Intervention de Gérard Dériot

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 novembre 2019 à 8h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Examen du rapport

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur pour les accidents du travail et maladies professionnelles :

En effet, la gestion de la branche ATMP est exemplaire, peut-être même trop. Elle enregistre sans discontinuer des excédents depuis 2013, après avoir mis à contribution les employeurs par un relèvement du taux de la cotisation sur laquelle repose quasi exclusivement le financement de la branche. Toutefois, depuis 2019, ce taux ne baisse plus, alors que la sinistralité des entreprises a diminué au cours des vingt dernières années et que la masse salariale du secteur privé progresse.

D'un montant de 1,16 milliard d'euros en 2019, le solde de la branche devrait atteindre 1,4 milliard d'euros et se maintenir à ce niveau jusqu'en 2023, puisque le Gouvernement n'a pas l'intention d'ajuster à la baisse le taux de cotisation. Dans ces conditions, les excédents cumulés de la branche devraient culminer à 4,8 milliards d'euros dès 2020. Voici une cagnotte qui ne manque pas de susciter des convoitises.

La branche ATMP fait ainsi l'objet de transferts au bénéfice de fonds d'indemnisation, notamment pour les victimes de l'amiante, ce qui semble légitime, mais aussi au bénéfice de l'assurance maladie, dans une proportion qui, elle, reste plus discutable.

Le poids des transferts dans les dépenses de la branche diminue globalement, de 6 % en 2019, et nous pouvons nous en féliciter. Mais cette baisse est essentiellement le résultat de la décrue du poids des fonds amiante dans les charges de la branche ATMP. Le montant de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est maintenu à 260 millions d'euros, mais celui de la dotation au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) diminuera de plus de 20 % en 2020 en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata).

Le principal transfert pesant sur la branche ATMP reste néanmoins constitué par le milliard d'euros reversé à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles. Pour la sixième année consécutive, ce montant reste inchangé et se situe, c'est assez commode, au milieu de la fourchette proposée par la commission chargée d'évaluer le coût de cette sous-déclaration. Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé laisse entendre qu'aucun progrès n'a été accompli sur cette question depuis la mise en place du transfert en 1997. C'est pourtant faux, des efforts ont été menés par les deux branches pour améliorer la déclaration de plusieurs maladies d'origine professionnelle.

En réalité, ce transfert participe principalement au rééquilibrage d'une branche maladie dont le déficit s'est aggravé en 2019. Le Gouvernement ne s'en cache plus, en mettant en avant le principe de solidarité interbranches : tout est dit ! Cette méthode vient miner la logique assurantielle sur laquelle repose la branche ATMP : la cotisation est censée responsabiliser les employeurs sur leur sinistralité, et non pallier les difficultés d'autres branches.

Quelques remarques sur le nouveau fonds d'indemnisation des victimes des pesticides. Il faut saluer cette initiative, mais le dispositif reste bien en deçà des garanties que nous avions votées lorsque nous avions adopté en février 2018 la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy. La réparation reste forfaitaire, et non intégrale, en contradiction avec les indemnisations mises en place au cours des trente dernières années, notamment au travers du FIVA ou des fonds d'indemnisation des contaminations transfusionnelles.

Par ailleurs, je ne peux m'empêcher de voir comme une impudeur de la part du Gouvernement qui se rachète une virginité en créant ce fonds, mais qui en fait finalement reposer le financement intégralement sur les agriculteurs et les employeurs. Ce fonds sera en effet financé exclusivement par des transferts des branches ATMP des différents régimes et un relèvement de la taxe sur les pesticides, qui en définitive - ne nous leurrons pas - pèsera sur les chefs d'exploitation agricole qui continueront d'acheter des produits phytopharmaceutiques.

N'oublions pas que les pesticides ont été autorisés par l'État. C'est du reste parce que l'État avait autorisé l'usage de l'amiante qu'il participe, en complément de la branche ATMP, au financement des fonds amiante. Pourquoi cette logique n'est-elle pas retenue pour le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides alors que le chlordécone, autorisé par l'État, a durablement contaminé les sols dans les Antilles ?

La valeur ajoutée de ce fonds est par ailleurs limitée : le niveau d'indemnisation des salariés agricoles ne changera pas par rapport à ce qu'ils peuvent espérer aujourd'hui de la mutualité sociale agricole. Le seul effort concerne les travailleurs agricoles non salariés, notamment les chefs d'exploitation retraités avant 2002, dont l'indemnisation sera alignée sur celle des salariés agricoles, avec un complément d'indemnisation. En outre, les enfants exposés en période prénatale pourront être indemnisés au titre de la solidarité nationale, mais à condition que l'un de leurs parents ait été exposé professionnellement.

En dehors de ces avancées, le champ des bénéficiaires reste bien plus restreint que dans la proposition de loi que nous avions adoptée l'an dernier. C'est pourquoi je vous proposerai de l'élargir, en tenant compte des risques posés par les pesticides pour les riverains et de la situation de certains territoires durablement contaminés comme les Antilles.

Sous ces réserves, je vous invite à vous prononcer en faveur de l'objectif de dépenses de la branche fixé à 13,6 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base pour 2020.

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