Pour la branche maladie, je ne reviens pas sur l'analyse que vient de faire le rapporteur général au sujet des raisons qui conduisent à un solde dégradé, pour 2019, à - 3 milliards d'euros. Pour rappel, le PLFSS pour 2019 ciblait sur un déficit réduit à - 0,5 milliard d'euros.
Après avoir été porté à 2,5 % pour 2019 afin d'accompagner le plan « Ma Santé 2022 », l'Ondam progresse de 2,3 % pour 2020, conformément à la trajectoire sur laquelle s'était engagé le Gouvernement.
Ce sont 205,3 milliards d'euros qui viendront financer notre système de santé, soit 4,6 milliards de plus qu'en 2019 à périmètre constant.
La construction de l'Ondam intègre, comme les années passées, 4,2 milliards d'euros de mesures dites d'économie pour contenir le « tendanciel » de dépenses, c'est-à-dire ce que serait leur évolution spontanée, dans le montant voté. Comme nous l'avions souligné avec René-Paul Savary dans notre récent rapport sur l'Ondam, ces mesures demeurent insuffisamment documentées et ne sont pas suivies dans le temps ce qui ne permet pas d'en faire une analyse fine.
On note toutefois que le PLFSS pour 2020 marque une plus forte différenciation que les années passées des trajectoires de dépenses des soins de ville et de l'hôpital : le ralentissement de l'activité hospitalière constaté ces dernières années conduit le Gouvernement à abaisser le tendanciel de dépenses de l'Ondam hospitalier, ramené à + 3,3 % pour 2020 (contre + 3,7 % pour 2019), tandis que le tendanciel de soins de ville (+ 5,6 % pour 2020) est fixé à son plus haut niveau depuis cinq ans. Ce taux prend en compte l'impact de la réforme du « reste à charge zéro » ou des mesures de revalorisation conventionnelle ; il intègre en outre une « réserve prudentielle » à hauteur de 150 millions d'euros.
Cette évaluation conduit à une progression pour 2020 des soins de ville plus dynamique (+ 2,4 %) que l'Ondam hospitalier (+ 2,1 %).
On peut y reconnaître, pour l'hôpital, un effort d'évaluation des dépenses plus crédible ; la surévaluation de l'activité a en effet conduit à mettre une forte pression sur la campagne tarifaire qui suit l'adoption du PLFSS, par le jeu de la régulation prix-volume. La ministre s'est engagée à ne pas baisser les tarifs hospitaliers en 2020. C'est un signal positif : la hausse de ces tarifs de 0,2 % en 2019 a mis fin à dix années de spirale à la baisse.
Toutefois, le niveau de l'Ondam en général, et celui de l'Ondam hospitalier en particulier, suscite de fortes déceptions dans la période de crise que traverse l'hôpital. La transformation souhaitée de notre système de santé, dans le prolongement de la loi « santé » votée l'été dernier, impose des investissements dans tous les domaines.
Le PLFSS n'est pas à la hauteur de ces enjeux.
L'article 24 A, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement est, certes, un signal attendu. Nous avions souligné dans notre rapport sur l'Ondam l'urgence de donner aux établissements de santé une visibilité pluriannuelle sur leurs ressources. Le protocole prévu entre l'État et les fédérations ouvre la voie en ce sens et c'est une avancée à saluer.
Cependant, nous sommes appelés à voter le PLFSS alors que la ministre a annoncé dans les media, il y a deux semaines, un « plan de soutien pour l'hôpital », axé sur l'investissement courant et l'attractivité des métiers, dont nous ne connaissons toujours pas les contours. Nous ne pouvons pas, dans ces conditions, nous prononcer sur l'Ondam pour 2020. C'est la raison de principe pour laquelle je vous proposerai de rejeter l'article 59.
Le PLFSS comporte, dans le champ de l'assurance maladie, des dispositions disparates.
Certaines vont dans le bon sens et je vous proposerai de les soutenir, sous réserve parfois de quelques ajustements.
C'est le cas d'un premier ensemble de mesures portant sur l'hôpital. L'article 24 sécurise le financement des hôpitaux de proximité dont la loi « santé » a refondé les missions. On peut regretter toutefois que ce modèle se construise par petites touches sans vision claire sur la gouvernance de ces établissements, qui devra associer étroitement les professionnels de ville.
Quant à l'article 25, il lance la redéfinition tant attendue du financement des établissements de soins psychiatriques et de soins de suite et de réadaptation. Nous passons d'un financement essentiellement assuré par dotation annuelle, fréquemment qualifié de « boîte noire », à un financement plus transparent fondé sur des dotations populationnelles et à l'activité. Je vous proposerai d'accompagner au mieux cette transition.
Ces dispositions ont été complétées par la réforme du financement des urgences à l'initiative du député Thomas Mesnier (article 26 bis). Celle-ci va dans le sens de propositions émises par René-Paul Savary et Laurence Cohen dans leur rapport de juillet 2017 : elle réduit la part du paiement fondé sur l'activité, qui n'incite pas à la réorganisation des prises en charge.
L'article 26 s'attaque au délicat problème du reste à charge des patients à l'hôpital : on peut regretter qu'il ne mette pas fin au système transitoire introduit avec la tarification à l'activité, qui consiste à asseoir le ticket modérateur sur des tarifs calculés par établissement, et fortement inflationnistes ; il engage malgré tout l'encadrement de ces tarifs par une nomenclature nationale.
