Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Prestation de compensation du handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

L’article 2 relatif aux fonds départementaux de compensation a pu susciter quelques débats. Je souhaite ici m’en expliquer.

Les fonds départementaux de compensation, dont la création remonte à la loi de 2005, rencontrent aujourd’hui un important problème de mise en œuvre. Ces structures, initialement pensées pour réunir l’ensemble des financeurs de la compensation du handicap, ont vu leur action entravée par l’inscription dans la loi d’un plafonnement du reste à charge des personnes à 10 % de leurs ressources nettes après impôt.

Le dispositif que nous proposons, tout en préservant la mention d’un reste à charge plafonné, prévoit explicitement que l’action des fonds départementaux de compensation ne pourra s’exercer que dans la limite de leurs financements disponibles. Cela nous a été reproché, et je peux le comprendre. C’est pourtant une clarification, car l’ambiguïté de la loi, presque quinze ans après sa promulgation, n’a pas permis à ce jour aux gouvernements successifs de prendre le décret d’application nécessaire. L’État a d’ailleurs été condamné par la justice administrative il y a trois ans et paie toujours une astreinte quotidienne pour ce motif.

Avec cet article, nous remédions au silence fâcheux d’un texte, dont l’ambition, saluée par tous à l’époque, n’a pas empêché certaines de ses dispositions de rester lettre morte. Autrement dit, à un droit généreux, mais virtuel, nous préférons un droit enfin effectif. Il nous appartiendra, certes, de veiller à son effectivité, en suivant de près l’élaboration du décret, qui dira dans quelles conditions les fonds départementaux, sur tout le territoire, agiront pour limiter le reste à charge des bénéficiaires de la PCH à 10 % de leurs ressources.

L’article 3 comporte plusieurs avancées sur les modalités concrètes de versement de la PCH. Il renforce en premier lieu les prérogatives de contrôle attribuées au président du conseil départemental, garant de l’effectivité du droit. Il dote par ailleurs les bénéficiaires de la prestation d’un ensemble de droits nouveaux, qui leur donneront une plus grande liberté d’usage.

Il s’agit d’abord de fixer une période de référence d’au moins six moins pour le contrôle du versement afin de tenir compte des effets de lissage ou de saisonnalité dans l’usage réel de la prestation. Il peut en effet arriver qu’une personne handicapée ait moins besoin d’aide humaine, quand elle part en vacances par exemple, et elle ne doit pas être pénalisée pour avoir moins consommé sa prestation pendant cette période.

Il s’agit ensuite, dans le même objectif, d’ouvrir la possibilité d’un versement ponctuel de la prestation pour les aides humaines.

Il s’agit enfin de la mise en place d’une durée d’attribution unique et renouvelable de la prestation, dont les cinq éléments donnent actuellement lieu à des demandes de renouvellement distinctes et souvent fastidieuses. Cette mesure, attendue par les bénéficiaires, devrait leur permettre de simplifier leurs démarches.

Plus significatif encore, l’article 3 ouvre la voie à une prestation attribuée sans limitation de durée, lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Une telle mesure aligne la PCH sur les droits récemment reconnus par d’autres textes aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il était en effet urgent que les personnes atteintes par un handicap irrémédiable se voient enfin reconnaître le bénéfice pérenne de la compensation qui leur est due, sans avoir à renouveler inutilement leurs demandes.

La commission des affaires sociales a par ailleurs utilement enrichi le texte, en prévoyant que toute réclamation formulée par un bénéficiaire en cas de lancement d’une procédure de récupération d’indu soit revêtue d’un caractère suspensif.

C’est en somme une prestation plus souple et plus protectrice, en un mot plus conforme à ce que doit être une société véritablement inclusive, que dessine l’article 3.

L’article 4 sert, quant à lui, un objectif bien plus large que son seul dispositif. Le virage inclusif que les pouvoirs publics souhaitent faire prendre à l’accompagnement des personnes handicapées a donné au problème de leurs transports, longtemps occulté, une importance à laquelle nous étions peu préparés. Songez, mes chers collègues, que la famille d’un enfant ou d’un adolescent en situation de handicap, pour peu qu’il soit suivi par plusieurs établissements ou services spécialisés, peut avoir à gérer jusqu’à trois ou quatre modalités de transport distinctes, sans compter ceux qu’elle doit elle-même organiser !

On se réjouit souvent, à raison, du mouvement amorcé de « désinstitutionnalisation » et de l’ouverture progressive de la cité aux personnes en situation de handicap, mais pour quel progrès, si l’abattement des murs ne fait que provoquer un allongement des routes ? L’article 4 propose de dessiner le cadre de cet important chantier à venir, dont la commission des affaires sociales persiste à croire qu’il est déterminant et que toute la mesure n’en a pas encore été prise.

Cette proposition de loi est une avancée pour le monde du handicap, mais le chantier concernant la PCH reste important, que ce soit pour la revalorisation financière, la prise en charge des aides techniques adaptées, la reconnaissance des aides nécessaires au handicap psychique ou l’harmonisation des procédures, et j’en passe… Madame la secrétaire d’État, nous sommes mobilisés pour faire avancer ses sujets dans le seul objectif d’améliorer la vie de nos concitoyens handicapés.

Mes chers collègues, c’est un texte porteur de nouveaux droits et protections, mais aussi de nouveaux espoirs, que je vous demande d’adopter.

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