Une délégation de notre commission s'est rendue en Nouvelle-Calédonie du 30 août au 8 septembre derniers. Cette délégation était composée de MM. Michel Vaspart, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Michel Dagbert, Pierre Médevielle et moi-même.
Nous avons effectué une douzaine de visites de terrain et de nombreuses rencontres officielles, dans les trois provinces de Nouvelle-Calédonie et sur l'Île des Pins, autour de cinq thèmes principaux : la protection et la valorisation de la biodiversité marine et terrestre, la gestion des déchets, l'économie minière, les énergies renouvelables, la transition agricole, sans oublier le contexte institutionnel et politique en Nouvelle-Calédonie.
D'abord, la Nouvelle-Calédonie est un territoire à part dans notre République, du fait de sa distance à la métropole, plus de 17 000 kilomètres, et du fait de ses compétences particulières, constituées au fil de l'histoire de ses liens avec la métropole. Avec plus de 18 000 km2 de superficie totale, l'archipel néocalédonien recouvre l'équivalent de quatre départements et sa zone économique exclusive représente trois fois la France, avec 1,7 million de km2. La Nouvelle-Calédonie est peuplée depuis 4 000 ans par des Mélanésiens, les Kanaks, et a fait l'objet d'une colonisation de peuplement tant pénale que libre. Elle abrite environ 270 000 habitants dont 170 000 au sein du Grand Nouméa, et relève de la souveraineté française depuis 1853.
La Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale sui generis, régie par le titre XIII de la Constitution de 1958. Comme vous le savez, ce statut particulier résulte de l'accord de Nouméa de 1998, négocié à la suite des accords de Matignon de 1988 afin d'apaiser les tensions communautaires. L'organisation politique et administrative du pays est complexe et fait intervenir trois échelons d'action publique dans le cadre de ce qui est appelé un « fédéralisme interne », à côté des services de l'État représenté par le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit des trente-trois communes et de leurs groupements, des trois provinces, qui disposent d'une clause générale de compétence aux termes de la loi organique de 1999, et enfin des institutions propres à la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire le Congrès, organe législatif, le gouvernement, exécutif collégial, le Sénat coutumier, qui représente les huit aires coutumières du territoire et le Conseil économique, social et environnemental.
À la suite de transferts successifs, la Nouvelle-Calédonie exerce désormais des compétences qui sont dévolues à l'État dans les régions et départements de métropole et notamment le commerce extérieur, la réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt, le droit du travail, le droit des assurances, la police et la sécurité de la circulation aérienne et de la circulation maritime, le droit civil, la sécurité civile ou encore l'enseignement du second degré public. Elle s'appuie sur les services de l'État qui sont mis à sa disposition, en lien avec le Haut-Commissaire.
Au titre de nos rencontres institutionnelles et officielles, nous avons pu échanger avec : le Haut-Commissaire de la République récemment nommé, M. Laurent Prévost ; le président du gouvernement, M. Thierry Santa, ainsi que M. Philippe Germain, membre de ce gouvernement, chargé de l'agriculture, de la pêche et du développement durable ; le président du Congrès, M. Roch Wamytan et Mme Virginie Ruffenach, présidente de la commission des infrastructures publiques, de l'aménagement du territoire, du développement durable, de l'énergie, des transports et de la communication, ainsi qu'avec la rapporteure de cette commission, Mme Françoise Suve ; les membres du Sénat coutumier et notamment son nouveau président, M. Hippolyte Wakewi Sinewami-Htamumu ; la présidente de la province Sud, Mme Sonia Backès, et plusieurs de ses vice-présidents ; le président de la province Nord, M. Paul Neaoutyine ; le président de la province des Îles Loyauté, M. Jacques Lalié et le maire de Lifou, M. Robert Xowie ; la maire de Nouméa, Mme Sonia Lagarde ; notre ancien collègue sénateur et actuel maire de l'Île des Pins, M. Hilarion Vendégou et notre collègue sénateur Gérard Poadja.
Deuxième remarque, l'archipel s'est développé à partir de l'exploitation minière du nickel et des secteurs liés comme la métallurgie. Le niveau de vie des habitants est élevé, proche de la métropole, avec un PIB par habitant voisin de celui de la Nouvelle-Zélande, avec des variations importantes entre les provinces. En revanche, les prix sont 30 % supérieurs à ceux de la métropole. Le taux de pauvreté et les inégalités de revenus sont deux fois plus élevés qu'en métropole. L'investissement, en particulier du secteur public, joue un rôle majeur, pour assurer un développement économique équilibré. Ce besoin en investissements se reflète d'ailleurs dans la hausse du taux de prélèvements obligatoires, qui a progressé de façon importante au cours des quinze dernières années, même s'il reste de plus de dix points inférieurs au niveau constaté en métropole.
J'en viens maintenant à la question de la cohésion sociale en Nouvelle-Calédonie et au référendum sur l'indépendance. L'accord de Nouméa de 1998 reconnaît une double légitimité, d'une part à la population kanak au titre de son statut de premier occupant et, d'autre part, aux autres communautés au titre de leur participation à la construction du territoire.
Les accords de Matignon de 1988 ont prévu trois référendums sur cette question en cas de vote négatif sur les deux premiers : le 4 novembre 2018, un premier référendum s'est tenu, avec 56,4 % des suffrages en faveur du « non » à l'indépendance. Deux possibilités de référendums restent donc encore ouvertes et le prochain référendum devrait se tenir le 6 septembre 2020. Sans rentrer dans les détails, s'agissant d'un dossier sensible, l'établissement des listes électorales pour le vote tant aux élections locales qu'au référendum sur l'indépendance est d'une complexité extrême et fait intervenir un ensemble de critères qui ont été constituées dans le cadre de négociations difficiles localement. Il y a trois types de listes électorales en Nouvelle-Calédonie : la liste électorale générale (LEG), établie selon les règles de droit commun pour les élections nationales (présidentielles, législatives, municipales, européennes, référendums nationaux). Les citoyens de l'Union européenne peuvent être inscrits sur des listes complémentaires pour participer aux élections municipales et européennes. Une liste électorale spéciale existe pour l'élection du congrès et des assemblées de province (LESP) et il y a également une liste électorale spéciale à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté (LESC), où sont susceptibles d'être inscrites l'ensemble des populations intéressées à l'avenir du territoire, au sens de l'Accord de Nouméa et de l'article 77 de la Constitution. Ce corps électoral référendaire est plus restreint que le corps électoral de droit commun mais plus large que le corps électoral pour l'élection du congrès et des assemblées de province.
Avant de conclure, je voudrais renouveler officiellement nos remerciements au Haut-Commissaire, aux trois commissaires délégués de la République dans les provinces et à l'ensemble des services de l'État, qui ont fait preuve d'une grande disponibilité. Ces remerciements s'adressent également à l'ensemble des interlocuteurs que nous avons pu rencontrer, au premier rang desquels les autorités politiques calédoniennes.