Je vous proposerai également de soutenir les mesures incitatives en faveur de l'installation rapide des jeunes médecins dans les zones sous-dotées, qui reprennent, avec cependant moins d'ambition, une mesure votée au Sénat dans la loi « santé » à l'initiative de notre président-rapporteur (article 36).
En matière de prévention, je salue le forfait pour un parcours global post-traitement du cancer (article 40) qui renforce l'accès des personnes traitées pour un cancer aux soins de support. Elles pourront ainsi bénéficier d'un bilan d'activité physique et de consultations de suivi nutritionnel et psychologique. Cet accompagnement permet de tenir compte des conséquences sur la qualité de vie des patients de traitements souvent lourds, pouvant occasionner d'importantes séquelles physiques et psychologiques.
Sur la prévention et la gestion des pénuries de médicaments, l'article 34 met l'accent sur la responsabilité des industriels, dans le prolongement des recommandations que la mission présidée par notre collègue Yves Daudigny avait formulées à l'automne dernier. La mise en place de stocks de sécurité et la possibilité de contraindre des entreprises défaillantes à importer des spécialités de substitution sont des mesures bienvenues. En complément, je vous proposerai d'en préciser la mise en oeuvre, pour que ces dispositifs soient pleinement opérationnels.
Je note enfin avec satisfaction les aménagements apportés par l'Assemblée nationale au congé de maternité des travailleuses indépendantes (article 37 bis), qui répondent aux inquiétudes que nous avions exprimées l'an dernier.
D'autres dispositions présentent plus de difficultés.
Le PLFSS pour 2020 propose d'importantes modifications en matière de prise en charge financière des médicaments et des dispositifs médicaux. Notre commission est favorable à la promotion de la liberté de choix du patient, au maintien d'une ambition forte pour l'accès précoce aux traitements innovants et à la régulation des prix assurée avant tout par la négociation conventionnelle entre les industriels et le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Or, sur ces trois points, le projet de loi suscite d'importantes inquiétudes.
Sur la liberté de choix, l'article 28, qui autorise à remettre les fauteuils roulants en bon état d'usage, est certes intéressant, mais il ne présente pas toutes les garanties pour les droits des usagers. Par ailleurs, un amendement à l'article 29 introduit par le Gouvernement sur la restriction du bénéfice du tiers payant en cas d'égalité de prix entre le princeps et le générique a soulevé de légitimes critiques. Sans être fondamentalement opposée au principe, je conteste la méthode retenue, et ne suis pas favorable à ce que le mécanisme du tiers payant soit excessivement mobilisé comme levier d'incitation. Je vous proposerai donc la suppression de cette disposition.
Ce même article 29 suscite un débat crucial qui a autant trait à la maîtrise de nos dépenses publiques qu'à la pharmacovigilance : il s'agit de la substitution des médicaments biosimilaires à leur bioprinceps de référence. L'article 29 supprime la possibilité d'une substitution en officine, pourtant étroitement contrôlée par l'ordonnance du prescripteur. Les raisons à cette suppression ne sont que d'ordre pratique, liées à la difficulté de publication d'un décret.
Sur les modalités d'accès précoce aux traitements innovants, la principale mesure litigieuse de ce projet de loi figure à l'article 30 et porte sur la restriction du nombre ouvert d'autorisations temporaires d'utilisation (ATU) nominatives. Le travail que nous avons mené de concert avec Yves Daudigny et Véronique Guillotin avait rappelé l'importance, pour le dynamisme de la recherche et de l'innovation, mais également pour la santé publique, de préserver le modèle de l'ATU nominative pour les patients atteints de maladie grave ou rare. C'est pourquoi je vous proposerai d'assouplir les restrictions contenues dans l'article 30, pour lutter contre les ruptures d'équité.
La négociation conventionnelle est le paramètre le plus atteint par les mesures que le Gouvernement propose. D'abord à l'article 28, qui prévoit la possibilité pour le ministère d'administrer une partie du marché des dispositifs médicaux pour une période maximale de trois ans, afin d'en réguler le prix : l'ensemble des acteurs auditionnés nous alerte sur les effets à long terme de cette disposition, qui pourrait conduire à des situations oligopolistiques et qui semble peu adaptée aux caractères actuels de l'offre. Ensuite à l'article 29, qui attribue à l'autorité ministérielle un pouvoir de fixation d'un prix maximal de cession aux établissements de santé pour certains médicaments ou certains dispositifs médicaux. Je vous proposerai plusieurs amendements visant à réaffirmer le rôle primordial que doit jouer la négociation avec le CEPS dans la définition de ces prix.
Sur ce même sujet et dans le prolongement des travaux conduits avec Yves Daudigny et Véronique Guillotin, je vous proposerai par ailleurs un amendement visant à introduire, à titre expérimental, l'idée d'une évaluation dérogatoire et d'un remboursement temporaire de certains médicaments conditionné à l'apport de données en vie réelle.
Sous réserve de ces observations et des amendements que je vous présenterai, je vous propose d'adopter ce projet de loi de financement en ce qui concerne la branche maladie.