Intervention de Jean-François Longeot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 13 novembre 2019 à 9h30
Avis sur les mesures fiscales relatives à l'environnement et aux transports du projet de loi de finances pour 2020

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot, rapporteur :

Il me revient de vous présenter les mesures fiscales relatives à l'environnement et aux transports du projet de loi de finances pour 2020 sur lesquelles notre commission s'est saisie pour avis.

Comme chaque année, le projet de loi de finances comporte un certain nombre de dispositions directement liées aux politiques publiques que nous suivons. Celui-ci ne déroge pas à la règle, puisqu'il contient plusieurs mesures importantes relatives aux transports et à la rénovation énergétique des bâtiments.

S'agissant de la fiscalité des transports, les quatre articles que je vais vous présenter (16, 18, 19 et 20) visent tous, d'une manière ou d'une autre, à augmenter les taxes sur le transport routier et sur le transport aérien.

Tout d'abord, le projet de loi de finances traduit les annonces faites par le Gouvernement en juillet dernier, à l'issue du deuxième Conseil de défense écologique, en prévoyant une diminution de 2 centimes d'euros par litre du remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole dont bénéficient les entreprises de transport routier de marchandises - ce qui représenterait une hausse de la fiscalité sur ce secteur de 70 millions d'euros l'année prochaine et de 140 millions d'euros à partir de 2021 - et une augmentation des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (dite taxe « Chirac »), entre 1,50 et 3 euros par billet pour les vols intérieurs et intra-européens, et entre 9 et 18 euros pour les vols hors Union européenne, pour un produit supplémentaire de 180 millions d'euros par an.

Cette hausse des taxes sur le transport aérien et le transport routier permet de financer l'augmentation du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui s'élèvera à près de 3 milliards d'euros l'année prochaine, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi d'orientation des mobilités.

Mais l'on peut regretter que cette hausse de la fiscalité soit conçue uniquement dans une logique de rendement budgétaire, pour pallier le manque de moyens de l'État pour financer les infrastructures de transports, et qu'elle ne s'inscrive pas dans une réflexion de plus long terme sur la transformation de ces secteurs, pour les accompagner à réaliser leur transition énergétique en s'orientant vers des technologies moins émettrices de gaz à effet de serre.

Les transporteurs routiers comme les compagnies aériennes que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils étaient prêts à supporter une hausse de la fiscalité, à condition que les recettes soient utilisées pour les aider à réduire leurs émissions.

Il me paraît essentiel que le secteur du transport routier de marchandises puisse, comme celui de l'automobile, bénéficier d'un contrat de filière lui donnant de la visibilité sur l'évolution du cadre fiscal et réglementaire à venir et sur les dispositifs de soutien mis en oeuvre en parallèle.

Par ailleurs, je regrette que la solution retenue pour faire contribuer ce secteur au financement des infrastructures de transport repose essentiellement sur les entreprises françaises et non sur les transporteurs étrangers qui s'approvisionnent en carburant en dehors de France, et qui par conséquent continueront à utiliser et à dégrader les infrastructures sans jamais contribuer à leur entretien. Alors même que tout l'enjeu identifié lors des Assises de la mobilité était de faire payer les poids lourds étrangers en transit... c'est donc une véritable occasion manquée !

S'agissant du transport aérien, alors que les vols vers la Corse et vers les territoires ultra marins ainsi que les lignes d'aménagement du territoire devaient être exclus de la hausse de la taxe sur les billets d'avion dès son entrée en vigueur au 1er janvier 2020, cette exemption s'appliquera finalement à une date ultérieure fixée par arrêté, le temps que la Commission européenne examine la conformité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne. Mais la Commission européenne n'a été officiellement saisie que le 29 octobre dernier, il est donc à craindre que ces vols subissent la hausse de la taxation en janvier prochain, ce qui pénaliserait les voyageurs de ces territoires éloignés ou enclavés. Il y a donc eu un vrai manque d'anticipation du Gouvernement, s'agissant d'une mesure qui a été annoncée au début du mois de juillet...

Le projet de loi de finances prévoit par ailleurs de supprimer progressivement, entre 2020 et 2022, le tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier (GNR), à l'exception de certains usages dont les usages agricoles.

Cette suppression est assortie de mesures d'accompagnement en faveur des secteurs concernés, comme la possibilité de plein droit de majorer le prix des contrats en cours, afin de pouvoir répercuter la hausse de la fiscalité, la création d'un dispositif de « suramortissement » pour l'acquisition d'engins non routiers utilisant des carburants alternatifs, ou encore l'application en contrepartie d'un taux très réduit de TICPE pour les travaux statiques ou de terrassement des secteurs économiques particulièrement exposés à la concurrence, comme la manutention portuaire ou l'industrie extractive.

La suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR était déjà prévue dans le projet de loi de finances de l'année dernière - avant d'en être retirée à la suite du mouvement des « gilets jaunes » -, mais elle devait s'appliquer de manière brutale, puisqu'elle n'était pas lissée dans le temps et qu'elle ne comportait pas de mesures d'accompagnement. Nous avions par conséquent adopté en commission un amendement pour la rendre progressive, en l'étalant sur quatre ans.

