Monsieur le secrétaire d’État, comme les orateurs précédents, je vous adresserai deux satisfecit : celui de nous permettre d’examiner un PLFR d’ajustement, ne contenant aucune mesure fiscale, et celui de constater que le Gouvernement poursuit sa volonté de ne pas recourir aux décrets d’avance.
C’est une bonne chose, mais cela ne poussera pas pour autant mon groupe à voter en faveur de ce texte.
La première raison de notre attitude est sans doute le niveau jamais atteint depuis 2011 du déficit public en valeur absolue.
Le déficit s’établit à 3, 1 %, loin de la trajectoire que vous avez annoncée, monsieur le secrétaire d’État, et il est de surcroît maîtrisé grâce aux seuls concours des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale qui améliorent considérablement le solde, lequel sinon serait de 3, 6 %. Du côté de l’État, seuls les taux d’intérêt permettent de faire une économie.
Ainsi donc, malgré des recettes toujours plus élevées, le gouvernement auquel vous appartenez est incapable de maîtriser les dépenses.
J’éprouve quelque plaisir à rappeler que le précédent gouvernement, pourtant accusé d’avoir été mauvais gestionnaire, avait, quant à lui, fait baisser le déficit de près de 20 milliards d’euros, déficit passant de 5 % du PIB en 2012 à 2, 8 % en 2017.
De plus, on pourrait qualifier ce déficit de « mauvais » puisqu’il est en partie causé par la privation de près de 5 milliards d’euros de recettes consécutive aux cadeaux fiscaux faits aux 1 % les plus riches !
Je ne reviendrai pas non plus sur ce que vient de dire notre collègue Thierry Carcenac sur les recettes supplémentaires engrangées grâce à un contexte conjoncturel favorable et qui n’ont malheureusement servi à rien : ni à financer un plan Hôpital, ni à répondre à la crise du logement ou à celle de l’éducation, ni à résoudre les fractures territoriales ou les inégalités sociales.
Pis, nous assistons, par le biais de ce PLFR, à un véritable festival d’annulations de crédits : 6, 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 4, 9 milliards d’euros en crédits de paiement. C’est la deuxième raison du vote que nous émettrons.
Pour les outre-mer, le choc est rude puisque, avec 176 millions d’euros en crédits de paiement et 151 millions d’euros en autorisations d’engagement d’annulations, c’est plus de 7 % du budget du ministère qui s’évapore.
Depuis deux ans, vous avez donc : supprimé France Ô, supprimé la circonscription européenne outre-mer, récupéré 100 millions d’euros de TVA non perçue récupérable (TVA NPR), matraqué les contribuables en réformant l’abattement fiscal sur le revenu, remis à plat et mis à bas les 2, 5 milliards d’euros d’aides économiques aux entreprises ultramarines, mis un coup d’arrêt à la politique du logement outre-mer, réformé en catimini les congés bonifiés, accentué la crise financière des filières agricoles, surtaxé le rhum, supprimé les contrats aidés, fragilisé la base juridique de la majoration de vie chère et, pas plus tard que vendredi soir dernier à l’Assemblée nationale, vous avez même rogné le Fonds d’investissement de proximité outre-mer (FIP-DOM).
Dernière estocade, vous semblez également vouloir intégrer l’octroi de mer dans le calcul du potentiel fiscal des collectivités, avec les conséquences que l’on peut imaginer pour la péréquation…
Aujourd’hui, vous venez justifier ces annulations de crédits en affirmant que nos territoires sont incapables de consommer les crédits si généreusement octroyés. Mais comment faisions-nous alors dans l’ancien monde ?
Une fois encore, le Gouvernement se défausse sans pudeur sur les collectivités et les opérateurs, en les stigmatisant. Jamais l’État ne se pose la question de sa propre responsabilité !
Pourtant, n’y a-t-il pas souvent des problèmes de blocage et de complétude des dossiers, de complexification des procédures ?
N’existe-t-il pas des obstacles administratifs aux agréments de la part d’une administration rétive à financer les dossiers d’outre-mer ?
N’y a-t-il pas des problèmes de préfinancement des opérations, en passant de la défiscalisation aux crédits d’impôt, et de gel de crédits budgétaires qui font l’objet d’annulations ?
Les outre-mer seraient donc de mauvais élèves, mais que faites-vous du 1, 7 milliard d’euros de reste à payer de l’État outre-mer, en augmentation de 7 % en 2018 ? Est-ce une gestion vertueuse ? Non !
Mais tout est apparemment la faute du local, que l’on continue d’infantiliser en critiquant son ingénierie qui, subitement, ne serait plus en mesure de constituer les dossiers.
Ce gouvernement est si sûr de lui qu’il se sert de notre prétendue incapacité pour continuer de tout recentraliser, massivement. Il le fait notamment à travers le nouvel activisme des préfets, qui n’hésitent plus à menacer les élus de révocation, de les convoquer en préfecture comme devant un tribunal pour leur expliquer comment redresser leur collectivité et de les jeter en pâture à une opinion publique chauffée à blanc.
Non, monsieur le secrétaire d’État, les collectivités ne sont pas moins bonnes gestionnaires que l’État !
De grâce, si votre objectif est, comme je le constate, de faire des économies sur le dos des outre-mer, ayez la franchise de simplement accentuer encore plus la baisse des crédits dès la loi de finances initiale, ce qui vous évitera en année n+1 de stigmatiser nos territoires.