Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 18 novembre 2019 à 17h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 — Adoption d'un projet de loi modifié

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Surtout, vos prévisions sont légèrement dégradées par rapport à celles de septembre – c’est-à-dire il n’y a pas très longtemps –, puisque vous tabliez sur un déficit à 96, 3 milliards d’euros. On parvient finalement à un déficit de 97, 6 milliards d’euros.

Les recettes de l’État apparaissent comme plus élevées, mais ses dépenses augmentent également.

Du côté des recettes, l’État bénéficie d’un complément de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui nous a beaucoup occupés lors du PLF l’année dernière, s’élevant à 530 millions d’euros. Ce supplément vient du fait que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a calculé que les besoins du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » étaient moins élevés que prévu, le surplus étant dès lors reversé au budget général.

La fiscalité du patrimoine a également produit plus de recettes que prévu en septembre.

S’agissant des dépenses, on constate un montant élevé d’ouvertures et d’annulations de crédits. Si l’on met de côté les 7 milliards d’euros sur la mission « Remboursements et dégrèvements », il apparaît que les politiques publiques les plus touchées en montant absolu sont, d’abord, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont les dépenses consacrées à la prime d’activité sont touchées par l’augmentation non seulement du champ des bénéficiaires, mais aussi du taux de recours effectif de ceux qui y avaient déjà droit.

La deuxième mission qui voit ses crédits augmenter est la mission « Cohésion des territoires », compte tenu du report à janvier 2020 de la mise en place du versement « contemporain » des aides personnelles au logement. C’est la fameuse « contemporanéité » des aides.

S’agissant des annulations de crédits, le montant total est important : 2, 4 milliards d’euros, soit, pour être précis, 1, 7 milliard d’euros sur des crédits mis en réserve et 0, 7 milliard d’euros sur des crédits non mis en réserve.

Pour ne prendre que les plus grosses annulations, il s’agit par exemple de programmes immobiliers qui seraient devenus sans objet sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » et de décalage de marchés publics au titre de la mission « Défense ». Les annulations sur la mission « Action et transformation publiques » témoignent du retard pris par ce programme qui doit accompagner – Christine Lavarde pourrait nous en parler – le processus Action publique 2022, lequel semble quelque peu oublié.

S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le Gouvernement explique que l’environnement de taux bas diminue les charges de bonification de prêts de l’Agence française de développement.

Certaines mesures d’annulation, parfois de quelques millions d’euros, sont susceptibles de remettre en cause des engagements forts du Gouvernement. J’y reviendrai dans quelques instants.

Par définition moins visible, car plus de long terme, je souhaite dire un mot sur le programme d’investissements d’avenir, le fameux PIA, qui peut être utilisé pour de la débudgétisation. Il fait l’objet dans ce PLFR d’importants redéploiements de fonds, à hauteur de plus de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 640 millions d’euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, la faiblesse des ambitions en termes d’évolution des emplois de l’État conduit à ce que l’exécution soit proche de ce qui était présenté en loi de finances initiale.

Certes, le déficit budgétaire est moins élevé que ce qui était inscrit en loi de finances initiale, malgré les mesures prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Mais la cible à atteindre était bien moins ambitieuse que ce qui avait été prévu en début de quinquennat et le Gouvernement continue de bénéficier de la conjoncture, notamment du surcroît de recettes que j’ai évoqué.

Globalement, le PLFR n’apparaît, à ce stade, pas trop contestable du point de vue de la sincérité budgétaire. Il y a même une amélioration nette, comme nous l’avions constaté l’année dernière, en raison de l’absence de décrets d’avance, si l’on « dépasse », évidemment, les choix opérés en termes politiques par la majorité gouvernementale et que beaucoup d’entre nous ne partagent pas.

Jeudi dernier, la commission des finances a souhaité proposer le rejet des crédits, dans l’attente d’un certain nombre d’éléments – nous avons interrogé le Gouvernement et certains ministères tout au long du week-end – concernant les mouvements de crédits opérés, en particulier certaines annulations. Nous avons eu des réponses, mais pas toutes.

Nous avons finalement décidé de présenter trois amendements sur les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Défense » et « Culture » – les crédits du patrimoine sont en particulier étrangement ratissés au-delà de l’apport du loto du patrimoine –, qui, selon nous, reviennent sur des annulations de crédits que nous avons identifiées et nous paraissent particulièrement contestables, s’agissant de la remise en cause de l’engagement fort du Gouvernement en faveur de telle ou telle mission.

En conséquence, mes chers collègues, la commission des finances a tout à l’heure adopté ces trois amendements et vous propose de voter le projet de loi ainsi modifié. Il s’agit non pas, bien sûr, de donner un blanc-seing à la politique gouvernementale, mais de constater que l’exécution est assez conforme à la loi de finances initiale. Bref, il n’y a pas eu dérapage, même si nous ne pouvons évidemment nous satisfaire d’un déficit à près de 100 milliards d’euros…

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