Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Code de l'urbanisme de saint-martin — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous des dehors techniques, la présente ordonnance soulève en réalité, comme vous venez de l’indiquer, madame la ministre, d’importantes questions politiques et de sécurité publique.

En effet, la collectivité de Saint-Martin se caractérise par l’importance de l’habitat diffus et informel. Et les infractions aux règles de l’urbanisme y demeurent fréquentes et nombreuses, en dépit des efforts des services de l’État et des autorités locales. À cet égard, je tiens à remercier d’emblée vos services, qui nous ont aidés pour la rédaction du rapport, ainsi que la préfecture de Saint-Martin. Je salue aussi tout particulièrement notre collègue Guillaume Arnell, qui a bien voulu nous expliquer beaucoup de choses en sa qualité de sénateur de ce territoire, ainsi que notre ami l’ancien ministre Victorin Lurel, qui a donné des conseils précieux.

Les infractions à la réglementation sont d’autant plus préoccupantes que l’île de Saint-Martin se situe dans l’arc antillais, qui est frappé chaque année par des épisodes cycloniques ; et chacun garde en mémoire l’ouragan Irma, dont les conséquences ont été très lourdes.

Dans ces conditions, il apparaît évident à tout le monde, me semble-t-il, qu’il faut des règles d’urbanisme extrêmement précises, pour ce qui concerne notamment la construction ou la reconstruction des édifices ; et il faut aussi se donner les moyens d’appliquer ces règles. C’est une question de sécurité publique.

Le présent texte a été adopté à l’unanimité par la commission des lois. Personne n’a déposé un seul amendement. Je n’irai pas jusqu’à dire que le projet de loi atteint la perfection, mais nous nous retrouvons visiblement tous sur la nécessité que les règles soient bien définies et bien appliquées.

À cet égard, madame la ministre, vous avez choisi la formule la plus simple et la plus justifiée, consistant à aligner les dispositions pénales qui seront en vigueur à Saint-Martin sur celles qui s’appliquent d’ores et déjà à l’échelon national.

Je le rappelle : l’ouragan qui a frappé les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017 est le plus violent jamais enregistré dans la région, avec des vents qui ont soufflé à plus de 370 kilomètres-heure. Le bilan humain est lourd : 11 personnes sont décédées, il y a aussi eu des blessés et 7 000 personnes ont dû quitter lesdites îles pour trouver refuge en Guadeloupe, en Martinique ou en métropole.

L’État a été réactif, tant par la livraison de matériel que par les mesures de sécurité qu’il a prises, notamment pour éviter des pillages, et par l’apport financier qu’il a fourni, d’ailleurs complété par celui de l’Europe. Je tiens aussi à souligner l’importance de la délégation interministérielle pour la reconstruction des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, placée sous l’autorité du préfet Philippe Gustin, chargé de coordonner l’action de l’ensemble des services de l’État.

Toutefois, je dois souligner – ce sera sans doute le point le plus important de notre analyse – que de nombreuses constructions illégales, souvent en bord de mer, ont été reconstruites avec des moyens de fortune depuis que l’ouragan a eu lieu ; elles demeurent naturellement très vulnérables. C’est irresponsable ! Après un tel ouragan, avec toutes ses conséquences humaines, financières et matérielles, tant de victimes et de destructions, il est irresponsable de reconstruire à l’identique, c’est-à-dire dans la précarité, de manière informelle ! L’État et la représentation nationale ne peuvent pas l’accepter.

C’est pourquoi nous avons formulé trois recommandations, qui ont été approuvées à l’unanimité par les membres de la commission des lois. Elles sont tout à fait cohérentes avec ce que vous avez vous-même exprimé, madame la ministre.

Première recommandation : adopter d’ici à la fin de l’année un PPRN définitif et soutenir les efforts des services de l’État pour le faire appliquer avec rigueur sur le terrain. En effet, vous avez rappelé que Mme la préfète – nous ne lui donnons pas tort ! – a été amenée à édicter un PPRN par anticipation. Elle a bien fait : lorsque des mesures de sécurité publique sont à prendre, il faut veiller au bien-être des populations concernées, mais aussi à leur vie. Ce document a donné lieu à beaucoup de discussions. Vous avez souligné, madame la ministre, tout ce qui a été fait pour qu’elles soient les plus efficaces possible. Malheureusement, nous ne sommes pas encore arrivés au bout du chemin. C’est la raison pour laquelle nous nous fixons pour objectif que le plan soit adopté d’ici à la fin de l’année.

Deuxième recommandation – elle découle de la première : mener à son terme l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) mis en cohérence avec les prescriptions du PPRN et dont le respect doit être contrôlé conjointement – je dis bien « conjointement » – par les services de l’État et par la collectivité locale. La bonne solution est qu’ils travaillent main dans la main.

Nous avons approuvé, sur ma proposition, une troisième recommandation : elle consiste à œuvrer à une résolution du différend territorial entre Saint-Martin et Sint Maarten. Je le précise pour ceux qui l’ignoreraient : une partie de l’île de Saint-Martin dépend de la République française tandis que l’autre dépend du Royaume des Pays-Bas, et il existe un contentieux persistant sur la frontière. Le fait que celle-ci ne soit pas définie pose des problèmes très concrets, en particulier pour la gendarmerie.

J’espère donc que vous pourrez aussi agir pour la mise en œuvre de cette troisième recommandation, madame la ministre. Vous avez l’honneur de siéger dans des instances quadripartites avec les représentants des Pays-Bas, de Saint-Martin et de Sint Maarten. Nous formons le vœu que ce différend très ancien puisse ainsi être résolu, favorisant la bonne coopération entre les deux parties, l’objectif étant naturellement le développement dans tous les domaines. Le tourisme, que nous avons évoqué dans le rapport, est important, mais ce n’est pas le seul enjeu pour ce territoire de la République française auquel nous sommes bien entendu attachés.

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