Cette année, le dispositif proposé prend en compte les critiques formulées l'année dernière, puisqu'il laisse le temps aux acteurs de s'adapter à la hausse de la fiscalité. Cela montre qu'en prenant le temps de la concertation, il est possible d'aboutir à des solutions de compromis acceptables !

J'en termine s'agissant des transports par l'article 18, qui prévoit une refonte du cadre fiscal applicable aux véhicules à moteur. À la suite du scandale provoqué par le « dieselgate », un nouveau cadre réglementaire européen relatif à la mesure des émissions des CO2 des véhicules a été élaboré. Le nouveau cycle d'essai WLTP permet de mieux mesurer les émissions des véhicules, en étant plus proche de la conduite en conditions réelles, et conduit à réévaluer de 25 % en moyenne le niveau de ces émissions.

L'article 18 prévoit par conséquent de réviser le barème des taxes applicables aux véhicules pour tenir compte de cette augmentation des émissions constatées, et en profite pour simplifier le paysage fiscal en fusionnant la taxe fixe régionale et la taxe de gestion perçues lors de la délivrance du certificat d'immatriculation, et en intégrant dans le barème du malus automobile trois autres écotaxes sur les véhicules polluants (la taxe CO2 pour les véhicules d'occasion, la taxe annuelle sur les véhicules particuliers les plus polluants, et le malus sur les voitures puissantes).

Par ailleurs, cet article durcit le barème du malus automobile en abaissant le seuil d'émissions à partir duquel il s'applique de 117 à 110 grammes de CO2 par kilomètre. Le malus maximum passera en conséquence de 10 500 à 12 500 euros.

Enfin, le projet de loi de finances prévoit de supprimer le compte d'affectation spéciale « bonus-malus ». Or ce compte est un gage de transparence, puisqu'il affecte directement la recette du malus aux dispositifs de soutien à l'évolution du parc automobile que sont le bonus et la prime à la conversion. Par conséquent, je vous proposerai un amendement pour le maintenir.

Je viens maintenant à la réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). L'article 4 du PLF vise à transformer progressivement ce crédit d'impôt en aide financière directement perceptible directement au moment des travaux.

Le 1er janvier 2020, le CITE sera remplacé par une prime de transition énergétique pour les ménages modestes et très modestes, versée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) lors de la réalisation des travaux et fusionnée avec les aides du programme « Habiter Mieux Agilité » de l'Agence. Les autres ménages continueront de bénéficier du CITE jusqu'au 31 décembre 2020 à l'exception des ménages les plus aisés - déciles de revenus 9 et 10 - qui en seront exclus.

À partir du 1er janvier 2021, le CITE sera supprimé et la prime bénéficiera à tous les ménages modestes et intermédiaires.

Cette réforme, annoncée depuis plusieurs années, a la particularité de simplifier les choses tout en les complexifiant !

La transformation du CITE en prime présente l'avantage d'apporter une aide financière aux ménages dès la réalisation des travaux, sans que ceux-ci aient besoin de faire une avance de trésorerie, et permet de solvabiliser davantage les ménages modestes et très modestes.

Mais en même temps, elle rend le dispositif plus complexe, puisque désormais les aides à la rénovation ne seront plus calculées en appliquant un taux unique au prix des travaux réalisés, mais seront modulées en fonction de leur performance énergétique. Ainsi, à chaque type de travaux correspondra un montant d'aide différent, montant qui variera également en fonction des ressources des ménages.

Par ailleurs, le choix de recentrer les aides à la rénovation énergétique sur les ménages modestes, en excluant les ménages des déciles 9 et 10, pourrait conduire à freiner le rythme des travaux de rénovation énergétique, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de rénovation de 500 000 logements par an que s'est fixé le Gouvernement. En effet, 50 % des travaux de rénovation éligibles au CITE ont été réalisés par ces ménages en 2017.

Lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a par conséquent présenté un amendement permettant à ces ménages de bénéficier du CITE au titre des travaux d'isolation des parois opaques. Je vous proposerai d'aller plus loin, en permettant à ces ménages de continuer à bénéficier du crédit d'impôt lorsqu'ils réalisent des travaux de rénovation globale de leurs logements énergivores - étiquettes F ou G - permettant un gain énergétique important - passage à une étiquette A, B ou C.

Par ailleurs, je vous proposerai plusieurs amendements pour revenir sur des restrictions qui sont apportées au CITE l'année prochaine, dans une logique budgétaire qui n'est pas compatible avec l'ambition d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments.

Pour terminer, je vous proposerai tout à l'heure, conjointement avec Didier Mandelli, deux amendements directement liés à nos travaux récents sur le projet de loi d'orientation des mobilités. Le premier vise à réintroduire un dispositif de financement au profit des communautés de communes exerçant la compétence d'organisation des mobilités, en leur allouant une fraction de TICPE. Le second vise à supprimer la baisse de 45 millions d'euros de la compensation que l'État verse aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

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