Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Gratuité totale dans les transports collectifs — Débat sur les conclusions d'un rapport organisé à la demande d'une mission d'information

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter les conclusions du rapport de la mission commune d’information, constituée sur l’initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur la gratuité des transports collectifs.

Je tiens tout d’abord à remercier mon groupe d’avoir bien voulu consacrer son droit de tirage à ce beau sujet et de m’avoir confié ce rapport.

Je tiens ensuite à remercier la présidente de la mission, Michèle Vullien, de notre relation de travail riche, franche et constructive.

Je tiens également à remercier chacun des membres de cette mission de leur implication dans nos travaux.

Enfin, je tiens à remercier l’équipe d’administrateurs qui n’a pas ménagé ses efforts pour aboutir au riche rapport dont nous débattons aujourd’hui.

La gratuité des transports : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? Telle est la problématique que nous avons posée pour étudier ce sujet popularisé, entre autres, par le choix opéré par la métropole de Dunkerque, et de plus en plus présent dans le débat public à mesure que les élections municipales approchent.

Après plus de quarante-sept heures d’auditions, les réponses de nombreuses collectivités, une consultation en ligne qui a récolté 10 500 contributions – un record et une preuve, si besoin en était, de l’intérêt du sujet pour nos concitoyens –, notre rapport se veut un outil d’aide à la décision.

La gratuité d’un service public pour ses usagers est un sujet d’ordre quasi philosophique, dont chacun peut s’emparer aisément, et qui enflamme facilement les débats ou les discussions.

On ne se pose plus la question de la gratuité de l’école publique ou celle de l’accès aux soins essentiels. Pour faire un parallèle avec notre thématique du jour, on ne se pose pas non plus la question de la gratuité de l’accès aux routes départementales ou nationales.

En revanche, la gratuité de l’accès aux équipements publics, comme les bibliothèques et les musées, ou celle des transports collectifs fait encore débat.

La question est donc la suivante : notre République doit-elle assurer un droit universel à la mobilité, comme elle assure un droit universel à l’éducation ou à la santé ?

C’est un vaste débat qui agite les passions et qui voit trop souvent s’affronter des positions de principe, pas toujours étayées, pas toujours éclairées. Que l’on soit pour ou contre le principe de la gratuité, on assiste souvent à un florilège d’idées reçues et de lieux communs que le premier objectif de ce rapport était d’éprouver.

Je ne citerai que deux exemples. Non, la gratuité des transports ne conduit pas aux incivilités ou à une dégradation des équipements. Et non, la suppression de la billettique et des contrôles ne suffit pas à compenser les pertes de recettes.

Il s’agissait de l’une de nos premières recommandations : dépasser les positions de principe et les idées reçues pour débattre des faits, des chiffres et des réalités de chaque territoire et de chaque réseau.

Le rapport dresse donc un état des lieux de la mise en œuvre de la gratuité des transports en France – cela concerne vingt-neuf communes à ce jour – et dans le monde. Il trace des perspectives pour repenser la mobilité collective au XXIe siècle.

Le premier constat est sans appel : nous n’avons que très peu de recul sur le sujet. Les expériences françaises et internationales sont assez rares et les études scientifiques le sont encore davantage, notamment pour déterminer clairement le type de report modal qu’implique la gratuité. Les données que nous avons collectées sont parcellaires et ne permettent pas de tirer des conclusions irréfutables.

C’est pourtant une nécessité de pouvoir se fonder sur des études précises pour évaluer objectivement le bilan environnemental de la gratuité. Dans ce rapport, nous proposons de mettre en place un observatoire de la tarification des transports pour accumuler des données statistiques et scientifiques à même d’éclairer la décision publique.

Cela étant, l’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sur Châteauroux, qui date de 2007, et l’étude plus récente réalisée par la ville de Dunkerque semblent montrer assez nettement que la gratuité des transports est une mesure sociale très efficace.

Là où elle a été mise en place, la fréquentation des bus a grimpé : on observe une hausse du nombre des usagers de 23 % à Niort en deux ans et de près de 80 % à Dunkerque en moins d’un an. Selon toute vraisemblance, cette augmentation résulte en premier lieu de personnes qui ne se déplaçaient pas ou peu. La gratuité atteint donc l’objectif qu’on lui assigne : garantir l’égalité en matière de mobilité. La révolution sociale n’est pas loin.

Le principal inconvénient de la gratuité est paradoxalement son efficacité. Elle oblige à se poser la question de l’offre de transport. Ainsi, dans les réseaux déjà extrêmement fréquentés – on pense naturellement à la région capitale, mais c’est le cas pour d’autres réseaux –, une mise en œuvre de ce principe risquerait d’entraîner une saturation totale du réseau et, donc, une baisse de la qualité du service.

Dans les grandes agglomérations qui possèdent des réseaux denses, il est nécessaire d’établir des priorités. Les questions de l’offre de transport et de sa soutenabilité dans le temps doivent prévaloir sur celle de la gratuité. C’est d’autant plus important que les réseaux ferrés des grandes métropoles sont beaucoup plus coûteux à développer et à entretenir que les seuls réseaux de bus.

Cette problématique nous invite aussi à considérer que la gratuité n’est pas une fin en soi ni un but absolu. Il s’agit d’un outil de politique publique parmi d’autres, qui doit s’inscrire dans un projet de mobilité, un projet urbain plus vaste.

Ainsi, pour toutes les villes moyennes où les réseaux sont neufs et sous-utilisés et dont les centres-villes sont de moins en moins fréquentés, la gratuité des transports, associée à une politique de revitalisation des centres-villes, est un outil extrêmement efficace, comme le prouvent les exemples de Châteauroux, de Dunkerque ou de Niort. C’est une autre recommandation du rapport que de penser la gratuité comme un levier au service d’une politique globale, et non comme un objectif à part entière.

En effet, la gratuité pose fondamentalement la question du financement des transports en commun dans notre pays.

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