Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Code de l'urbanisme de saint-martin — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Aujourd’hui nous parlons de ma collectivité, Saint-Martin, qui souffre d’un déficit de connaissance de sa réalité socio-économique et de son statut, où se superposent à la fois des compétences d’une commune, d’un département et d’une région. À cette complexité s’ajoute l’exercice d’un certain nombre de compétences autrefois dévolues à l’État.

Aussi, mes chers collègues, ne soyez pas surpris que je m’écarte légèrement du contenu du projet de loi pour vous livrer plus largement des éléments de contexte qui éclaireront, je l’espère, votre vision du texte.

Il me paraît indispensable de commencer par quelques éléments historiques. Saint-Martin est devenue collectivité d’outre-mer au titre de l’article 74 de notre Constitution au mois de juillet 2007. Le transfert de compétences ayant été effectué progressivement, ce n’est qu’en 2012 que nous avons obtenu la compétence urbanisme.

Tout juste nommé au poste de vice-président de la collectivité chargé du pôle développement durable, qui est chargé des compétences en matière d’habitat, de construction et d’urbanisme, je me suis attaché, trois années durant, à travailler avec des juristes et des professionnels du secteur pour édicter notre propre code de l’urbanisme, qui est entré en vigueur le 1er mars 2015.

Dans ses grandes lignes, celui-ci reprend les dispositions du code national, en les simplifiant parfois, mais surtout en les délestant de mesures non adaptées. Mais il comprend aussi des innovations et des procédures propres au territoire.

À Saint-Martin, de très nombreuses constructions ont été réalisées au cours des quatre ou cinq dernières décennies sans être en conformité avec la plupart des prescriptions nationales en matière d’urbanisme. Cette situation résultait parfois d’une méconnaissance des textes, mais elle était le plus souvent la conséquence de l’absence de conseil d’un architecte ou d’un manque de vigilance et de contrôle de la part des autorités compétentes, qu’il s’agisse de la direction départementale de l’équipement, en son temps, de la commune ou de l’actuelle collectivité ; étaient en cause, également, des services judiciaires sous-dimensionnés, préférant se consacrer à leurs autres prérogatives.

C’est d’ailleurs ce qui a conduit à de vives tensions lorsque, avec la présidente Mme Aline Hanson, nous avons essayé de mettre en place le plan local d’urbanisme. Malgré le respect strict des procédures et de multiples réunions pédagogiques dans les quartiers, nous n’avons pas su fédérer. Une certaine résistance de nos concitoyens persiste face aux règles en matière de construction, d’habitat, d’organisation et de schéma d’aménagement du territoire.

J’évoquerai, à titre d’illustration, la zone des cinquante pas géométriques, aux termes de laquelle, à partir de la ligne des plus hautes marées, une bande de littoral de 81, 20 mètres de largeur est inaliénable et imprescriptible. Cette zone est en effet considérée comme une partie de l’espace maritime qui, sauf dérogation, ne peut être vendue ni aménagée. Mais c’est en théorie : à Saint-Martin, une grande partie du littoral a été urbanisée, et la régularisation des constructions peut s’avérer impossible.

Face à ce qui était vécu à l’époque comme une révolution culturelle, des contestataires se sont érigés contre la réforme, parfois de manière très véhémente, me conduisant, pour préserver la paix sociale, à suspendre l’enquête publique.

À l’heure où nous parlons, c’est toujours le plan d’occupation des sols de 2003 qui s’applique à Saint-Martin, avec ses insuffisances et ses incohérences.

Je souscris donc pleinement à la recommandation de notre collègue Jean-Pierre Sueur visant à doter la collectivité d’un PLU dans les plus brefs délais.

Le 6 septembre 2017, l’ouragan Irma nous a sévèrement rappelé qu’un territoire se construit et s’aménage en intégrant tous les risques et aléas climatiques et en respectant scrupuleusement les normes de construction en vigueur. C’est d’ailleurs l’objet des deux rapports qu’a bien voulu me confier la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont le deuxième, relatif à la reconstruction et à l’organisation de la résilience des populations, sera publié dans les prochains jours.

Face à un tel constat, nous devons nous poser deux questions.

Premièrement, faut-il reconstruire à l’identique ou rebâtir autrement ? À l’évidence, au regard des dégâts subis par le bâti, la réponse ne fait aucun doute : oui, il faut reconstruire différemment ! Pour reprendre en partie les propos tenus par le Président de la République lors de sa visite, il faut reconstruire vite, bien, mais mieux.

Deuxièmement – de mon point de vue, c’est la question la plus importante –, comment évaluer avec certitude et équité quels sont les espaces où il ne sera pas possible de reconstruire, parce que le risque y est trop élevé ?

Deux ans après l’ouragan, l’État et la collectivité ont des vues divergentes sur le nouveau plan de prévention des risques naturels prévisibles. Pour ma part, j’aimerais croire que, depuis cette catastrophe, les habitants sont convaincus de la nécessité de disposer de règles d’urbanisme qui encadrent et protègent.

Il y a donc dans la situation actuelle une responsabilité collective qu’il convient de corriger. Cette ordonnance fait œuvre utile en offrant les outils essentiels au respect des règles de l’urbanisme, indispensables à la protection de la population.

Dans son contenu, elle complète simplement le code de l’urbanisme de Saint-Martin par un volet pénal calqué sur les dispositions du droit métropolitain.

Il est impératif de montrer à la population que, si les règles ne sont pas respectées, des sanctions pourront être prises, sans aucune forme de discrimination.

En revanche, au vu du contexte et des contraintes locales, il me semble indispensable de passer par une phase pédagogique en s’appuyant sur des professionnels, des urbanistes et des architectes notamment, mais également d’appliquer une politique cohérente, sans dissocier l’urbanisme, la construction, l’habitat et la protection de l’environnement.

Je forme le vœu que toutes les parties retrouvent de la lucidité et travaillent de concert et en bonne intelligence à la reconstruction d’un territoire innovant, prospère, attractif et préservant l’avenir des générations futures.

Comme le RDSE le fera, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi.

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