Intervention de Corinne Lepage

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 novembre 2019 à 9:5
Audition de Mme Corinne Lepage avocate spécialiste du droit de l'environnement

Corinne Lepage, avocate spécialiste du droit de l'environnement :

Certes, mais qui vérifie ?

J'aurais beaucoup de critiques à faire sur la manière dont l'État a géré cette affaire. Mais, pour sa défense, les moyens dont disposent les services de l'État en matière de contrôle sont en chute libre ! Là aussi, il faut une clarification. Je ne suis pas contre la réduction du train de vie de l'État mais j'observe que la réduction de ses dépenses s'est largement faite sur les organismes de contrôle, dans tous les domaines : vétérinaires, concurrence et répression des fraudes, etc. Or ce sont eux qui tiennent le système. Sinon, vous votez des lois qui ne seront jamais appliquées !

Il existe déjà un pôle « santé-environnement » au parquet de Paris et au parquet de Marseille. Le problème est que leurs moyens sont très insuffisants. Du coup, les dossiers traînent en longueur. Ainsi, l'un de mes dossiers, sur les algues vertes, dort depuis cinq ans. Pour celui de l'incinérateur de Massy, la procédure a mis dix-neuf ans ! Et parfois, on nous refuse une expertise, faute de moyens, tout en reconnaissant qu'elle serait nécessaire.

L'action de classe n'en est pas une. Des associations de victimes sont reconnues comme telles et peuvent agir dans la procédure pénale. Cela évite d'engorger les juridictions d'instruction, certes : on attend l'audience pour que les membres de l'association demandent réparation. Mon association a fait une demande ; nous avons attendu trois semaines un accusé de réception. En tout cas, les actions de classe, en France, n'en sont pas. Pourquoi ? Parce qu'on n'en voulait pas réellement ! Le monde économique était vent debout contre ce système, qui marche très bien aux États-Unis. Le succédané que nous avons fonctionne sans doute pour des notes de téléphone ou des frais bancaires, mais pas dans des dossiers comme Lubrizol.

Nous avons fait immédiatement un référé-constat dans cette procédure, comme je le fais couramment dans beaucoup de procédures. Cela va très vite et permet un débat contradictoire, avec un état des lieux immédiatement après l'événement. Pour la première fois, j'ai eu en face de moi un État qui était violemment opposé. J'ai reçu deux mémoires de l'État, deux de l'ARS et un du SDIS pour dire : « Circulez, il n'y a rien à voir. » La présidente du tribunal administratif de Rouen ne l'a pas entendu de cette oreille et nous avons un expert, avec lequel nous avons déjà tenu deux réunions d'expertise. Cela permet de faire l'état des lieux. Par exemple, sur les prélèvements, il faut préciser où ils ont été faits, et ce que l'on a prélevé. Il faut débattre de manière contradictoire, en présence d'un expert judiciaire, astreint aux règles de déontologie.

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