Intervention de Corinne Lepage

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 novembre 2019 à 9:5
Audition de Mme Corinne Lepage avocate spécialiste du droit de l'environnement

Corinne Lepage, avocate spécialiste du droit de l'environnement :

Il y a eu un incendie d'une immense ampleur. Les sapeurs-pompiers et les policiers ont été remarquables : grâce à eux, nous avons eu un accident industriel, pas une catastrophe majeure. Tout est imbriqué et le feu pouvait partir n'importe où : l'incinérateur voisin, les silos tous proches, les cuves de Total... Bref, cela aurait pu être la disparition de Rouen.

Le SDIS a immédiatement mesuré un certain nombre de facteurs, pour savoir si les pompiers pouvaient sortir. Il n'était pas chargé de la sécurité sanitaire de la population rouennaise, mais il était chargé de savoir s'il n'exposait pas à la mort ses hommes en les faisant sortir. Des prélèvements ont été faits avec des lingettes et analysés avec les moyens du bord. Ce qui n'était pas habituel - hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines, métaux lourds - n'avait pas été mesuré quotidiennement. Il existe en France deux ou trois camions « nucléaire, radiologique, chimique, bactériologique » (NRCB), parfaitement équipés. Celui qui était à Rouen, qui venait de Nogent-le-Rotrou, n'avait pas l'équipement nécessaire, semble-t-il, pour des relevés chimiques. Ce qu'on aurait pu mesurer ne l'a donc pas été.

De plus, avec leurs lingettes, les pompiers ont fait des mesures surfaciques, mais toutes les normes sont définies en volumétrie. Ce qui est sorti de ces analyses n'était donc comparable à aucune norme : on ne peut pas passer du surfacique au volumique. Atmo Normandie n'a mis en place des instruments pour mesurer les HAP et les dioxines que quelques heures après la fin de l'incendie, c'est-à-dire dans l'après-midi qui a suivi. Et les premières lingettes utilisées ont été détruites.

La population rouennaise s'interroge aussi sur les suivis mis en place, qui ne rassurent personne. En particulier, il n'y a pas de suivi médical prévu. Résultat : c'est la société civile qui s'organise pour le faire. Ce n'est pas normal. C'est le travail de l'État. Ce constat rejoint celui des difficultés de communication relevées : comment a-t-on pu dire, avec le nuage au-dessus de la ville, que la qualité de l'air était normale ? D'ailleurs, Atmo Normandie a refusé de publier ses résultats, parce que ceux-ci ne concernaient que les éléments habituels, qui n'étaient pas impactés par les fumées.

Les Rouennais expriment une très grande inquiétude, notamment sur la question du lait maternel, dans lequel on a relevé la présence de produits toxiques. Mais y en avait-il avant aussi ? Rouen, ce n'est pas la campagne... En tout cas, ce n'est pas sain de donner à un bébé du lait contenant des HAP.

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