Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Prestation de compensation du handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Sophie Cluzel :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, comme l’a rappelé M. le président de la commission des affaires sociales, les grandes avancées de la loi de 2005 que nous devons au Président Jacques Chirac sont à saluer, car cette loi est le socle de la pleine participation et de la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Aussi, je suis heureuse d’être présente aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi qui montre, une fois encore, que le handicap a cette grande capacité de rassembler, de nous rassembler.

Cette proposition de loi se nourrit notamment du rapport d’information Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, présenté par M. Mouiller au nom de la commission des affaires sociales. Ce rapport, fruit de travaux importants, toutes familles politiques confondues, a ouvert la voie à de nouvelles améliorations pour la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, et je m’en réjouis.

Cette amélioration de la vie quotidienne des personnes, c’est le seul objectif que je poursuis. Bâtir une société, où enfin les choix seront écoutés et rendus possibles, voilà le projet politique que je porte et que, plus globalement, le Gouvernement porte.

Notre débat prend place dans une période marquée par de nouvelles avancées. Je vais en citer quelques-unes.

L’engagement de la stratégie Agir pour les aidants, bâtie avec l’apport des associations et des parlementaires – je remercie tout particulièrement Mme la sénatrice Guidez qui a porté haut la question si légitime d’une meilleure reconnaissance des proches aidants – permettra une amélioration de la situation pour les aidants percevant le dédommagement dans le cadre de la PCH, qui sera désormais défiscalisé.

Je veux aussi citer l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens en situation de handicap : depuis le 1er novembre 2019, le montant de l’AAH a été porté à 900 euros par mois, soit 90 euros supplémentaires par rapport à son montant de 2017. Au total, nous mettons plus de 2 milliards d’euros au cours du quinquennat pour financer cette amélioration.

Cette mesure de revalorisation s’accompagne d’une simplification radicale des démarches des personnes avec l’octroi de droits à vie sur l’allocation aux adultes handicapés, lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.

Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 porte aussi des mesures de simplification, notamment pour éviter des ruptures de droits au moment du passage à la retraite, mais aussi un engagement majeur pour changer d’échelle sur la prévention des départs non souhaités vers la Belgique, départs qui ne sont pas acceptables et qui conduisent assurance maladie et départements à dépenser chaque année près d’un demi-milliard d’euros pour les prises en charge en Wallonie.

Votre proposition de loi vient porter une nouvelle pierre à notre ambition pour l’émancipation des personnes en situation de handicap.

Rappelons l’importance de la prestation de compensation du handicap, levier essentiel pour l’autonomie des personnes dans tous les domaines de leur quotidien, qu’il s’agisse des actes essentiels de la vie, de l’acquisition d’aides techniques ou encore de l’accès à un logement adapté. Le nombre de personnes concernées atteint aujourd’hui 280 000. C’est une grande victoire, acquise en 2005 par les associations.

Aujourd’hui, près de quinze ans après sa fondation, il nous faut toujours travailler pour en renforcer l’efficacité, en liaison avec les départements, et en trouvant les voies d’une réconciliation entre deux impératifs : d’une part, l’individualisation de l’analyse des besoins et des choix de vie ; d’autre part, la nécessité de répondre à une attente si légitime de traitement des demandes dans des délais maîtrisés et compatibles avec la situation des personnes.

C’est à ce titre que j’ai fait le choix – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – de consacrer, dans le cadre des travaux préparatoires à la conférence nationale du handicap, deux chantiers nationaux à ce sujet.

Le premier est relatif à l’amélioration de l’accès à la prestation de compensation du handicap. Je tiens à remercier tout particulièrement Mme Marie-Pierre Martin, première vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, qui a présidé avec l’aide de la direction générale de la cohésion sociale le groupe de travail national sur la prestation de compensation du handicap, et les associations de personnes handicapées qui se sont engagées dans ce chantier et avec qui nous avons étroitement travaillé.

Le second porte spécifiquement sur la compensation du handicap des enfants, sujet dont je sais, madame la sénatrice Schillinger, qu’il vous tient particulièrement à cœur. Centrés sur l’enjeu de la clarification de l’articulation entre l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap attribuée aux enfants, les travaux confiés à Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales, dont je tiens à saluer la qualité, présentent plusieurs scénarios d’évolutions ; nous devons mesurer ensemble les impacts et les conditions de réussite de ces scénarios, tant les enjeux sous-jacents sont importants et nombreux. Cela nécessite du temps, mais il y a des simplifications essentielles pour les familles et les enfants qui doivent pouvoir se concrétiser plus rapidement – je pense notamment à la simplification du droit d’option entre AEEH et PCH et au critère d’éligibilité qui représente aujourd’hui une complexité incompréhensible pour les familles qu’il nous faut retravailler.

