Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée a été la première saisie du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) présenté aujourd’hui en nouvelle lecture.
Les échanges qu’ont eus la Haute Assemblée et le Gouvernement lors de la session précédente ont été de grande qualité et ont révélé les nombreux enjeux structurants pour les territoires que comporte ce texte. C’est au travers de ces échanges que celui-ci a pu être enrichi et que le projet initial a évolué.
Je tiens à saluer en particulier le travail effectué par le rapporteur, Didier Mandelli, et par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, afin d’améliorer le dispositif de couverture de l’ensemble du territoire par une autorité organisatrice de la mobilité et de proposer des solutions partout et pour tous.
C’est le cœur de la LOM que vous avez conséquemment enrichi, monsieur le rapporteur. Vous y avez introduit le contrat opérationnel de mobilité, outil indispensable de coordination entre les différentes collectivités. Par cet instrument, la transformation des offres de mobilité, très attendue dans les territoires, pourra se traduire bien plus efficacement. Le Conseil d’orientation des infrastructures est, en outre, pérennisé par votre action.
Avec plusieurs de ses collègues, Mme Vullien a amendé le texte pour rendre les transports plus solidaires, notamment à l’égard des personnes à mobilité réduite, en facilitant l’accès de leur accompagnateur.
Le groupe socialiste et républicain et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont quant à eux, par leurs amendements, favorisé le développement de l’usage du vélo via la promotion du « savoir rouler », pour que, dès le plus jeune âge, le vélo soit un réflexe.
Plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont partagé la volonté du Gouvernement d’encourager le report vers des mobilités plus propres et plus actives.
Le Sénat a en outre apporté des recommandations sur le verdissement des flottes de véhicules, qui ont été conservées ou entretenues par l’Assemblée nationale. Le projet de loi contient ainsi des mesures fortes pour la décarbonation des transports.
Quant à l’objectif consistant à rapprocher la prise de décision des citoyens et à offrir une gestion plus souple de la politique de mobilité, il est poursuivi en permettant aux régions qui le souhaitent d’administrer directement les petites lignes ferroviaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte a largement bénéficié du débat parlementaire. Près de 1 900 amendements ont été déposés au Sénat en première lecture, entre les travaux de la commission et la séance publique, et il aura fallu plus de 50 heures pour tout examiner. Il s’agit d’un travail immense, dont je prends la pleine mesure et que je crois utile à notre pays.
Ce n’est un secret pour personne : nous n’avions pas vraiment imaginé que nous nous retrouverions ici, en nouvelle lecture, pour l’examen d’une motion tendant à opposer la question préalable, équivalant à un rejet de ce projet de loi d’orientation des mobilités. L’équilibre établi et partagé entre les deux assemblées au printemps dernier répondait – le Gouvernement en est convaincu – aux grandes attentes et interpellations formulées par notre société.
Je reviens maintenant sur l’unique objet de nos divergences, car je sais que le rejet de ce texte ne fait pas l’unanimité au sein de cet hémicycle, et que de nombreux parlementaires auraient souhaité qu’il fasse l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
La prise de compétence mobilité par les intercommunalités, notamment celles qui disposent de faibles ressources, fait naître un enjeu de financement.
Pour les territoires qui ne lèveront pas de versement mobilité, le Gouvernement prendra en compte le besoin de financement nouveau via le mécanisme de compensation de la suppression de la taxe d’habitation. Je rappelle que cette dernière sera remplacée par une quote-part de la TVA, dont la dynamique est beaucoup plus importante que celle des bases actuelles de la taxe d’habitation. On peut estimer entre 30 et 40 millions d’euros la recette supplémentaire que les communes et les intercommunalités en tireront chaque année, soit 120 à 160 millions d’euros en produit annuel complémentaire au bout de la quatrième année. Ce sont là des financements essentiels aux collectivités.
Il y a également, dans ce projet de loi, un engagement à investir 13, 4 milliards d’euros dans nos infrastructures de transport sur l’ensemble du quinquennat. Convenons ici que l’effort est sans précédent et d’une absolue nécessité.
