Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après des dizaines d’heures de débats et l’échec de la commission mixte paritaire en juillet dernier, nous arrivons au terme de la navette sur le projet de loi d’orientation des mobilités.
Cette nouvelle lecture sera courte, puisque la commission a déposé une motion, qu’elle justifie par l’absence de financements dédiés à l’exercice par les autorités organisatrices de leurs nouvelles compétences.
Nous partageons ces arguments, d’autant que nous avions nous-mêmes présenté une motion tendant à opposer la question préalable en première lecture et souligné le manque d’ambition de ce texte, le désengagement de l’État des transports collectifs et le défaut de financement de l’Afitf et des autorités organisatrices.
Nos arguments restent malheureusement d’actualité, ce texte ne contenant qu’une série de mesurettes plus ou moins pertinentes, dénuées de lien entre elles : plan vélo, développement du covoiturage, régulation des trottinettes, forfait mobilité, etc., autant de mesures qui ne sont pas financées.
Ces mesures traduisent également, en creux, l’abandon des transports collectifs comme offre structurante : on préfère organiser de nouvelles « solutions de mobilité » à géométrie variable, dans un marché libéralisé et uberisé.
Ce projet de loi n’apporte, de fait, aucune réponse aux enjeux, notamment climatiques.
Ainsi, comment se satisfaire que l’ensemble des mobilités promues dans ce projet de loi, qu’elles soient actives ou partagées, aient pour point commun d’emprunter la route, et toujours la route ? Comment se contenter d’un report toujours plus loin dans le temps de l’étude de la problématique des petites lignes, sachant que ce sont 56 lignes et 9 000 kilomètres de rails qui risquent de fermer demain, ce qui entraînerait la création de nouveaux déserts ferroviaires, où la voiture et les bus seraient les seules solutions ?
Comment, dans ce projet de loi, la problématique des transports est-elle articulée avec celles de l’habitat et de l’emploi, dans la perspective de limiter le besoin de mobilité ? À cette question, nous n’obtenons rien, à titre de réponse, qu’un silence coupable de la part du Gouvernement.
Avec plus de 13 gigatonnes de CO2 émis en 2016 dans le monde, le transport est pourtant le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. En France, ce secteur est en tête ; il représente 29, 4 % de l’ensemble des émissions. En son sein, le trafic routier représente à lui seul près de 95 % des émissions.
Le report modal, via la construction d’une offre massifiée et d’un réseau ferroviaire de qualité, est donc l’une des conditions du respect des engagements que nous avons pris dans le cadre de l’accord de Paris. Pourtant, nous assistons à un mouvement inverse de désengagement et de démembrement du réseau ferroviaire.
Cette stratégie, conjuguée à la transformation de la SNCF en société anonyme, est cohérente avec votre objectif, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’elle permet de resserrer le réseau ferroviaire et l’offre de l’opérateur national sur les activités et les axes rentables.
Cette stratégie purement commerciale crée un malaise immense chez les cheminots, qui sont confrontés à la casse de leur outil de travail, ce qui les oblige même, en dernier recours, à faire usage de leur droit de retrait afin de préserver leur sécurité et celle des usagers.
Nous prenons, pour notre part, le contrepied de ces politiques libérales, et proposons des mesures simples : l’augmentation et la généralisation du versement transport, ainsi que la baisse de la TVA, afin de donner aux autorités organisatrices la possibilité de développer l’offre de transport.
S’agissant de l’Afitf, nous demandons le retour de l’écotaxe, mais également la renationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, idée à laquelle vous sembliez adhérer, monsieur le secrétaire d’État, et ce afin de réaliser le scénario 3 du Comité d’orientation des infrastructures.
Nous voulons que le fret ferroviaire soit déclaré d’intérêt général afin qu’il puisse être subventionné et développé, le maintien de la ligne Perpignan-Rungis étant, selon nous, le minimum vital.
Nous encourageons le retour des trains de nuit, qui représentent une alternative à l’avion, ainsi que celui des trains Intercités, qui sont autant de maillons structurant nos territoires – ces orientations ont fait l’objet de votes, sur notre initiative, et se retrouvent dans le texte.
À l’inverse, ce projet de loi organise de nouvelles concessions autoroutières et engage la privatisation des routes nationales. Il s’agit là d’une faute lourde, l’heure étant non plus aux partenariats public-privé, mais bien à un retour de l’intérêt public dans la gestion des infrastructures et du service public.
La création d’une charte pour les salariés des plateformes contourne la jurisprudence et la reconnaissance du salariat. Sur l’initiative de Pascal Savoldelli et de Fabien Gay, nous avons déposé une proposition de loi sur ce sujet afin de garantir le droit des travailleurs.
Enfin, et c’est un point fondamental, l’ouverture à la concurrence des transports urbains et la remise en cause de l’organisation de la RATP créent de lourds risques. Elles préparent la future privatisation de l’opérateur public, contre les intérêts des salariés et des usagers, notamment en termes de cohérence de l’offre et de sécurité.
Vos remèdes sont toujours les mêmes : privatisation, libéralisation et individualisation des besoins. Ces remèdes de l’ancien monde, et non pas du nouveau, ont fait la démonstration qu’ils servaient non pas les intérêts collectifs des usagers des transports, mais bien ceux des géants du bâtiment et des travaux publics et des autres lobbies du secteur routier.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi et pour la motion déposée par la commission.