Intervention de Nadia Sollogoub

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 17 octobre 2019 à 8h30
Audition de M. Jean-François Soussana vice-président de l'inra sur les perspectives de l'alimentation en 2050

Photo de Nadia SollogoubNadia Sollogoub :

Je voudrais en préalable faire remarquer que la mission première des agriculteurs, avant de nourrir le monde, est de nourrir leur famille.

La transition vers de nouvelles formes d'agriculture se heurte à un problème de rentabilité. Comme vous l'avez dit, il y a un moment dans le processus où l'on ne bénéficie plus des avantages du vieux modèle et où l'on ne bénéficie pas encore de ceux du nouveau. Cela rend nécessaire un accompagnement et la mise en place d'incitations par la puissance publique.

Concernant l'accompagnement, je rejoins la remarque qui a été faite sur les chambres d'agriculture : réaliser des économies sur leurs crédits au moment où on parle d'accompagnement des agriculteurs n'est peut-être pas très cohérent.

Concernant les incitations financières à la transition, il faut être attentif au fait qu'elles peuvent aussi induire des dérives. Je prends l'exemple du bois de chauffage qu'on fabrique à partir des déchets des scieries. Je peux citer le cas d'une usine de fabrication de plaquettes de bois, créée à grand renfort d'aides publiques, où l'on voit rentrer du bois sain. Ainsi, un mécanisme d'incitations, dont les objectifs étaient louables, s'est transformé en quelque chose d'absurde !

Enfin, je voudrais aussi avoir votre point de vue sur la question de la ressource en eau. Les injonctions ne sont pas toujours très claires sur le terrain. Un ministre dit qu'il faut stocker l'eau et l'autre, qu'il faut la laisser couler pour garantir les continuités écologiques.

Jean-François Soussana. - Effectivement, la journée mondiale de la misère nous rappelle qu'une partie de la population mondiale n'est pas assez nourrie. Cela est dû à la pauvreté, à des situations de conflit et à des événements climatiques extrêmes.

La métropolisation est une tendance lourde et sans doute inéluctable. Elle peut s'accompagner d'une régionalisation. On peut imaginer que se mettent en place des formes d'alliance entre les métropoles et leur territoire, ce qui ferait revenir à quelque chose qui a existé par le passé. Il existait au XIXe siècle une organisation de la sécurité alimentaire de Paris, qui associait les territoires autour de Paris. C'était une organisation administrée qui appartient sans doute au passé, mais on peut envisager que des liens se tissent sous d'autres formes entre les grandes villes et les régions qui les entourent, aboutissant à une relocalisation des approvisionnements alimentaires. C'est ce qui s'esquisse par exemple, à une petite échelle, autour de l'agglomération dijonnaise. Je souligne toutefois qu'avec le changement climatique, on va vers une forme de vulnérabilité des productions agricoles locales. En 2016, on a eu un recul fort de la production de blé. De même, en 2003, concernant le blé et le maïs. Du fait de cette vulnérabilité, il faut pouvoir compter sur le marché mondial pour s'approvisionner.

Vous avez raison d'alerter sur les plaquettes de bois. Leur développement, en Europe et en France, s'est accompagné d'importations significatives de bois, notamment du Canada, ce qui a contribué à la déforestation. Il faut donc être attentif au système d'incitations qu'on met en place lorsqu'on veut encourager le développement d'une filière.

Le réchauffement climatique va créer des difficultés liées à la disponibilité de la ressource hydrique, avec des situations de sècheresse, mais aussi des situations d'excès, comme en 2016, où les sols étaient engorgés. Concernant les retenues collinaires, il faut raisonner à l'échelle d'un bassin versant. Si l'on raisonne à long terme, il va falloir que l'agriculture s'adapte au réchauffement et qu'elle apprenne à mieux économiser l'eau. On ne peut pas seulement jouer sur le levier de l'accès à la ressource en eau.

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