Monsieur le secrétaire d’État, vous avez d’ailleurs de plus en plus de mal à cacher votre volonté d’utiliser les recettes de fiscalité énergétique au profit de l’État. Le projet de loi de finances pour 2020, que nous examinerons à partir de jeudi, prévoit en effet la suppression du CAS « Transition énergétique », à l’opposé de tous les principes d’une bonne fiscalité environnementale, qui réclame transparence et lisibilité.
Comme vous nous y avez habitués depuis deux ans, vous manifestez un certain art de la communication. Les chiffres sont pourtant têtus, et lorsque notre solde structurel ne se réduit pas, lorsqu’aucun effort n’est fait en matière de dépense publique – 47 emplois seulement supprimés l’année prochaine –, lorsque le seul point d’appui de ce gouvernement pour établir les lois de finances ce sont les taux bas, on peut alors légitimement douter de votre volonté disruptive.
La réalité de ce PLFR, c’est que notre dette ne se réduit pas. Nous atteindrons bientôt les 100 % de notre richesse nationale. Nous aurions d’ailleurs tort de nous préoccuper seulement de la dette publique, car l’endettement privé est lui aussi préoccupant.
La réalité de ce PLFR, c’est qu’en cas de remontée des taux, vous n’aurez plus aucune marge de manœuvre pour nous présenter, un jour un plan de sauvetage de l’hôpital, un autre jour des mesures d’urgence sociale, un jour suivant des ouvertures de crédits pour les forces de l’ordre, et le jour d’après une rallonge budgétaire pour les enseignants.
Monsieur le secrétaire d’État, slalomer comme vous le faites risque de nous conduire dans le mur. On ne résout pas des problèmes structurels tels que ceux que notre pays connaît par des mesures d’urgence, financées par de la dette. Les lois de finances s’enchaînent et il y a aujourd’hui assurément trop de bricolage et d’artifice, sans aucun financement sérieux et pérenne, comme d’ailleurs nous l’a rappelé le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Vous slalomez donc, monsieur le secrétaire d’État, et j’aurai l’occasion d’y revenir au printemps lors de l’examen du projet de loi de règlement qui clôturera l’exercice budgétaire de 2019. Cette année aura été celle des renoncements, par exemple en matière d’ambition environnementale.
J’en prendrai pour seule preuve la hausse de 132 millions d’euros de crédits de paiement que vous nous proposez de voter dans ce PLFR, qui permet de financer le succès de la prime à la conversion pour les véhicules polluants. Je ne peux m’empêcher de mettre en face de cette ouverture de crédits le décret publié en plein mois de juillet dernier, dans l’improvisation la plus totale et en catimini, visant à faire cesser un dispositif qui marche ! Ou quand le succès d’une mesure mise en place sept mois plus tôt, dont les vertus environnementales sont reconnues, est brutalement interrompu pour un motif bassement comptable…
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est de comptabilité environnementale dont nous avons besoin, autant que d’une réelle ambition écologique, promue et défendue avec courage, esprit de responsabilité et langage de vérité.
Les économies de bout de chandelle imaginées de PLF en PLFR n’y changeront rien : sans sortie de notre dépendance à la dépense publique, sans sevrage de notre addiction aux taux bas, sans clarification, arbitrage, puis rationalisation des compétences entre État et collectivités, sans mobilisation européenne pour une vraie union des forces en matière d’innovation, nous resterons « petits bras », avec des lois de finances manquant singulièrement de souffle et de vision.
Force est de constater que notre prochain débat budgétaire s’ouvre dans un climat chargé et lourd d’incertitudes, avec de fortes et vives tensions sociales.
Votre responsabilité, nous le mesurons, est donc importante. Comptez sur la majorité sénatoriale pour exercer son devoir de vigilance en la matière.