Intervention de Michèle Vullien

Réunion du 19 novembre 2019 à 14h30
Gratuité totale dans les transports collectifs — Conclusion du débat

Photo de Michèle VullienMichèle Vullien :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes courageux collègues qui sont restés cet après-midi dans l’hémicycle, et que je remercie, la gratuité, certes, mais à quel prix ?

Les interventions d’aujourd’hui sont la preuve que le sujet de la gratuité des transports collectifs passionne et continuera sans aucun doute à faire parler de lui, surtout en cette période préélectorale.

Je tiens à remercier tout d’abord les administrateurs, le rapporteur et l’ensemble des groupes politiques qui ont participé, de manière constructive, aux travaux de la mission d’information. Nous sommes parvenus à atteindre un équilibre qui, je dois l’avouer, n’a pas été facile à trouver. Le premier projet de rapport n’avait d’ailleurs été ni adopté ni rejeté, et nous avions choisi, collectivement, de poursuivre notre réflexion, pour finalement aboutir à un rapport adopté à l’unanimité. Je tiens à saluer tout spécialement le rapporteur, M. Gontard, qui a bien voulu remettre l’ouvrage sur le métier au cours de l’été.

À la lumière des débats d’aujourd’hui, que faut-il retenir de la gratuité des transports collectifs ? D’abord, comme je le disais, c’est un sujet qui passionne, et pour cause ! À l’approche des échéances électorales du printemps prochain, nombreuses sont les propositions visant à instituer la gratuité des transports, le tout, bien souvent, sans évaluation préalable – j’ajouterai que ceux qui parlent de gratuité des transports sont ceux qui ne se sont jamais intéressés aux transports auparavant, et qui ne connaissent pas leur fonctionnement. En proposant de rendre les transports de leur collectivité gratuits, certains se font de la publicité à bon compte, si j’ose dire. Quant à savoir qui finance, on verra plus tard !

Cependant, dès que nous tentons une réflexion un peu approfondie sur la question, il est indéniable que la gratuité ne saurait être présentée comme une réponse miracle adaptée à toutes les situations.

Je reste personnellement convaincue que la gratuité, a fortiori la gratuité totale, ne reste possible que dans certaines situations très spécifiques, dans lesquelles deux conditions sont réunies. La première condition est l’existence d’un réseau de bus – et non de transport lourd – peu fréquenté, c’est-à-dire où la demande est inférieure à l’offre de transports. Les communes qui ont adopté la gratuité en sont un bon exemple. La seconde condition est un financement qui repose essentiellement sur le versement transport.

Dans ces cas très précis, seule la gratuité totale des transports collectifs peut servir, comme on l’a vu à Dunkerque, à renforcer l’attractivité du centre-ville ou encore à optimiser le service existant. J’avoue être beaucoup plus circonspecte, en revanche, sur les autres vertus que certains prêtent par ailleurs aux transports gratuits. Allez donc expliquer aux usagers du métro parisien, serrés à quatre par mètre carré aux heures de pointe, qu’il constitue un « lieu de vie » : succès garanti !

En outre, dans la très grande majorité des cas, la gratuité des transports collectifs reste une équation financière impossible à tenir pour les AOM en l’état actuel des financements, puisqu’elle implique à la fois la perte de recettes liées à la billettique, mais aussi une hausse des dépenses dues à l’augmentation de la fréquentation. Surtout, la gratuité des transports collectifs n’est pas demandée par les usagers, qui lui préfèrent bien évidemment un accroissement de l’offre. Depuis vingt-cinq ans que je travaille sur les transports collectifs de l’agglomération lyonnaise, je n’ai jamais entendu un seul citoyen réclamer la gratuité, mais toujours une offre accrue, un meilleur maillage, une plus grande fréquence et une plus grande amplitude horaire.

Plus encore, la question de la gratuité des transports collectifs, si elle reste une idée séduisante au premier abord, porte en elle le risque – cela a été dit – d’accroître les inégalités entre les zones urbaines, d’une part, qui disposent de réseaux de transports collectifs, et les zones rurales et périurbaines, d’autre part, où ils font souvent défaut. Comment justifier la gratuité des transports pour certains, alors qu’un grand nombre de nos concitoyens sont confrontés à d’importantes difficultés de mobilité dans de très nombreux territoires ? Je pense donc que la priorité doit rester le développement de l’offre de transport pour l’ensemble de nos territoires, et ce avant toute autre chose. Il y va de l’équité entre tous les Français.

Les différentes auditions que nous avons menées dans le cadre de cette mission m’ont davantage convaincue de l’intérêt de développer une tarification équitable et lisible, une tarification solidaire pour les usagers, que l’on appelle communément la gratuité partielle. C’est la raison pour laquelle la mission a proposé la création d’un observatoire de la tarification des transports, qui permettrait aux AOM envisageant cette gratuité, qu’elle soit partielle ou totale, de disposer d’un outil spécifique. J’ai d’ailleurs demandé à monsieur le secrétaire d’État Djebbari comment mettre en place cet observatoire. Il m’a répondu qu’il avait transmis la question à ses services, qui doivent être en train de l’étudier…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion