Intervention de Vivette Lopez

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Prestation de compensation du handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Vivette LopezVivette Lopez :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, comme cela a été dit précédemment, je tiens à remercier notre collègue Alain Milon d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je le remercie du travail qu’il accomplit avec détermination sur ce sujet majeur qu’est la prise en compte du handicap.

Cette proposition de loi vient ainsi opportunément remettre la question des prestations compensatoires au cœur du débat. Elles ne sont pas un luxe. Elles correspondent à un droit, qui traduit la volonté, je dirais même l’honneur de notre société, de faire une place à chacune et chacun d’entre nous. Aussi, nous devons nous réjouir de cette belle avancée.

Cependant, il faut bien reconnaître que l’ensemble des aides et des prestations sociales liées au handicap dans notre pays ressemble à un vaste maquis qui a bien besoin d’un effort majeur de clarification et d’un élagage de précisions. Ce texte y contribue sans conteste amenant de la souplesse et, surtout, du bon sens.

Il témoigne, en outre, qu’il est possible, lorsque nous sommes guidés par un réel souci de partenariat avec les différents acteurs institutionnels mobilisés, de faire évoluer certains dispositifs en évitant l’écueil de la concurrence ou la superposition avec les autres dispositifs existants.

Toutefois, ce texte n’est pas une fin en soi, et la démarche initiée en appelle bien d’autres. En effet, nous ne pouvons oublier que cette aide est versée par des départements, qui, confrontés à la baisse de leurs dotations, ne sont pas tous en mesure de fournir la même aide à des personnes qui en ont pourtant besoin, partout, de la même façon. Après la fracture sociale, nous ne devons pas rajouter à nos concitoyens une double peine avec l’iniquité d’une fracture territoriale.

Alors, même si le Gouvernement clame haut et fort qu’il fait beaucoup pour la cause, il n’en reste pas moins un champ immense d’initiatives à prendre pour mettre réellement le handicap au cœur de toutes nos attentions.

Madame la secrétaire d’État, je sais votre détermination à vouloir faire évoluer concrètement la situation. Nous y sommes particulièrement sensibles, mais êtes-vous suivie dans votre ambition ? Le Gouvernement, dans son ensemble, est-il prêt à troquer sa logique comptable contre une logique de rentabilité humaine ?

Tout le monde sera, à un moment donné de sa vie, confronté directement ou indirectement au handicap, et les mesures actuelles ne sont pas à la hauteur des enjeux et des attentes. Je vous laisse juge.

Le dispositif de la loi ÉLAN qui promettait des logements neufs accessibles a été ramené de 100 % à 10 %. L’allocation aux adultes handicapés est passée de 860 euros à 900 euros en 2019, laissant cette population au-dessous du seuil de pauvreté.

Aux assistants de vie scolaire, les AVS, en contrat aidé pendant trois ans, sans qualification en fin de période, ont succédé les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, sous-payés et en CDD pendant six ans.

Par ailleurs, où en est-on d’une vraie généralisation du langage des signes dans l’audiovisuel public ?

Encore récemment, rien n’était prévu dans la loi Engagement et proximité pour permettre à un élu handicapé de cumuler son indemnité d’élu et son allocation aux adultes handicapés. Il a fallu une bronca de sénatrices et de sénateurs pour que ce point soit soulevé et voté.

Peut-on penser également, sans inquiétude, aux réflexions engagées par le Gouvernement pour intégrer l’allocation aux adultes handicapés dans le périmètre du revenu universel d’activité, le RUA ?

Il semble surprenant, voire inquiétant, que cette allocation, perçue par plus de un million de bénéficiaires, soit appelée à être intégrée dans un revenu qui ignorerait les spécificités du handicap et les réalités vécues par les personnes.

Je pense donc que cette perspective doit appeler notre plus grande vigilance à son égard.

Madame la secrétaire d’État, dès que vous invoquez des allégements administratifs, je m’inquiète de ce qui va arriver comme complication, car tel est bien souvent le cas ! On se paye de mots, on se donne bonne conscience, on s’achète à peu de frais une caution morale, mais la vie de nos plus fragiles change-t-elle ?

S’occuper des plus faibles est pourtant la marque d’une société évoluée et le devoir absolu de notre service public. Nous, les gens valides, mesurons-nous toujours la chance et le bonheur que nous avons ?

Nous devons tout faire pour faciliter la vie des plus faibles, faciliter leur insertion dans la société et leur entrée dans le monde du travail. Ce texte vient donc nous interpeller sur les efforts que nous sommes prêts à consentir pour que les personnes handicapées occupent toute leur place avec un rôle et une qualité de vie qu’il nous appartient, aux uns et aux autres, de défendre.

Ce que nous construisons aujourd’hui, c’est aussi pour nous que nous le faisons. Nous en récolterons les fruits à bien des niveaux !

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