Chers collègues, Monsieur le président, j'adhère tout à fait à votre point de vue : ce rapport ne traduit que mon opinion. C'est d'ailleurs à cela que sert le débat : confronter des opinions différentes, sinon c'est inutile.
Cette introduction à notre réunion ne saurait qu'être brève. Chacun d'entre vous ayant reçu en temps et en heure le rapport, a pu prendre connaissance de son contenu et de ses conclusions. Il est dès lors inutile de vous les résumer.
D'autant plus que, comme je vous en ai averti, la lecture de l'introduction et de la conclusion, avec éventuellement des incursions dans les six parties du texte, suffit à donner une bonne idée de mon analyse.
Dans mon esprit, les préconisations ne sont pas essentielles, mais j'avais cru comprendre lors de la réunion du 6 juin dernier, au cours de laquelle je vous avais présenté un point d'étape, que vous étiez demandeurs de ces propositions.
La réunion d'aujourd'hui permettra d'éclaircir les points demeurés obscurs et éventuellement de rectifier les erreurs que j'aurais pu commettre en juin.
Si je ne vous présente pas l'ensemble du rapport, ce que je souhaite faire, en revanche, c'est vous préciser quelles ont été mes intentions en rédigeant ce long - trop long - rapport, cette « fusée soviétique » pour reprendre l'expression de notre président... assortie cependant de quelques « scuds ».
Mon intention n'est pas de convaincre - même si j'apprécierais qu'il en aille ainsi pour au moins quelques-uns d'entre vous -, encore moins d'inquiéter, mais d'éclairer sur la mécanique et les résultats réels, parfois aux antipodes de ce qui était souhaité, de la grande transformation néolibérale de l'empire américain, au cours de ce dernier demi-siècle.
Je sais trop la part de subjectivité entrant dans la conviction, que l'on convainc seulement ceux qui le sont déjà presque, pour avoir d'autre prétention que d'apporter des faits, des chiffres trop négligés, que de mettre en évidence des convergences entre des évolutions, des politiques, des choix apparemment sans rapport.
Que je ne connaisse pas d'autres tentatives de ce genre, ne signifie pas que d'autres explications que les miennes, d'autres mises en cohérence des pièces du puzzle et donc d'autres conclusions ne soient possibles.
Elles le sont évidemment, simplement je ne les connais pas.
À la discussion, là aussi, d'apporter quelques pistes.
Ce qui me laisse cependant espérer n'être pas - pour l'essentiel en tous cas - dans l'erreur, c'est que des personnalités parmi les mieux informées et avec lesquelles je suis généralement en désaccord, sont arrivées, par d'autres chemins, aux mêmes conclusions que moi.
L'essentiel, c'est le lien entre les faces financière, économique, sociale et politique de la crise mondiale globale que nous traversons ; c'est qu'il y a urgence à en prendre conscience et à agir même si mon sentiment reste qu'en l'état actuel des rapports de force et des intérêts, un pays comme la France ne peut qu'espérer limiter la casse pour ce qui la concerne.
Si on le faisait, ce serait déjà beaucoup.
Ces personnalités aussi bien informées qu'on puisse l'être, de tous horizons, j'en donne la liste dans le rapport, je n'y reviendrai donc pas, sauf - et ce sera mon ouverture dans le débat - pour évoquer le discours d'Emmanuel Macron le 11 juin de cette année devant l'Organisation internationale du travail (OIT), une analyse à laquelle je ne changerai pas une ligne.
Je le cite : « Je l'ai dit avec force : je crois que la crise que nous vivons peut conduire à la guerre et à la désagrégation des démocraties. J'en suis intimement convaincu. Je pense que tous ceux qui croient, sagement assis, confortablement repus que ce sont des craintes qu'on agite, se trompent. Ce sont les mêmes qui se sont réveillés avec des gens qu'ils pensaient inéligibles, ce sont les mêmes qui sont sortis de l'Europe alors même qu'ils pensaient que ça n'adviendrait jamais. C'était souvent les plus amoureux d'ailleurs de cette forme de capitalisme et de l'ouverture à tout crin.
Moi, je ne veux pas commettre avec vous la même erreur et donc nous devons réussir à ce que notre modèle productif change en profondeur pour retrouver ce que fut l'économie sociale de marché, une manière de produire, de créer de la richesse indispensable, mais en même temps de porter des éléments de justice et d'inclusion et une manière d'organiser l'innovation partout dans le monde et l'ouverture mais de faire que chacun y trouve sa part. »
Comme le souligne Emmanuel Macron, le risque d'implosion du système financier n'est pas le seul danger majeur qui menace l'empire américain et ses provinces, il y a aussi celui de l'implosion politique dont les conséquences sont tout aussi difficiles à prévoir.
Regardez les derniers résultats des élections en Europe, en Allemagne il y a deux semaines, puis en Espagne dernièrement : toutes les semaines, l'avancée des extrêmes se réalise.
Ce que j'ai essayé de montrer, c'est donc qu'il n'y a pas une cause - la financiarisation du système capitaliste qu'on pourrait réguler - et ses conséquences sociales et politiques qu'il s'agirait de soigner, mais un système mondial où tout se tient, un système mondialisé pris au piège de ses contradictions, contradictions qui le rendent de moins en moins réformable par le jeu démocratique normal.
Il y a donc une logique mortifère à l'oeuvre. Sauf un changement radical de l'attitude des États-Unis, je ne vois pas comment nous allons l'enrayer.
Si je devais classer à grands traits mes préconisations, je mettrai en exergue deux grands points. Le premier serait d'appliquer les réformes financières du G20 décidées après la grande crise de 2008. Le second serait de se préparer à l'éventuelle catastrophe, en gardant à l'esprit la priorité : continuer à financer le système économique.
Et, in fine, il faudrait que nous arrivions à faire jouer au Parlement un autre rôle que celui de figuration qu'il joue aujourd'hui.
Ce rapport se veut une prise de conscience.