiques dans les domaines de l'intelligence artificielle ou des neurosciences - sur lequel certains d'entre nous passent l'essentiel de leur temps - est évidemment primordial : un franc-maçon, par définition, est un cherchant, quand il n'est pas un chercheur. Nous sommes donc favorables aux dispositions soutenant la recherche à condition qu'elle soit libre, responsable, et non gouvernée par les seuls intérêts matériels du petit nombre au détriment de la collectivité. C'est le sens même du progrès. Idem pour tout ce qui concerne l'imagerie cérébrale. Les textes doivent simplement être attentifs à ce que les valeurs éthiques et le respect de l'individu qui servira de sujet d'expérimentation soient parfaitement respectés. La création d'embryons chimériques doit rester formellement interdite. L'article 14 du projet de loi qui confirme le distinguo entre embryons et cellules souches embryonnaires doit être bien entendu regardé avec précision puisque le régime juridique de ces deux entités est parfaitement différent.
Il faut donner un cadre éthique et juridique - c'est au fond le leitmotiv de notre intervention - à tout ce qui concerne la génétique ou le microbiote, sur lesquels certains d'entre nous travaillent à longueur d'année, 75 heures par semaine. Ce cadre éthique et juridique est au moins aussi indispensable que la promotion et le développement de la technique elle-même : si celle-ci se développe en dehors de tout cadre relevant de l'intérêt collectif, de l'intérêt moral et de la préservation de notre société qui, dans sa diversité, partage certains fondamentaux, nous allons à la catastrophe et nous laisserons les intérêts d'un tout petit nombre prendre le pas sur l'intérêt collectif dont vous êtes les garants.