Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 5 novembre 2019 à 14h30
Prestation de compensation du handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner la proposition de loi du président Alain Milon et de notre collègue rapporteur Philippe Mouiller visant à améliorer la prestation de compensation du handicap, la PCH.

L’objectif de cette prestation, créée par la loi Handicap du 11 février 2005, est de compenser au maximum, par la solidarité nationale, les dépenses supplémentaires engendrées par le handicap.

Pionnier dans la lutte en faveur des droits des personnes handicapées, le Président Jacques Chirac avait été à l’origine de cette grande loi fondatrice. Son idée, portée également par sa secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Marie-Anne Montchamp, était simple : permettre à une personne en situation de handicap de gagner le même revenu qu’une personne en bonne santé qui réalise le même travail.

Treize ans après sa mise en place, la PCH est un succès : elle bénéficie à plus de 284 000 personnes et, même si des progrès restent à faire, le nombre de personnes handicapées actives a nettement augmenté. La PCH connaît toutefois certaines limites, que la présente proposition de loi entend corriger.

Elle supprime, tout d’abord, la barrière d’âge de 75 ans pour l’accès à la PCH, âge au-delà duquel il n’est actuellement plus possible d’en demander le bénéfice, même si la situation de handicap a été reconnue avant 60 ans.

Cette limite d’âge ne se justifie plus aujourd’hui. De nombreuses personnes en situation de handicap, qui peuvent ne pas ressentir tout de suite le besoin d’une aide humaine extérieure à leur foyer et, donc, ne pas solliciter le bénéfice de la PCH, pourront, au fil du temps, avoir besoin de cette aide du fait de leur vieillissement ou de celui de leur conjoint ou du décès de ce dernier. Dès lors, il n’est pas acceptable qu’une personne, parce qu’elle n’aurait pas usé de la solidarité nationale avant un certain âge, soit empêchée d’y avoir accès le jour où elle en a véritablement besoin. D’autant que durant toutes ces années sans aide, elle aura permis de faire des économies à notre système social.

Saluons également les améliorations de cette proposition de loi concernant les modes d’attribution de la prestation de compensation du handicap. L’article 3 contient à ce sujet une avancée notable : lorsque le handicap est irréversible, la PCH sera désormais accordée de manière définitive, sans limitation de durée, évitant ainsi la multiplication des procédures et démarches fastidieuses lors des demandes de renouvellement.

Cette proposition de loi a également le mérite de prendre en compte les contraintes financières auxquelles sont confrontés les conseils départementaux.

L’article 2 du texte s’intéresse à la question du reste à charge pour les bénéficiaires de la PCH, qui, selon le droit actuel, ne doit pas excéder 10 % des ressources nettes d’impôts du bénéficiaire. Or cette limite de 10 % n’est, dans les faits, quasiment jamais atteinte, en raison des limites des fonds départementaux de compensation du handicap.

En précisant que l’intervention de ces fonds ne pourra excéder la limite de leurs financements, la proposition de loi rappelle utilement que les finances des départements ne sont pas extensibles à l’infini.

Cela ne doit pas exonérer l’État de ses responsabilités : c’est à lui, et à lui seul, de compléter le montant de l’aide pour donner son plein effet au seuil des 10 % de reste à charge !

C’est également à l’État de mettre fin aux inégalités territoriales concernant le bénéfice de la PCH. Il existe en effet de grandes disparités entre les territoires, avec des modalités d’organisation et de financement variables et des critères d’éligibilité des bénéficiaires très hétérogènes. Est-il normal qu’une personne handicapée dans l’Aisne soit moins aidée qu’une personne résidant dans le département voisin ?

Résultat : le montant moyen de la PCH varie de 2 800 euros à 9 400 euros d’un département à l’autre ! L’État doit intervenir pour assurer cette solidarité nationale.

L’article 4 de la proposition de loi traite de la question du transport des personnes handicapées. Vaste sujet, qui mériterait un travail approfondi. En effet, les transports sont à l’origine de freins multiples à l’accueil des personnes en établissements sociaux et médico-sociaux, pour des raisons financières et organisationnelles.

Ces établissements dédommagent les familles en dessous du tarif de la prestation. En effet, les déplacements sont plafonnés à 200 euros par mois, ce qui est clairement insuffisant lorsque ces déplacements sont importants et fréquents. La problématique est encore plus grande si ces établissements sont situés en limite de département, puisque le ramassage collectif s’arrête à la frontière.

Comme je l’ai évoqué précédemment, la thématique du transport des personnes handicapées mérite d’être abordée de manière plus approfondie, en particulier à une époque où l’on demande toujours plus aux collectivités locales, mais sans ajouter les moyens nécessaires à ces nouvelles compétences.

La loi de 2005 prévoit un droit d’option entre différentes allocations : entre l’allocation compensatrice pour tierce personne et la PCH, entre l’allocation personnalisée d’autonomie et la PCH pour les personnes accédant à cette dernière avant 60 ans, entre l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et la PCH. À ce propos, une réforme du complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé est en cours, qui aura une incidence sur l’exercice du droit d’option. Ce droit d’option, qui est de toute façon peu lisible, mérite une réflexion beaucoup plus globale.

En conclusion, mes chers collègues, je citerai ces quelques mots de Jacques Chirac, qui déclarait, en 2005, que « le refus de l’indifférence et de l’exclusion des personnes handicapées conférerait à notre société un supplément d’âme qui profiterait à tous ».

Treize ans plus tard, il est temps de donner tout son effet à cette belle idée. La présente proposition de loi n’entend pas tout régler, mais elle a le mérite de procéder aux ajustements nécessaires dans l’immédiat. C’est une proposition de loi de justice et d’humanité, et, naturellement, je la soutiendrai.

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