Derrière cette somme, ce sont très concrètement des voies ferrées, sur lesquelles les trains pourront retrouver une vitesse normale, et des routes qui seront réaménagées, les parcours étant ainsi rendus plus sûrs, plus rapides et plus confortables pour tous.
La Haute Assemblée a voté l’affectation d’un socle de recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), à hauteur de 1, 1 milliard d’euros par an. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont soutenu ce choix décisif. Lors du conseil de défense écologique, le Gouvernement a apporté les dernières réponses attendues concernant le financement de l’Afitf ; elles trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2020, que je défendais hier encore à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, la dette de la SNCF sera reprise par l’État. Le mécanisme est prévu dans le projet de loi de finances pour 2020.
Au travers de toutes ces mesures, la majorité gouvernementale s’investit pleinement et fortement dans les transports.
Le financement des infrastructures de transport doit aussi s’inscrire dans une réalité très prégnante, celle de l’urgence climatique.
Vous savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, que les transports représentent 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre et que la pollution de l’air tue prématurément des dizaines de milliers de Français par an. Nous avons voulu répondre à ce double défi environnemental et de santé publique. C’est dans cet esprit que nous avons décidé de réduire de 2 centimes d’euro par litre l’exonération de TICPE sur le gazole pour les poids lourds et de créer une éco-contribution sur les billets d’avion – une telle contribution existe déjà dans de nombreux pays européens, en Allemagne ou en Grande-Bretagne par exemple.
Avec ces ressources nouvelles, je peux confirmer devant votre assemblée que la programmation des infrastructures est intégralement financée, et ce dans la durée.
Ce projet de loi est un outil à destination des territoires, le credo qui l’anime étant que « la politique rend possible ce qui est nécessaire ».
Il ouvre des possibilités pour que, avec les territoires et au sein de ceux-ci, des solutions se mettent très concrètement en place.
Le Gouvernement, en plein accord avec le Sénat, a ainsi introduit dans le texte le développement du système dit MaaS, Mobility as a Service, permettant, sur un même support, la réservation et le paiement de tous les modes de transport entre deux points.
Demain, avec ce projet de loi, l’obtention du permis de conduire sera moins chère, plus rapide, plus qualitative. Or, vous le savez, ce sésame conditionne bien souvent l’accès à un emploi durable.
En France, en 2019, 70 % des déplacements domicile-travail se font toujours seul et en voiture. Ces trajets sont le quotidien des Françaises et des Français, et nous entendons à la fois, par notre politique, accompagner les comportements vertueux, en favorisant les solutions de substitution à l’autosolisme, et rendre du pouvoir d’achat.
Ainsi, le forfait mobilité durable inscrira le sujet de la mobilité dans le dialogue social. Il permettra aux employeurs d’indemniser à hauteur de 400 euros par an ceux de leurs salariés qui auront recours, pour les trajets entre leur résidence et leur lieu de travail, qui au vélo, qui au covoiturage, qui à tout autre mode de mobilité partagée.
Le forfait mobilité durable dépasse donc largement le cadre des réseaux urbains. Il bénéficiera, dès 2020, à toutes et à tous, dans tous les territoires. Chacun peut convenir qu’il s’agit là d’une avancée majeure.
Le texte qui vous est présenté est donc un projet dont les collectivités locales et, à travers elles, nos entreprises et l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens ont besoin. Et ce besoin est devenu urgent.
Depuis la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982, aucun gouvernement n’avait présenté de projet de loi concernant un droit fondamental des Français, un droit en constante mutation : le droit à la mobilité.
Ce texte est nécessaire, car notre politique de mobilités doit se moderniser et s’adapter aux réalités de notre temps. Les attentes de la société sont nombreuses, multiples, tant les défis, en la matière, sont au cœur de la fracture territoriale et sociale, comme l’ont illustré les épisodes de l’automne dernier.
Ces attentes fortes appellent l’adoption de ce texte, qui est malheureusement reportée, sachant, par ailleurs, que les associations d’élus locaux ont pu s’exprimer sur ce point.
J’entends aujourd’hui votre probable désaccord, mesdames, messieurs les sénateurs ; je tâcherai néanmoins de répondre à vos questions du mieux que je le peux.