Intervention de Corinne Lepage

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 novembre 2019 à 9:5
Audition de Mme Corinne Lepage avocate spécialiste du droit de l'environnement

Corinne Lepage, avocate spécialiste du droit de l'environnement :

Ce n'est pas notre histoire, en effet.

Il y a une quarantaine d'années, on essayait d'isoler les sites industriels des zones d'habitation : elles se sont rapprochées encore et encore. C'est comme cela !

La loi Bachelot avait précisément pour ambition, comme les PPRT, de réduire les risques, sauf que le récent rapport de vos collègues, maires ou élus de villes dans lesquelles se trouvent des sites Seveso, montre très bien que, en réalité, on n'a pas eu les moyens d'appliquer convenablement cette loi : les travaux qui devaient être effectués dans les habitations proches ne l'ont pas été, notamment parce que l'on mettait à la charge financière des ménages qui les occupent la réalisation de ces travaux - ce qui n'est tout de même pas très correct, à mon avis -, il n'y a quasiment pas eu d'expropriation, parce que l'on n'a pas d'argent pour exproprier.

Continuons-nous dans cette voie ou pas ? En d'autres termes, prenons-nous le risque d'avoir des accidents industriels, avec des risques pour la population ? Cela renvoie à votre question première sur l'allégement des normes. Si l'on prend cette décision-là, cela ne peut être fait qu'avec, d'abord, ce que l'on appelle une culture du risque, c'est-à-dire un contrôle beaucoup plus étroit que celui qu'il y a eu dans le cas de Lubrizol, ensuite une culture partagée. Je ne sais pas si votre commission a eu connaissance de la brochure « censée » - j'utilise les guillemets - informer le public des risques concernant Lubrizol : il n'y a rien du tout, c'est nul. Quand l'accident s'est produit, les gens étaient perdus : ils ne savaient pas quoi faire, il n'y a pas eu d'exercice d'alerte.

On ne peut pas dire en même temps que l'on prend ce risque, en essayant de le réduire au minimum et d'informer les gens le mieux possible, et qu'il n'y a pas de danger.

En effet, le fond de l'affaire, c'est de rassurer, de dire aux gens qu'il n'y a pas de danger et qu'ils peuvent dormir tranquillement. Mais cela ne fonctionne pas ! Si l'on prend nos concitoyens pour des êtres raisonnables - ce qu'ils sont - il faut leur expliquer la situation. Ils veulent travailler, et sont tout à fait capables de comprendre la nécessité du développement économique, mais il faut qu'ils aient les cartes en main. Il y a tout de même un problème de législation. Je suis très inquiète de voir qu'on supprime les enquêtes publiques, car rien ne remplace le contact du public avec un commissaire enquêteur : ce n'est pas la même chose de s'exprimer sur Internet et de dire quelque chose à quelqu'un qui va en tirer des conséquences.

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