Je vais maintenant entrer un peu plus dans le détail de cette proposition de loi.

L’article 1er prévoit la suppression de la barrière d’âge à 75 ans. Aujourd’hui, cette limite d’âge pénalise injustement les personnes handicapées qui n’ont pas jugé utile de demander la PCH avant 75 ans, mais qui se trouvent, passé cet âge, en difficulté du fait d’un changement survenu dans leur environnement, par exemple le vieillissement ou le décès du conjoint qui apportait, dans les faits, une aide humaine. La proposition de loi reprend les travaux conduits sur ce point par le député Philippe Berta et adoptés par l’Assemblée nationale – je souhaite très sincèrement saluer ce travail. Je me réjouis dès lors du consensus trouvé sur cette évolution, qui devrait concerner environ 10 000 personnes.

L’article 2 prévoit une évolution du dispositif législatif relatif aux fonds de compensation du handicap, sujet d’ores et déjà abordé à l’occasion de la proposition de loi de Philippe Berta et sur lequel nous butons collectivement depuis de nombreuses années – cela a été rappelé.

Je veillerai dans le cadre des mesures réglementaires d’application à améliorer les conditions de mobilisation de ces fonds pour davantage de transparence et de compréhension par les familles – elles sont environ 15 000 à les solliciter. Ces sollicitations concernent, pour une large part – près de 50 % –, l’accès aux aides techniques. Sur ce point, je veux apporter des solutions ab initio et baisser le coût de ces aides. Je pense par exemple aux fauteuils électriques : je suis régulièrement interpellée par des personnes qui me demandent si je trouve normal que leur fauteuil électrique coûte plus de 30 000 euros, soit le prix d’une voiture ! Il nous faut travailler sur ces coûts. C’est pourquoi je lancerai bientôt une mission nationale avec les associations sur ce sujet.

Venons-en au principe du droit à vie. Il a été institué pour différents droits et prestations : la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ou RQTH, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé jusqu’à 20 ans et la carte mobilité inclusion invalidité. Je me suis engagée personnellement à suivre cette réforme, qui permettra d’alléger les démarches des personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement et qui ne comprennent pas pourquoi elles doivent régulièrement justifier de ce handicap auprès des administrations.

Le fil rouge de mon action et de celle du Gouvernement est la simplification. L’article 3 de votre proposition de loi étend le droit à vie à la PCH en cas de handicap non susceptible d’évoluer favorablement et vise à aligner les durées d’attribution des éléments de la PCH sur une durée unique. Il permet de renforcer le principe du droit à vie, en l’étendant à la PCH. Continuons de simplifier les démarches des personnes handicapées et d’avoir en miroir des maisons départementales des personnes handicapées plus agiles et en mesure de mieux accompagner. Il y va de l’équité sur le territoire ; c’est un chantier que je suivrai très attentivement.

Lors de vos débats en commission, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur a rappelé que la question des transports des personnes en situation de handicap n’avançait pas assez vite, tant du point de vue des modalités d’organisation des mobilités que du point de vue du coût pour les familles et les personnes. Je vous rejoins entièrement. Oui, il faut que nous fassions bouger les choses ! Oui, il faut mettre à plat les différents modes de financement et de transport ! Et je crois qu’il faut innover dans les solutions à apporter afin d’améliorer la qualité. C’est l’objet de votre article 4, qui crée le lieu de débat sur cette question au travers d’un comité stratégique que vous avez souhaité élargir à la question de l’amélioration de la compensation pour les enfants handicapés.

Je reviens quelques instants sur la compensation pour les enfants. Vous le savez, une première étape de simplification a été franchie le 1er janvier 2019 pour les familles comme pour les équipes des MDPH avec l’attribution de l’AEEH de base jusqu’aux 20 ans de l’enfant, si son taux d’incapacité est au moins égal à 80 %, les durées de notification étant augmentées dans les autres cas.

Je vous ai dit que je considère que certaines avancées pouvaient être rapides sur l’option AEEH et PCH. En revanche, en ce qui concerne la cible à atteindre pour améliorer concrètement la compensation des besoins des enfants, il faut absolument poursuivre le travail à partir des propositions contenues dans le rapport de M. Lenoir. Je m’engage à organiser ces travaux, en liaison avec les sénateurs, dans une composition élargie, notamment pour les transports, à tous les niveaux de collectivités territoriales – les régions qui sont organisatrices des transports doivent en particulier être à nos côtés. Je ne suis pas convaincue que ce comité relève de la loi, mais je soutiens l’objectif de son lancement, et vous pourrez compter sur mon engagement.

Pour conclure, je reprendrai ce que disent souvent mes équipes : tous concernés, tous mobilisés !

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