Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, je porte depuis plusieurs mois une ambition pour nos territoires ultramarins, que j’ai appelée la « trajectoire 5.0 ».
Parmi les cinq objectifs fixés, le « zéro vulnérabilité au dérèglement climatique » répond aux enjeux de nos territoires soumis à des risques majeurs, parmi lesquels vient immédiatement et évidemment à l’esprit le cas de la collectivité de Saint-Martin, qui a eu à faire face il y a plus de deux ans maintenant à l’ouragan Irma et à ses conséquences dévastatrices.
J’étais présente dès les premiers jours pour constater les dégâts causés par Irma – vous le savez. Et je veux réaffirmer ici que la République a été à la hauteur dans sa gestion de la crise provoquée par un ouragan d’une violence que nous n’avions jamais connue dans nos territoires.
Nous avons pu constater l’ampleur des dégâts sur les constructions qui étaient manifestement trop exposées et insuffisamment résistantes.
La collectivité de Saint-Martin relève de l’article 74 de la Constitution. La loi organique qui la régit consacre le principe d’autonomie dans l’exercice de ses compétences. À ce titre, cette collectivité définit ses propres règles en matière d’urbanisme, d’habitat, de logement et de construction. Mais l’État reste compétent pour fixer les dispositions de droit pénal et de procédure pénale applicables sur l’île.
Le projet de loi qui est examiné aujourd’hui permet la ratification de l’ordonnance relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l’urbanisme de Saint-Martin présentée le 27 mars 2019 en conseil des ministres et ayant reçu un avis favorable de la collectivité le 18 février 2019.
L’ordonnance complète le code de l’urbanisme de Saint-Martin en consacrant les sanctions applicables en cas d’infraction. Elle encadre également les modalités de constatation des infractions et d’interruption des travaux et prévoit des obligations de remise en état dans certaines circonstances. Elle reprend en grande partie les dispositions du code de l’urbanisme qui s’applique à l’échelon national pour les décliner dans le code de l’urbanisme local.
Au-delà de la consolidation juridique du droit applicable à Saint-Martin, l’ordonnance revêt un enjeu particulièrement fort pour ce territoire : il s’agit de contribuer à l’effectivité réelle des règles d’urbanisme édictées par la collectivité. Ces règles communes sont encore trop souvent considérées, par certains de nos concitoyens, comme une base de discussion, voire de négociation, alors qu’elles fixent un cadre qui doit s’imposer à tous, notamment dans un souci de protection des biens et des personnes.
Cela m’amène à vous dire quelques mots sur le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Comme vous le savez, la préfète déléguée a pris, le 6 août dernier, un arrêté portant application par anticipation de la révision du PPRN.
Un travail de concertation a été mené pendant le printemps et l’été. Sans doute aurait-il fallu associer davantage et plus en amont les parlementaires – je l’ai déjà dit, d’ailleurs, aux élus du territoire –, mais nous le ferons beaucoup plus régulièrement à l’avenir, et ce texte y contribue.
Je tiens également à rappeler que l’approbation du PPRN par anticipation ne préjuge pas du projet définitif. Celui-ci prendra en compte les conclusions de l’enquête publique qui a été lancée au début du mois d’octobre et qui vient de se terminer. Dans ce cadre, la collectivité territoriale a formulé un certain nombre de recommandations. Elles seront examinées avec beaucoup d’attention ; j’en ai pris l’engagement.
J’ai demandé expressément à Mme la préfète que chacun à Saint-Martin puisse s’exprimer dans le cadre de ce travail. Vous le savez, à Saint-Martin, les habitants parlent souvent plusieurs langues, et certains n’en parlent qu’une seule, qui n’est pas obligatoirement le français. J’ai donc réclamé la présence d’un traducteur en anglais et d’un autre en espagnol aux côtés des commissaires enquêteurs, ainsi que la possibilité de délocaliser les bureaux dans les différents quartiers – ces deux requêtes ont été satisfaites. Mon objectif était que l’ensemble de la population puisse s’exprimer.
Je comprends évidemment que les populations et les acteurs économiques puissent se montrer très inquiets lorsqu’on leur montre un plan de zonage sur une carte – j’ai moi-même déjà vécu, d’ailleurs, une telle situation dans ma collectivité. Il est problématique de délivrer ce type de cartes sans explication suffisante et sans précision quant aux conséquences réelles des différentes zones envisagées ; nous avons, à cet égard, un rôle à jouer. Il faut accompagner les populations et les acteurs économiques.
Soyez assurés que ma priorité et celle du Gouvernement sont la sécurité et la protection de toutes les populations sans distinction.
Nous passons progressivement, à Saint-Martin, de l’étape de la reconstruction à une étape de consolidation du développement économique et social. Il est temps d’ouvrir la réflexion, notamment sur le tourisme et sur les adaptations nécessaires en matière d’aménagement du territoire, sans oublier néanmoins la trajectoire du « zéro vulnérabilité ».
Je remercie Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois, pour la qualité de ses travaux et pour sa justesse d’appréciation quant aux enjeux de cette ordonnance.