Il me revient de vous présenter le volet médico-social de ce PLFSS. Je ne saurais vous cacher très longtemps ma déception. Elle est d'autant plus grande que le contexte semblait propice à des propositions ambitieuses.
Lors de sa déclaration de politique générale devant notre haute assemblée, le 13 juin dernier, le Premier ministre Édouard Philippe avait annoncé que ce PLFSS serait « une première étape » d'une grande réforme de la prise en charge du grand âge, elle-même « grand marqueur social » du quinquennat.
Ses grandes orientations semblaient avoir été établies par le rapport de Dominique Libault, remis en mars 2019, qui plaide pour un virage domiciliaire, et un signal semblait avoir été envoyé au secteur par le lancement de la mission de Myriam El Khomri sur l'attractivité des métiers du grand âge.
Mais, curieusement, ce PLFSS consacre l'essentiel des mesures nouvelles aux établissements, et leur ampleur peut être relativisée. D'abord, les 500 millions d'euros annoncés dans le dossier de presse valent pour les deux années à venir ; en 2020, ce sont environ 300 millions d'euros de mesures nouvelles qui seront consacrés aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et qui ne traduisent pour l'essentiel que la poursuite de la convergence tarifaire. Pour 2019, il faut certes saluer le renfort inédit de 130 millions d'euros pour l'Ondam médico-social, qui correspond à la sous-exécution attendue des soins de ville, même si c'est à peu près ce qui avait été gelé par précaution en début d'année.
Un seul signal financier est envoyé aux métiers du grand âge : la revalorisation de la prime d'assistant de soin en gérontologie, pour un montant de 15 millions d'euros. Cela ne représente toutefois que 150 000 euros par département...
S'agissant de l'aide à domicile, l'impatience du secteur est grande : 50 millions d'euros seulement lui sont consacrés, alors qu'il faudrait environ cinq fois plus pour seulement hisser tous les professionnels du secteur au niveau du SMIC !
Pour mémoire, le rapport Libault estimait les besoins du domicile à 550 millions d'euros d'ici 2024 et, plus largement, le besoin d'effectifs d'encadrement nouveaux en Ehpad à 80 000 postes, pour un montant estimé de manière extrêmement optimiste à 1,2 milliard d'euros. De tout cela, le PLFSS reste assez éloigné.
S'agissant du handicap, 200 millions d'euros de mesures nouvelles sont annoncés, qui correspondent essentiellement à la poursuite des plans déjà engagés - le plan autisme notamment. Il est vrai que d'autres articles, dans le volet santé notamment, abordent ces aspects.
J'en viens aux articles du texte relatif au secteur médico-social, qui n'est pas très riche.
L'article 38 étend les financements portés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux établissements situés à l'étranger accueillant des adultes handicapés français. La CNSA ne finance en effet, aujourd'hui, que les établissements situés à l'étranger accueillant des enfants et de jeunes adultes. C'est un progrès, mais veillons à ne pas pérenniser des places à l'étranger ; il faudra surtout, pour enrayer les départs en Belgique, un effort financier substantiel pour l'offre d'accueil en France.
L'Assemblée nationale a ajouté un article 38 bis précisant que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens liant les établissements médico-sociaux ne pourront retenir comme critère d'évaluation le seul taux d'occupation : c'est une mesure que nous avions déjà défendue.
Le Gouvernement a ajouté à l'Assemblée un article 38 ter prévoyant une expérimentation consistant à redéfinir le périmètre du forfait de soins pris en charge par les établissements d'accueil de personnes handicapées. C'est une idée intéressante, même si nous aurions aimé disposer du rapport qui l'a inspirée. Je vous proposerai d'en préciser le périmètre.
L'article 47 autorise le fonds de modernisation des établissements de santé public et privés (FMESPP) à financer des établissements médico-sociaux, grâce au surplus de produit tiré des amendes radars avec l'abaissement de la vitesse sur les routes à 80 km/h. Je vous proposerai de simplifier le mécanisme retenu.
J'en terminerai par le principal article du texte relatif au secteur médico-social : l'article 45, qui crée une indemnisation du congé de proche aidant.
Après avoir jugé la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez « prématurée » en mars dernier, le Gouvernement propose un dispositif analogue, quoique moins ambitieux, puisque le congé de proche aidant, qui peut atteindre la durée d'un an, ne serait indemnisé que pendant trois mois au maximum. C'est une avancée appréciable, sans doute, pour les personnes qui se retrouveraient soudainement dans une situation difficile, par exemple à la recherche d'un établissement pour un parent subissant une perte d'autonomie brutale, mais cela semble insuffisant pour aider une ou, successivement, plusieurs personnes dépendantes à moyen terme.
Cette mesure est de plus curieusement financée, puisqu'elle le serait par les excédents d'une section du budget de la CNSA qui est systématiquement en déficit, puis par les réserves de la caisse. Sa directrice a tenté de nous rassurer sur le niveau de ces réserves, mais le fait est qu'elles sont chaque année mises sous tension, et que le montant des dépenses liées à l'indemnité de proche aidant est encore inconnu.
Bref, nous sommes condamnés à attendre le dévoilement de la réforme du grand âge pour savoir en quoi consistera le « grand marqueur social du quinquennat ».