La deuxième raison, c’est que ces ressources, quand bien même elles seraient plus importantes, ne seront pas liées à l’exercice de la compétence mobilité, ce qui n’incitera pas les intercommunalités à s’en saisir, les communautés de communes ayant déjà beaucoup de difficultés à financer les compétences qu’elles exercent.
Nous avons eu l’occasion d’indiquer au Premier ministre que sa lettre ne répondait pas à nos attentes, et ce à la veille de la CMP. Aussi, quelques heures avant celle-ci, avons-nous reçu un courrier de la ministre des transports nous indiquant que le Gouvernement était disposé à examiner, dans le cadre de la réforme des finances locales, des mécanismes incitatifs au bénéfice des communautés de communes qui se saisiraient de la compétence d’organisation des mobilités, sans préciser les modalités d’une telle incitation. Nous ne pouvions pas nous satisfaire d’engagements aussi imprécis. C’est pour cette raison que la CMP n’a pas été conclusive.
Nous avons malheureusement eu raison d’être prudents, si ce n’est méfiants, puisque – nous le constatons aujourd’hui – le projet de loi de finances pour 2020, qui est maintenant connu, malgré les assurances données par le Gouvernement, ne prévoit aucun dispositif permettant d’assurer un financement dédié et pérenne de l’exercice de la compétence mobilité par les intercommunalités.
Pire, monsieur le secrétaire d’État, au lieu d’attribuer aux autorités organisatrices de la mobilité des moyens supplémentaires, il les prive d’une partie de leurs ressources, puisqu’il prévoit d’amputer de 45 millions d’euros la compensation que l’État leur verse à la suite du relèvement en 2016 du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité ! Les recettes non seulement n’augmentent pas, donc, mais elles diminuent.
Nous craignons par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, qu’un grand nombre d’intercommunalités renonce à exercer cette compétence, et que celle-ci soit finalement exercée par les régions, qui ne seront pas en mesure de développer les solutions de mobilité de proximité dont nos territoires, notamment ruraux, ont besoin.
L’ensemble des territoires sera donc en théorie couvert par une autorité organisatrice, mais, en réalité, les zones blanches de la mobilité demeureront, au détriment des habitants des territoires les plus fragiles, qui risquent d’être les premiers déçus de ces engagements non tenus.
La question préalable déposée par la commission acte ce désaccord profond sur le financement de la compétence mobilité, dès lors qu’elle serait prise en charge par les intercommunalités. Elle ne signifie pas que nous ne partageons pas les objectifs du projet de loi ni que nous ne pouvons pas être fiers du travail que nous avons effectué - car, oui, nous pouvons être fiers du travail mené par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, qui a permis d’améliorer considérablement le texte.
Cette question préalable signifie, en revanche, que le Sénat, défenseur des territoires, ne peut pas accepter le transfert d’une telle compétence sans financements adaptés et dédiés. Ce sont tout de même 950 communautés de communes qui pourraient être concernées demain par ce transfert. Un grand nombre d’entre elles ne bénéficieront pas des recettes du versement mobilité, car elles ne mettront pas en place des services réguliers de transport, compte tenu du coût que ceux-ci représentent.
Pour terminer, je voudrais évoquer les articles introduits par les députés relatifs aux concessions autoroutières – je sais que le sujet vous intéresse au plus haut point, monsieur le secrétaire d’État –, qui constituent un autre sujet de profond désaccord entre l’Assemblée nationale et notre commission.
L’article 40 ter A issu de l’Assemblée nationale permet en effet d’intégrer au sein du périmètre des concessions autoroutières des « sections à gabarit routier servant à fluidifier l’accès au réseau autoroutier ». C’est là une notion extrêmement floue, qui laisse craindre que des sections de routes nationales, départementales, voire communales, puissent, demain, être intégrées au sein des concessions en contrepartie d’une augmentation des péages. C’est d’ailleurs l’interprétation qui est faite par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), qui considère que la rédaction de cet article est très imprécise et qu’elle pourrait conduire à un élargissement du périmètre des concessions routières à des routes qui aujourd’hui ne peuvent en faire partie.
Un tel dispositif, monsieur le secrétaire d’État, est contraire à l’esprit de la loi Macron de 2015, qui a permis de mieux réguler ce secteur, et surtout, ce qui est bien plus grave, à l’intérêt des automobilistes, qui risquent, une fois de plus, de devoir mettre la main à la poche.
Vos services nous ont indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que le décret prévu par cet article préciserait que cette notion ne recouvre que les routes à deux fois une voie qui satisfont un critère d’autoroute, et que, en définitive, cet article n’aurait pas de réelle portée. Permettez-nous d’en douter. Nous sommes relativement inquiets et souhaitons que vous puissiez nous rassurer sur le fait qu’un décret interprétera de manière restrictive cette disposition extrêmement préoccupante pour le portefeuille des automobilistes.
Par cette motion tendant à opposer la question préalable, je le répète, nous entendons avant tout marquer notre refus d’une réforme de la gouvernance des mobilités qui soit à la charge financière des collectivités locales, collectivités que nous avons à cœur, dans cette assemblée, de représenter et de défendre.