Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 18 novembre 2019 à 17h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 — Adoption d'un projet de loi modifié

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’an passé, le Gouvernement présente un projet de loi de finances rectificative limité au schéma de fin de gestion. Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, je dois dire notre satisfaction que la proposition que nous avions formulée, avec le rapporteur général, de recentrer le collectif budgétaire sur les seuls ajustements de crédits de l’année en cours, ait été entendue.

Cette présentation, avant l’examen du projet de loi de finances pour l’année à venir, a en outre le mérite d’éclairer nos débats sur la sincérité des ouvertures de crédits budgétaires et des évaluations de recettes fiscales soumises à notre approbation. Les rapporteurs spéciaux peuvent ainsi se forger une opinion plus précise sur la réalité des engagements du Gouvernement pour 2020.

Ces points positifs étant relevés, je note que le calendrier d’examen de ce collectif de fin d’année est sans cesse réduit, au point désormais que, hors week-end et jour férié, six jours seulement se passent entre sa présentation en conseil des ministres et son examen complet en première lecture par les deux chambres. Je rappelle que la LOLF donnait une semaine aux commissions des finances des deux assemblées pour se prononcer sur un simple décret d’avance. Le collectif budgétaire ne doit pas être « expédié », au risque de dénuer de tout sens la portée de l’autorisation parlementaire.

Aussi, le Gouvernement doit présenter ce projet de loi au plus tôt ou à tout le moins, à l’appui de ce texte dont il demande l’examen dans des délais extraordinairement courts, donner tous les éléments d’explication nécessaires pour que les parlementaires puissent apprécier l’opportunité des ouvertures et annulations de crédits qui modifient de manière substantielle la loi de finances initiale. Nous ne pouvons accepter de légiférer à l’aveugle.

Sur le fond, ce collectif confirme le très haut niveau du déficit de l’État, un montant jamais atteint de 97, 6 milliards d’euros. Le fait que la transformation du CICE crée un surcoût « temporaire » ne saurait masquer la réalité de ce surcoût et le fait que le déficit public atteindra 3, 1 % du PIB en 2019. Comme on le sait, chaque exercice budgétaire tend à intégrer des mesures « exceptionnelles », et certaines annonces présidentielles ou gouvernementales récentes ne le démentiront pas.

Par ailleurs, ce collectif de fin d’année n’est pas un « petit » collectif. Pour preuve, les ouvertures de crédits sur le budget général sont proches du niveau atteint en 2017, soit plus de 10 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts et près de 5 milliards d’euros annulés. Ces mouvements très importants résultent, pour une large part, des mesures d’urgence décidées en décembre 2018, qui ont été adoptées par le Parlement après le vote de la loi de finances, et du report de la réforme du versement des aides au logement, éléments qui étaient connus.

Concernant les annulations de crédits, celles-ci portent en majorité sur des crédits mis en réserve, avec toutefois des missions particulièrement touchées, comme les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action et transformation publiques », « Outre-mer » et « Justice ». On peine à croire que ces missions soient surdotées, hormis celle qui est relative à la transformation de l’action publique, laquelle tarde décidément à démarrer… Plusieurs de mes collègues devraient évoquer ces annulations sur les secteurs qu’ils suivent plus particulièrement.

Pour ma part, je me limiterai à celles qui concernent la mission « Culture » dont j’ai l’honneur de rapporter les crédits avec mon collègue Julien Bargeton. Ainsi, s’agissant du programme 175 relatif au patrimoine, je ne peux que déplorer l’annulation de 29, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25, 5 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui va au-delà de la réserve de précaution. Le loto du patrimoine, grâce à l’engagement de nos concitoyens, a généré 200 millions d’euros de recettes en 2018, 22 millions d’euros étant reversés pour la rénovation du patrimoine. Les annulations excèdent donc ce montant.

De même, à la suite de la polémique sur la taxation de ce loto, le Gouvernement avait annoncé l’an dernier le redéploiement de 21 millions d’euros de crédits vers la Fondation du patrimoine.

Ces annulations sonnent comme une remise en cause par l’État de la parole donnée. Elles sont d’autant plus incompréhensibles que les collectifs budgétaires de 2017 et de 2018 ne prévoyaient aucune annulation de crédits consacrés au patrimoine, tant les besoins sont importants dans ce domaine.

Je ne peux donc y souscrire et j’invite le Gouvernement à revoir sa position s’il ne veut pas que nos concitoyens, qui ont cru à la valeur ajoutée du loto du patrimoine pour préserver nos monuments historiques en péril, se sentent floués.

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