Monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons vous donner acte, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2019, que le Gouvernement a respecté son engagement de ne pas prendre de décret d’avance et qu’il n’y a pas de nouvelles mesures fiscales.
Cette situation permet également de donner plus de force aux autorisations budgétaires votées en loi de finances initiale.
Cependant, elle ne doit pas conduire à renoncer à l’action publique. En effet, en fin de gestion, il faut pouvoir tenir compte d’événements exceptionnels ou de dépenses résultant, par exemple, de la crise des « gilets jaunes » ou du renforcement possible de nos engagements en matière de transition énergétique.
Les 5, 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires liées au dynamisme fiscal, obtenus notamment grâce au prélèvement à la source, le 1, 9 milliard d’euros de recettes non fiscales, auxquels il convient d’ajouter la baisse de 1, 6 milliard d’euros de la charge de la dette auraient permis de soutenir nos politiques publiques malmenées dans la loi de finances initiale pour 2019.
De même, on note l’absence de volontarisme pour lutter contre la précarité – 14, 7 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté –, pour remettre à niveau les moyens consacrés à l’hôpital, ou pour améliorer la situation dramatique des étudiants pauvres.
Nous nous félicitons que le Gouvernement rejoigne la préconisation de notre groupe de relever de 45 millions d’euros le plafonnement de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), réservée aux établissements publics d’enseignement supérieur. Pour faire face à la situation de précarité des étudiants, nous proposons la réinscription de 35 millions d’euros annulés au programme « Vie étudiante ».
Nous le savons, le déni de justice sociale suscite révoltes violentes et récupérations politiques ou religieuses.
Le Haut Conseil des finances publiques souligne, dans son avis, que nous nous éloignons progressivement de la loi de programmation des finances publiques adoptée par le Parlement. Mais nous avons aussi entendu le Président de la République s’exprimer sur l’abandon du dogme des 3 % de PIB concernant les déficits publics.
À quand donc une nouvelle loi de programmation ?
Dès lors, ce projet de loi de finances rectificative pour 2019 poursuit une politique à laquelle le groupe socialiste et républicain était opposé lors de l’examen de la loi de finances initiale.
La communication du Gouvernement, centrée sur le sérieux et la bonne gestion budgétaire, ne doit pas occulter l’absence d’ambition réelle et les limites de la sincérité budgétaire, notamment par l’utilisation des soldes non affectés des comptes d’affectation spéciale, comme ceux du contrôle de la circulation et du stationnement routiers, de la transition énergétique et de l’immobilier de l’État.
Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative en dépit des efforts du rapporteur général.
Je souhaite aborder plus particulièrement l’incohérence, au vu de l’urgence du défi écologique, des dispositions qui auraient dû être prises pour protéger l’environnement. N’aurait-il pas fallu accroître les politiques publiques en faveur de la transition écologique plutôt que d’amoindrir les recettes du compte d’affectation spéciale ?
Par ailleurs, concernant la situation de l’immobilier de l’État, je veux faire quelques observations quant au rôle de l’État sur son propre patrimoine.
Nous constatons la suppression d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur les missions « Justice » et « Action et transformation publiques ». Pour justifier cette position, on nous objecte que la demande n’est pas suffisante, et que des retards ont été constatés sur les projets immobiliers.
Cette situation conduit à s’interroger sur la conduite de l’action publique du Gouvernement à l’égard de son patrimoine immobilier : baisses de 53 millions d’euros pour la justice et de 93 millions d’euros pour les opérations immobilières et l’entretien des bâtiments de l’État, alors que la Direction de l’immobilier de l’État n’a plus de directeur depuis le mois de juin, que les nombreux opérateurs interviennent de plus en plus largement, parfois sans crédits ouverts, simplement sur la promesse de compenser les avances du compte d’affectation spéciale (CAS) relatif à l’immobilier par de futures cessions, et que les services ne disposent pas des capacités techniques suffisantes pour agir.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Gouvernement communique beaucoup sur un grand plan, doté de 1 milliard d’euros sur cinq ans, de rénovation des cités administratives, certes nécessaire, les faits contredisent les effets d’annonce avec la suppression des crédits que je viens de citer. Il en va ainsi pour les places de prisons – nous serons dans l’incapacité de créer le nombre de places annoncé par la ministre –, comme pour la rénovation des cités administratives, pour laquelle d’importants crédits ont été supprimés.
Il conviendrait de connaître l’orientation que le Gouvernement entend donner à sa politique en matière de patrimoine, dont je rappelle qu’il concerne plus de 60 programmes ministériels et pour lequel nous ne disposons d’aucune vision globale.
J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2020. Lors de son intervention, Victorin Lurel poursuivra mon propos, dans la même ligne.